Les sommes d’argent remises par générosité ne peuvent être annulées sans la preuve d’une erreur déterminante susceptible de vicier le consentement
Par Annie Marquis
Par Annie Marquis
Dans Dieni c. Faour (2014 QCCS 3), la Cour supérieure a déterminé que les sommes remises par le demandeur à la défenderesse constituaient des dons et non des prêts consentis sur la base de fausses représentations. Le demandeur n’a pas établi l’existence d’une erreur déterminante qui viciait son consentement et ne peut donc pas obtenir l’annulation de l’acte juridique.
Faits
Les parties se rencontrent à l’automne 2005 et se voient très fréquemment jusqu’au mois d’octobre 2007. Monsieur entretient une relation très étroite avec la défenderesse au point que la fille de celle-ci le considère comme un père.
Durant cette période, Monsieur remet ou transfert à Madame et à sa famille au Liban plusieurs sommes d’argent. Elle lui mentionne qu’elle supporte seule financièrement sa famille vivant dans une situation financière précaire. À la fin de l’année 2006, Monsieur a remis environ 73 000$ à Madame ou aux membres de sa famille.
En mai 2007, la relation se détériore progressivement. Au mois de février 2008, il apprend que Madame est copropriétaire de l’immeuble qu’elle réside et non locataire comme elle l’avait affirmé. Le registre foncier indique que la défenderesse a payé la somme de 88 000$ en argent comptant.
Selon Monsieur, il a consenti des prêts sur la foi de fausses représentations de Madame quant à sa situation financière. Il désire donc obtenir l’annulation des prêts et le remboursement de la somme de 113 108,87$. Madame prétend plutôt que le demandeur n’a jamais mentionné que ce sont des prêts d’argent et affirme qu’il s’agit de dons. Elle soutient également que la réclamation pour le remboursement des montants remis avant le 14 juillet 2006 est prescrite.
Analyse
La Cour supérieure considère l’aveu de la défenderesse sur la réception des sommes d’argent comme un commencement de preuve. Elle permet donc la preuve par témoignage pour établir l’existence des prêts même si la valeur des montants remis à Madame est supérieure à 1 500$.
La juge Langlois souligne que la validité du consentement d’une partie à un acte juridique est prévue aux articles 1399 à 1401 du C.c.Q. Elle ajoute que l’erreur qui vicie le consentement d’une partie doit être déterminante et l’évaluation se fait in concreto, soit du point de vue du contractant qui l’invoque. Cependant, l’erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement, car elle résulte d’une conduite imprudente et insouciante.
L’évaluation in concreto de l’apport financier du demandeur à Madame et à sa famille indique qu’il ne s’attendait pas à un remboursement. En effet, Monsieur admet avoir développé des sentiments amoureux pour Madame et s’être investi ardemment dans cette relation pour lui faire plaisir et lui simplifier la vie. Certaines sommes ont même étés offertes en cadeaux d’anniversaire. Également, le demandeur n’a jamais mentionné à Madame que l’argent remis ou transféré s’agissait d’un prêt.
Le Tribunal conclut ainsi que Monsieur a fait des dons à la défenderesse et qu’ils ne peuvent être annulés:
« [108] En premier lieu, la prépondérance de la preuve établit que la question de la situation financière de Madame, en particulier concernant sa capacité ou non d’économiser, n’a pas été déterminante dans la décision de Monsieur de lui fournir une aide financière directement ou indirectement en aidant financièrement les membres de sa famille.
[109] Cette preuve démontre qu’en toute vraisemblance, sa décision est motivée par les sentiments qu’il éprouve envers elle et le désir d’investir dans une relation qu’il souhaite développer.
[110] En second lieu, il y a absence de preuve que Madame ait fait quelque affirmation ou représentation que ce soit à ce sujet et il ressort du témoignage de Monsieur qu’il lui reproche plutôt de ne rien lui avoir révélé à ce sujet.
[115] Monsieur n’a pas prouvé ni tenté de prouver que les sommes transférées au Liban ont été détournées en faveur de Madame. Celle-ci a témoigné que le montant payé au comptant sur l’achat de sa maison provient de l’indemnité reçue de la Société d’Assurance Automobile du Québec, de sa marge de crédit et de l’argent économisé de ses salaires dont un était payé au comptant.
[117] Bref, Monsieur n’a pas prouvé par une preuve prépondérante l’existence d’une erreur déterminante à l’origine de ses dons. »
De plus, la Cour confirme que la réclamation sur le remboursement des sommes remises avant le 14 juillet 2006 est prescrite.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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