09 Avr 2014

Coupe de bois et accession mobilière

Par
Pierre-Luc Beauchesne
Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l.

Dans 6926614
Canada Inc.
(Entreprises TAG) (Arrangement
relatif à), (2014 QCCS 1353), la Cour
rejette la requête des débitrices afin d’obtenir l’autorisation de faire
transporter le « bois bord de route ». La Cour conclut que les
intimés qui ont coupé, ébranché et transporté le bois en ont acquis le droit de
propriété par accession et possèdent un droit de rétention jusqu’au paiement de
l’indemnité qui leur est due.

Faits
Pour le compte des débitrices, les intimés ont coupé,
ébranché et transporté sur le bord d’un chemin qu’ils avaient construit, une
quantité de bois résineux et de bois feuillus estimée à 35 000 mètres
cubes. Selon le contrôleur, ce bois aurait une plus value par rapport à
un arbre non coupé de 360 000 $ pour le résineux et de
137 000 $ pour le bois franc, pour un total de 497 000 $. Selon
les intimés, les débitrices leur doivent, au moment du dépôt du C-36, la somme
de 5.5 M.$.

Analyse
La Cour considère que la valeur du bois coupé et des
services rendus par les intimés est d’au moins de 497 000 $ de plus
que la valeur du bois debout.

La Cour conclut que les intimés ont acquis le bois par
accession :

« [17]
Le bien transformé n’a pas besoin d’être dans une forme finie. Ici, la plus
value apportée par les Champoux est substantielle. Ce n’est pas par hasard que
les débitrices-requérantes désirent s’approprier cet inventaire depuis le dépôt
du C-36. N’eut été de la valeur importante de cet inventaire, les
débitrices-requérantes auraient sûrement procédé à la coupe du bois dont les
droits ont été acquis par encan.

[18]
Le Tribunal fait sienne l’analyse du juge Gendreau dans l’affaire Les Concassés
du Cap :

« [13] Pour bénéficier du droit à l’accession, la
matière doit être transformée par le mélange, l’adjonction ou la spécification.

[14] Dans le dossier sous étude, la demanderesse a
pris de la pierre à l’état brut. Elle a procédé d’abord au dynamitage puis elle
l’a concassé pour la rendre conforme à la fabrication de route, selon la
demanderesse.

[15] Pour le Tribunal, il s’agit d’un premier
élément donnant ouverture au droit d’accession au même titre que le bloc de
marbre qui serait sculpté par un tiers.

[16] La valeur du travail est de beaucoup
supérieure à celle du matériel brut.

[17] Prenant pour avéré toutes les allégations de
la déclaration, il s’agit d’un rapport de 10,00 $ à 0,35 $ la tonne métrique.

[18] L’article 972 C.c.Q. édicte :
« La personne, qui a travaillé ou transformé une
matière qui ne lui appartenait pas, acquiert la propriété du nouveau bien… »

[19] Denys Claude Lamontagne parle
d’une expropriation.

[20] Il s’exprime ainsi :
«
Dans tous les cas, l’accession opère expropriation. Aussi, le propriétaire du
bien nouveau, qui a apporté l’élément principal, doit-il payer la valeur (non
le coût) de la matière ou de la main-d’œuvre (ayant donné une plus-value au
bien) à celui qui l’a fournie accessoirement ? L’indemnité devrait être évaluée
à la date du paiement. On voit par là que le législateur a voulu éviter les
situations d’indivision, avec les problèmes qui peuvent s’en suivre. Mais s’il
est impossible de déterminer qui a contribué davantage à la création du bien
nouveau, les intéressés en sont copropriétaires indivis (973 C.c.Q.)

À moins de dessaisissement volontaire, celui qui doit
restituer le bien nouveau a un droit de rétention jusqu’au paiement de
l’indemnité qui lui est due (974, 1592, 1593 C.c.Q.). Le rétenteur apparaît
comme une sorte de détenteur précaire qui peut retenir le bien jusqu’au
paiement, nonobstant la revendication du propriétaire. N’ayant que la garde du
bien, il ne peut en faire usage ou percevoir les fruits et revenus. Mais, comme
tout créancier, il peut faire vendre le bien en justice après saisi (2646
C.c.Q.) »

(Références omises) (Le Tribunal
souligne)

[19]
On ne peut trouver meilleur parallèle à notre affaire. Les Champoux ont coupé
les arbres, les ont ébranchés, tronçonnés, débardés et transportés, ce qui
constitue une transformation de la matière.

[20]
En conséquence, le Tribunal conclut que les Champoux ont obtenu le droit de
propriété par accession et qu’ils possèdent un droit de rétention jusqu’au
paiement de l’indemnité de 491K $ qui leur est due. »

Le
texte intégral de la décision est disponible ici.

 

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