Les obligations du débiteur alimentaire envers ses enfants à la suite d’une perte d’emploi
Par Magdalena Sokol, LaSalle Sokol
Par Magdalena Sokol
LaSalle Sokol, avocats
La pension alimentaire au bénéfice des quatre enfants des parties a diminué de 1 262,00 $ par mois, vu la perte d’emploi de Monsieur et malgré le fait qu’il n’a fait qu’une seule démarche sérieuse de recherche d’emploi sur une période d’un an. Dans Droit de la famille-133554 (2013 QCCA 2176), la question est de savoir si la pension alimentaire au bénéfice des enfants doit être fixée suivant les revenus réels ou non de Monsieur.
Les faits
Les parties sont divorcées. En huit ans de vie commune, elles ont eu quatre enfants. Au moment de leur séparation en 2008, Monsieur, alors thanatologue, générait des revenus de 90 000,00 $. En 2011, ses revenus ont diminué à 66 900,00 $. En octobre 2012, Monsieur s’est fait congédier, de sorte qu’il a bénéficié de 45 semaines d’assurance-emploi. Par la suite, il est demeuré sans emploi : sur une période d’un an, il a fait deux démarches de recherche d’emploi dont l’une comme chauffeur de camions sans pourtant détenir les permis requis. Or, selon Madame, son train de vie n’a pas changé :
« [18] L’appelante, quant à elle, témoigne que le rythme de vie de l’intimé n’a pas changé depuis la perte de son emploi :
R […] [I]l habite toujours la même maison, une grande maison de six (6) chambres, trois (3) salles de bain, un gros garage. J’ai remarqué qu’il s’était acheté une nouvelle voiture aussi assez dispendieuse, plus que je suis capable, moi, de me permettre malgré que j’ai quatre (4) enfants à voyager. »
La Cour supérieure a accueilli la requête de Monsieur en diminution de la pension alimentaire vu sa situation d’emploi, de sorte que la pension alimentaire pour les quatre enfants des parties est passée de 1 675,00 $ par mois à 413,00 $, soit une diminution de 1 262,00 $ par mois. Le juge de première instance a attribué à Monsieur un revenu à peine équivalent au salaire minimum pour fixer la pension alimentaire des enfants.
Analyse
L’intervention à la Cour d’appel est sur une erreur de fait : les démarches de Monsieur à la suite de sa perte d’emploi ne satisfont pas son obligation de se comporter comme une personne raisonnable pour subvenir aux besoins de ses enfants :
« [7] Le débiteur alimentaire a l’obligation de se comporter comme l’aurait fait un débiteur alimentaire raisonnable dans sa situation. Le comportement du débiteur doit donc être mesuré à l’aune (sic) de ses obligations alimentaires. Une décision « légitime dans certaines circonstances » peut néanmoins être « inopportune » lorsqu’elle « a pour effet de priver les […] enfants de ressources essentielles à leur bien-être ».
[8] La fixation de revenu peut s’imposer en présence d’une décision consciente et assumée de refuser un emploi, tenant compte des efforts déployés, de l’âge, des possibilités réelles d’emploi et d’autres facteurs pertinents de même nature. Il ne s’agit pas d’une pure question de choix individuels. »
De plus, le débiteur alimentaire a l’obligation de répondre aux besoins de ses enfants et une réorientation professionnelle, même légitime et raisonnable, doit éviter de faire porter un fardeau « excessif » aux enfants. Il n’a pas à être de mauvaise foi pour qu’un revenu lui soit imputé par la Cour :
« [13] L’on peut dégager de ce qui précède les principes suivants : premièrement, la négligence d’un débiteur alimentaire est suffisante pour lui imputer un revenu supérieur à son revenu réel, en fonction des revenus qu’il aurait pu raisonnablement générer. Deuxièmement, la satisfaction de l’obligation alimentaire doit être modulée en fonction des circonstances familiales. Or, en l’espèce, l’obligation alimentaire est d’autant plus importante que les parties ont quatre enfants. »
En l’espèce, Monsieur n’a pas satisfait à son fardeau de se trouver un nouvel emploi : il a fait une seule démarche sérieuse de recherche d’emploi et, lors du procès, ne savait pas plus dans quel domaine il allait se réorienter. Également, depuis sa perte d’emploi, il prend le temps de s’occuper de son père, sans pour autant être un aidant naturel. Enfin, Madame a témoigné à l’effet que le train de vie de Monsieur n’a pas diminué.
Dans les circonstances, la Cour d’appel a estimé qu’il était raisonnable d’imputer à Monsieur un revenu annuel de 50 000,00$, tenant compte qu’il gagnait un revenu annuel de 70 000,00 $ avant sa perte d’emploi en 2012 :
« [19] Bref, l’attitude de l’intimé semble très éloignée du comportement que devrait avoir un parent raisonnable. Les quatre enfants de l’intimé ont « droit au support financier de leur père ». Ce dernier se devait dans les circonstances de faire des démarches plus que minimales pour trouver un emploi de façon à remplir son obligation alimentaire. La jurisprudence permet d’utiliser l’article 825.12 C.p.c. pour tenir compte de ce type de négligence. Or, le salaire annuel qu’a attribué le juge à l’intimé est à peine équivalent au salaire minimum en vigueur.
[20] Il est possible qu’en faisant des démarches actives de recherche d’emploi l’intimé ne réussisse pas à se trouver un emploi plus rémunérateur, mais dans les circonstances, il n’a pas démontré à la Cour qu’il a pris des mesures raisonnables pour s’acquitter de ses obligations. Cela justifie l’intervention de la Cour et, comme remède, l’attribution d’un revenu. »
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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