par
Karine Delvolvé
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07 Oct 2025

Face aux atteintes portées à la profession et à l’État de droit, les avocat.e.s s’organisent

Par Karine Delvolvé, Avocate

Alors que le 15 septembre 2025, le Barreau du Québec et la Chambre des Notaires lançaient une campagne sous la thématique « Protégeons notre État de droit », le Jeune Barreau de Montréal s’est intéressé à la récente initiative prise par nos homologues européens à l’origine de La Convention du Conseil de l’Europe sur la protection de la profession d’avocat (ci-après la « Convention »). D’un côté de l’océan comme de l’autre, toutes et tous s’accordent sur un même principe : l’avocat.e en tant qu’auxiliaire de justice est un pilier essentiel au maintien de l’État de droit et à l’exercice de la justice.

Historiquement, les avocat.e.s ont toujours été exposé.e.s à des risques dans l’exercice de leur profession, particulièrement lorsqu’ils défendaient des causes sensibles ou des personnalités controversées. Force est de constater que, depuis plusieurs années, l’accroissement de l’intensité et de la nature de ces menaces déstabilise et met en péril l’État de droit[1]. Les agressions et les ingérences dans l’exercice des activités professionnelles des avocat.e.s sont devenues des réalités : harcèlement, emprisonnements, surveillance, disparitions forcées et meurtres d’avocat.e.s continuent de se produire dans de nombreux États du Conseil de l’Europe.[2]

Cette escalade récente, particulièrement depuis les années 2010-2020, a éveillé la solidarité des professionnels européens et motivé l’adoption de la Convention en 2025, marquant une prise de conscience institutionnelle de l’urgence de protéger cette profession essentielle à la démocratie.

C’est ainsi que la Convention du Conseil de l’Europe pour la protection de la profession d’avocat, adoptée par le Comité des Ministres le 12 mars 2025, constitue le premier traité international juridiquement contraignant consacré à la protection de la profession d’avocat[3].Elle représente une avancée majeure pour la défense de l’État de droit, la garantie de l’accès à la justice et la protection effective des droits humains et des libertés fondamentales.

Concrètement, elle vise à protéger les avocat.e.s et leurs associations professionnelles qui jouent un rôle crucial dans la sauvegarde des droits et des intérêts de leurs membres, à la fois sur le plan individuel et professionnel. La Convention traite du droit d’exercer la profession, des droits professionnels, de la liberté d’expression, de la discipline professionnelle et des mesures de protection spécifiques pour les avocats et les associations professionnelles.

Les objectifs principaux de la Convention sont les suivants :

– Préserver l’indépendance des avocat.e.s en répondant aux menaces croissantes dont ils font l’objet.[4]

– Garantir l’accès à la justice et la protection des droits humains et des libertés fondamentales, car sans avocats libres et indépendants, le système judiciaire ne peut fonctionner correctement et la confiance du public s’effrite.

– Renforcer l’État de droit grâce à un instrument juridique qui protège le droit d’exercer sans préjudice ni retenue.[5]

– Créer un cadre juridique contraignant afin de décourager les attaques et de renforcer la protection des avocat.e.s.

Le respect de la Convention sera contrôlé par le Groupe d’experts sur la protection des avocats (GRAVO) et le Comité des Parties[6]. Au moins huit pays, dont six États membres du Conseil de l’Europe, doivent la ratifier pour qu’elle entre en vigueur et que cet organe technique puisse commencer ces activités de surveillance.[7]

La Convention fonctionne selon le principe classique du droit international : elle crée des obligations pour les États signataires qui sont : adapter leur législation nationale pour protéger les avocats, mettre en place des mécanismes de protection contre les agressions et menaces et garantir l’indépendance de la profession.

Les sanctions ne sont pas prévues dans la Convention elle-même. En effet, il appartient à chaque État d’envisager dans sa législation des sanctions pénales contre des actes constituant des agressions ou menaces envers les avocat.e.s. De plus, un recours est possible devant la Cour européenne des droits de l’Homme en cas de violation par un État de ses obligations. Enfin, des pressions diplomatiques et politiques pourront s’exercer au sein des membres du Conseil de l’Europe.

La Convention a été ouverte à la signature les 13 et 14 mai 2025 à Luxembourg, et les barreaux européens encouragent activement les États à la ratifier pour assurer sa mise en œuvre effective[8].  À ce jour, 18 pays ont signé la Convention[9].

Bien que le Canada ne soit pas membre du Conseil de l’Europe, il possède le statut d’observateur depuis 1996, ce qui l’autorise à participer à certains travaux et à signer des traités. De plus, « Après l’entrée en vigueur de la présente Convention, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe pourra, après avoir consulté les Parties à la présente Convention et en avoir obtenu l’assentiment unanime, inviter tout État non-membre du Conseil de l’Europe n’ayant pas participé à l’élaboration de la Convention à adhérer à la présente Convention (…) ».

La profession au Canada profitera-t-elle de cet élan de solidarité pour devenir partie à cette Convention ? Le mouvement est lancé, l’avenir nous le dira !


[1] https://www.coe.int/fr/web/human-rights-rule-of-law/-/protection-of-lawyers-progress-made-for-the-elaboration-of-a-draft-convention-by-the-council-of-euro-1

[2] https://latribune.avocats.be/fr/du-cote-des-institutions-europeennes-mai-2025

[3] Série des Traités du Conseil de l’Europe – n° 226 Convention du Conseil de l’Europe pour la protection de la profession d’avocat Luxembourg, 13.V.2025

[4] https://www.coe.int/fr/web/portal/-/council-of-europe-adopts-international-convention-on-protecting-lawyers

[5] https://www.coe.int/fr/web/cdcj/conventionlawyers

[6] Articles 10 à 14 de la Convention

[7] https://www.coe.int/fr/web/cdcj/conventionlawyers

[8] https://www.avocatparis.org/actualites/convention-europeenne-pour-la-protection-des-avocats-les-barreaux-de-luxembourg-paris-et et https://www.cnb.avocat.fr/fr/actualites/presentation-de-la-convention-europeenne-de-protection-des-avocats

[9] https://www.ccbe.eu/fr/actions/conseil-de-leurope/convention-du-conseil-de-leurope-sur-la-protection-de-la-profession-davocat/

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