Lorsqu’un ordinateur portable devient nécessaire pour une défense pleine et entière
Par Sarah D. Pinsonnault, avocate
Par Sarah D. Pinsonnault
Dans la décision Pomerleau c. Girard, 2014 QCCS 2823, le requérant demande d’avoir accès à un ordinateur portable dans sa cellule. Il soutient que cela est nécessaire afin de lui permettre de préparer une défense pleine et entière contre la poursuite qui entend utiliser, en termes de preuve, environ 100 gigaoctets de données lors du procès.
Contexte
Le requérant fait l’objet d’une accusation liée à une vaste opération policière effectuée dans la région d’Abitibi-Témiscamingue. Il est présentement détenu à l’Établissement de détention de Québec (« EDQ ») et en procès, avec 3 autres accusés, depuis le 17 mars dernier. Dans cet établissement, selon un horaire fixe, il a accès à un local où se trouvent 4 ordinateurs déjà sécurisés. Toutefois, lorsqu’il souhaite consulter son dossier et travailler sur sa défense en dehors des heures permises et dans l’intimité sa cellule, il doit imprimer les documents. Il appert que les documents imprimés par les coaccusés jusqu’à présent remplissent déjà plusieurs grands sacs en papier.
L’EDQ s’oppose à la demande du requérant pour des motifs de sécurité. Il prétend que la présence d’un portable dans la cellule du requérant risquerait de lui permettre soit de communiquer avec l’extérieur ou de s’en servir comme arme. Par ailleurs, l’EDQ plaide que le requérant n’a pas rempli son fardeau de démontrer une violation, actuelle ou anticipée, de son droit à une défense pleine et entière.
Analyse
Le Tribunal a jugé que l’EDQ n’a pas présenté suffisamment de preuves pour démontrer que la présence d’un portable dans la cellule du requérant pouvait poser des problèmes de sécurité et que le volume de la preuve au dossier justifiait la demande du requérant :
« [29] La tenue de procès d’envergure comportant une preuve sur support informatique volumineuse est maintenant une réalité depuis les opérations Printemps 2001 et SharQc à laquelle tous doivent s’adapter.
[…]
[31] Ceci étant dit, le requérant n’a pas fait la preuve de la mauvaise foi ou de la malice de l’intimé, cependant le Tribunal estime qu’il n’est pas raisonnable, en l’espèce, face à une preuve sur support informatique aussi volumineuse, de ne pas faire droit à la demande du requérant.
[32] À ce sujet, voici comment s’exprime le juge Labrie dans l’affaire Desjardins:
[88] Le volume de la preuve divulguée sur support informatique et l’échéance que constitue la date de l’enquête préliminaire font en sorte que nous sommes ici dans un cas d’espèce qui commande une grande efficacité du requérant dans sa préparation et dans la communication de ses notes à ses avocats, et ce, au nom du droit à une défense pleine et entière.
[89] En l’espèce, ce droit à une défense pleine et entière commande une maximisation du temps de préparation du requérant.
[33] Le Tribunal fait siens les propos du juge Labrie et conclut qu’en l’espèce, l’obligation de communiquer la preuve a pour corollaire la possibilité de consulter celle‑ci et de préparer sa réponse aux accusations. Il en va du droit à une défense pleine et entière.
[34] Il y a donc lieu d’accueillir la requête. »
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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