Autorité des marchés publics c. Valosphère Environnement inc., 2025 QCCA 198
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
ADMINISTRATIF (DROIT) : L’Autorité des marchés publics ne peut obtenir l’annulation d’une décision de la Cour supérieure en se fondant sur l’article 77 de la Loi sur l’Autorité des marchés publics.
2025EXP-517
Intitulé : Autorité des marchés publics c. Valosphère Environnement inc., 2025 QCCA 198
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Québec
Décision de : Juge Suzanne Gagné
Date : 20 février 2025
Références : SOQUIJ AZ-52098617, 2025EXP-517 (13 pages)
ADMINISTRATIF (DROIT) — contrat administratif — autorisation de contracter ou de sous-contracter avec un organisme public — révocation — Autorité des marchés publics — contrôle judiciaire — demande d’annulation d’un jugement — Cour supérieure — ordonnance — sursis — articles 76 et 77 de la Loi sur l’Autorité des marchés publics — apparence de droit — prépondérance des inconvénients — permission d’appel de bene esse.
PROCÉDURE CIVILE — appel — permission d’appel de bene esse — autorisation de contracter ou de sous-contracter avec un organisme public — Autorité des marchés publics — révocation — contrôle judiciaire — Cour supérieure — ordonnance — sursis — demande d’annulation.
ADMINISTRATIF (DROIT) — contrôle judiciaire — cas d’application — divers — Autorité des marchés publics — autorisation de contracter ou de sous-contracter avec un organisme public — révocation — Cour supérieure — ordonnance — sursis — demande d’annulation d’un jugement — articles 76 et 77 de la Loi sur l’Autorité des marchés publics — norme de contrôle — décision raisonnable.
Demande en annulation d’un jugement de la Cour supérieure rendu en cours d’instance ayant rendu une ordonnance de sursis. Demande de permission d’appeler de bene esse d’un jugement rendu en cours d’instance. Rejetées.
L’intimée est une entreprise détenant une autorisation de contracter ou de sous-contracter avec un organisme public délivrée par l’Autorité des marchés publics (AMP) en vertu de la Loi sur les contrats des organismes publics. L’AMP lui a transmis un préavis de révocation de son autorisation. Les motifs retenus étaient: a) l’intimée prétend qu’un individu est un consultant pour l’entreprise alors que les interventions de ce dernier démontrent qu’il est plutôt un dirigeant ou une personne ayant directement ou indirectement le contrôle juridique ou de facto de l’intimée; et b) cet individu entretient des liens avec le crime organisé et des personnes gravitant autour de celui-ci. L’AMP a rendu sa décision par la suite et a conclu que l’intimée ne satisfaisait pas aux exigences d’intégrité, et ce, uniquement pour le motif a). Elle n’a pas retenu le motif b). L’intimée s’est pourvue en contrôle judiciaire de cette décision et a demandé à la Cour supérieure d’en suspendre immédiatement les effets. Cette dernière a accueilli la demande et a accordé un sursis de la décision ainsi que de l’ensemble de ses conclusions. L’AMP demande l’annulation de la décision de la Cour supérieure en se fondant sur l’article 77 de la Loi sur l’Autorité des marchés publics, lequel doit être lu avec l’article 76 de cette même loi.
Décision
L’article 77 est une clause dite de renfort qui complète et renforce la clause privative prévue à l’article 76 en permettant à un juge de la Cour d’appel d’intervenir rapidement pour arrêter l’exercice du pouvoir de révision judiciaire de la Cour supérieure, que l’on croit injustifié. Ce pouvoir revêt un caractère exceptionnel et doit être exercé avec prudence. La norme de contrôle applicable à la décision de l’AMP est celle de la décision raisonnable. La partie qui recherche un sursis doit démontrer qu’elle satisfait à 3 critères, soit l’apparence de droit, le préjudice sérieux ou irréparable et la prépondérance des inconvénients. En l’espèce, la Cour supérieure aurait pu mieux s’exprimer sur le critère de l’apparence de droit, mais il ne suffit pas, pour l’AMP, de pointer une faiblesse dans le jugement. Vu le caractère exceptionnel du pouvoir d’annulation prévu à l’article 77, l’AMP doit démontrer que le dossier, tel qu’il a été constitué en première instance, ne comporte aucun motif en apparence sérieux et défendable d’une interprétation déraisonnable de la Loi sur les contrats des organismes publics et des pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de cette loi. À première vue, les motifs de l’intimée ne sont ni futiles ni dénués de fondement au regard de la norme de contrôle de la décision raisonnable. Ils satisfont au critère de l’apparence de droit, qui est généralement peu exigeant. Dans la mesure où la Loi sur les contrats des organismes publics ne définit pas les exigences d’intégrité auxquelles les entreprises doivent satisfaire et où l’AMP ne s’appuie sur aucun des éléments énumérés à l’article 21.28 de cette loi, la question de savoir si l’omission de déclarer un dirigeant de l’entreprise peut, à elle seule, entraîner la révocation de l’autorisation de contracter ou de sous-contracter avec un organisme public paraît suffisamment sérieuse. Quant à la prépondérance des inconvénients, l’AMP reproche à la Cour supérieure de ne pas avoir dûment pris en considération l’intérêt public. Ce reproche n’est pas fondé. Les motifs de la Cour supérieure, quoiqu’ils soient succincts, font voir qu’elle était consciente de l’importance de l’intérêt public. La décision de la Cour supérieure de maintenir le statu quo pendant l’instance ne constitue pas un cas clair d’exercice injustifié de son pouvoir de contrôle. Il y a donc lieu de rejeter la demande d’annulation.
Quant à la demande de permission d’appeler de bene esse, la demande de permission d’appeler est régie par l’article 31 alinéa 2 du Code de procédure civile. L’AMP doit démontrer non seulement que le jugement décide en partie du litige ou lui cause un préjudice irrémédiable, mais également que l’appel envisagé est dans l’intérêt de la justice et respecte les principes directeurs de la procédure. Il est bien établi qu’une demande de permission d’appeler d’un jugement ayant ordonné un sursis n’est accueillie que dans des circonstances exceptionnelles. Les conditions requises ne sont pas remplies en l’espèce, d’autant moins que l’appel pourrait bien être caduc au moment d’être entendu si l’instruction du pourvoi en contrôle judiciaire a lieu prochainement.
Instance précédente : Juge Danye Daigle, C.S., Québec, 200-17-036981-249, 2024-12-23, 2024 QCCS 4892, SOQUIJ AZ-52093135.
Réf. ant : (C.S., 2024-12-23), 2024 QCCS 4892, SOQUIJ AZ-52093135.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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