Malgré un accord entre les procureurs, aucune cause ne peut être remise sans le consentement du tribunal
Sarah D. Pinsonneault
La loi accorde aux juges de première instance de larges pouvoirs discrétionnaires pour veiller au bon déroulement de l’instance et pour assurer le contrôle et le respect de la règle de la proportionnalité. C’est pour cette raison que, dans le contexte d’une demande de permission d’appeler d’un jugement refusant une demande de remise ou d’ajournement, les juges de la Cour d’appel (siégeant comme juge unique) doivent faire preuve de déférence à l’égard d’un tel jugement. En effet, il est de jurisprudence constante que la Cour d’appel n’intervient que de manière exceptionnelle dans le cadre de décisions rendues en première instance en matière de gestion. On doit prouver prima facie à l’étape de la requête pour permission d’appeler que la discrétion judiciaire exercée par le juge de première instance a été « exercée de manière nettement inappropriée ». Dans Groupe Conseil Cerca inc. c. Entreprises Richard Normand inc., 2014 QCCA 1927, la Cour d’appel, sous la plume de l’honorable Marie St-Pierre, j.c.a. siégeant à titre de juge unique, rejette la requête pour permission d’appeler d’un jugement ayant refusé la demande de remise faite de consentement par les deux procureurs au dossier puisque ceux-ci n’ont pas réussi à démontrer un abus du pouvoir discrétionnaire ou d’un usage inapproprié de ce dernier par le juge de première instance.
Contexte
Le 3 décembre 2013, lors d’un appel de rôle provisoire, un procès d’une durée de trois jours est fixé par les procureurs au dossier pour les 27, 28 et 29 octobre 2014. Le 7 octobre 2014, une demande de remise de consentement est acheminée au juge coordonnateur, dans laquelle l’avocat invoque les motifs suivants pour justifier sa demande de remise du procès :
« 1. D’une part, mon épouse vient au terme de sa grossesse précisément à ce moment (et c’est notre premier enfant…);
2. D’autre part, des discussions récentes avec mon adversaire […] nous font entrevoir la possibilité de réduire la durée du procès ou d’un règlement hors Cour;
3. Et, finalement, l’issue d’un autre litige intéressant les parties et portant sur des questions connexes au présent dossier doit faire l’objet d’un procès en janvier 2015, lequel risque d’avoir une incidence sur l’opportunité de tenir ou non un procès dans la présente affaire; »
De surcroît, les parties proposent de nouvelles dates auxquelles le procès pourrait être reporté au début de l’année 2015.
Le juge coordonnateur, étant d’avis que « les motifs invoqués ne justifient pas une remise d’un procès fixé depuis déjà plusieurs mois », refuse la demande de remise. Il mentionne ce qui suit dans sa lettre de refus:
« D’autre part, je dois vous informer que les ressources judiciaires sont limitées. Demander une remise pour négocier un règlement et demander par la même occasion que le procès soit refixé dès que possible ne me semble pas une utilisation judicieuse des ressources judiciaires. »
Décision
L’honorable juge St-Pierre refuse la permission d’appeler recherchée par les parties en concluant que la décision du juge coordonnateur relève de son pouvoir discrétionnaire de gérer l’instance et que celui-ci n’a commis aucune erreur révisable dans l’exercice de ce pouvoir :
« [16] En qualité de juge coordonateur des districts de Saint-François, Bedford et Mégantic, le juge Dumas veille à l’usage raisonné, raisonnable et responsable des ressources judiciaires limitées que la Cour supérieure offre et peut offrir à l’ensemble des citoyens qui y présentent leurs litiges. La lecture de sa décision révèle que c’est dans l’exercice de cette importante responsabilité, en l’absence de motifs imprévus qui pourraient justifier qu’il en soit autrement, qu’il refuse la demande de remise.
[17] En pareilles circonstances, tenter de convaincre d’un abus du pouvoir discrétionnaire ou de son usage inapproprié s’avère impossible. »
Ainsi, malgré le consentement des deux procureurs à cette demande de remise, la juge St-Pierre invoque la règle établie à l’article 27 du Règlement de procédure civile, RLRQ c C-25, r 11 et souligne que « le fait que le procureur de la partie adverse consente à la remise n’y change rien » puisque c’est uniquement avec le consentement de la Cour qu’une remise peut être accordée.
Pour consulter le texte intégral de ce jugement, veuillez cliquer ici.
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