FAMILLE : Le juge de première instance a commis une erreur lorsqu’il a conclu que le déplacement de l’enfant des parties était licite parce qu’il était nécessaire pour assurer la sécurité de la mère et de l’enfant et qu’il a tranché, par conséquent, que le domicile de l’enfant se trouvait au Québec.
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
2014EXP-3874
Intitulé : Droit de la famille — 143017, 2014 QCCA 2188
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal, 500-09-024123-135
Décision de : Juges Allan R. Hilton, Geneviève Marcotte et Jean-François Émond
Date : 2 décembre 2014
Références : SOQUIJ AZ-51129969, 2014EXP-3874, J.E. 2014-2169 (12 pages)
Résumé
FAMILLE — autorité parentale — garde d’enfant — compétence internationale — tribunaux québécois — déplacement illicite — violence conjugale — domicile de l’enfant — moyen déclinatoire — forum non conveniens.
INTERNATIONAL (DROIT) — compétence des tribunaux — tribunaux québécois — matière familiale — garde d’enfant — déplacement illicite — violence conjugale — domicile de l’enfant — moyen déclinatoire.
INTERNATIONAL (DROIT) — forum non conveniens — compétence internationale — matière familiale — garde d’enfant — déplacement illicite — violence conjugale — domicile de l’enfant — moyen déclinatoire.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un moyen déclinatoire et reconnu la compétence des tribunaux québécois pour statuer sur la garde d’un enfant. Accueilli.
Les parties ont commencé à faire vie commune en 2010 alors qu’elles vivaient toutes deux en Colombie-Britannique et une enfant est née de leur union en 2011. À l’automne 2012, en raison de la violence conjugale dont elle se dit victime, la mère a quitté le domicile familial avec l’enfant et elle est retournée vivre au Québec, y engageant des procédures en vue d’obtenir la garde de sa fille. Le père a toutefois demandé aux tribunaux québécois de décliner compétence en faveur des tribunaux de la Colombie-Britannique, soulignant que le déplacement de l’enfant, fait à son insu et sans son consentement, ne pouvait servir d’assise légale à un changement de domicile. Le juge de première instance a rejeté l’exception déclinatoire. Selon lui, même si la mère n’avait ni obtenu l’autorisation ni avisé le père avant de déménager avec sa fille, le déplacement effectué pour la sécurité de la mère et de l’enfant ne pouvait être qualifié d’illicite. De façon subsidiaire, il a ajouté que, même en déterminant que le domicile de l’enfant était situé en Colombie-Britannique, il se serait alors prévalu des articles 3135 et 3140 du Code civil du Québec (C.C.Q.) pour conserver compétence, étant convaincu que la sécurité de la mère et de l’enfant serait ainsi mieux assurée, ce qui sous-entendait que le déplacement pour un motif de sécurité constituait une mesure adéquate, voire la seule solution. De plus, étant d’avis que le renvoi devant les autorités compétentes de la Colombie-Britannique imposerait un fardeau financier important à la mère et que cette dernière était victime du comportement violent du père, il a estimé qu’un tel renvoi serait injuste.
Décision
M. le juge Émond: Le juge a commis une erreur lorsqu’il a considéré que le déplacement était licite parce qu’il était nécessaire pour la sécurité de la mère et de l’enfant et qu’il a conclu, par conséquent, que le domicile de l’enfant n’était pas situé en Colombie-Britannique, mais bien au Québec. Le lieu de résidence habituel ne peut être modifié au gré d’un parent, sans autorisation de l’autre parent gardien. Accepter le contraire équivaudrait à reconnaître que le parent qui agit de façon unilatérale peut se prévaloir de sa propre faute au préjudice de l’enfant, qui se voit ainsi privé de la présence de l’un de ses parents. Enfin, le fait qu’en l’espèce la mère se soit déplacée par crainte pour sa sécurité et celle de l’enfant n’a pas eu pour effet de modifier le domicile de cette dernière. Le juge a aussi commis une erreur lorsqu’il a invoqué, à titre de motifs subsidiaires, les règles du forum non conveniens qui se trouvent aux articles 3135 et 3140 C.C.Q. D’une part, la règle énoncée à l’article 3135 C.C.Q. ne trouve pas application lorsque l’autorité étrangère est compétente pour trancher un litige. D’autre part, l’article 3140 C.C.Q. ne peut trouver application que dans les situations d’urgence ou celles présentant des inconvénients sérieux qui compromettent la santé physique ou psychologique d’une personne se trouvant au Québec. En l’espèce, ce n’est qu’en vertu de l’article 3136 C.C.Q. que le juge aurait pu conférer aux autorités québécoises la compétence pour connaître du litige, et ce, dans la mesure où une action en Colombie-Britannique se serait révélée impossible ou si l’on n’avait pu exiger qu’elle y soit introduite, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Ainsi, une audience en Colombie-Britannique respectera les règles de justice fondamentale et, s’il est vrai que la mère devra subir des inconvénients et supporter des frais importants pour faire valoir ses droits devant le tribunal compétent de la Colombie-Britannique, il s’agit d’une conséquence du déplacement qui s’est révélé illicite.
Instance précédente : Juge Steve J. Reimnitz, C.S., Terrebonne (Saint-Jérôme), 700-04-023136-135, 2013-12-03, 2013 QCCS 6731, SOQUIJ AZ-51037578.
Réf. ant : (C.S., 2013-12-03), 2013 QCCS 6731, SOQUIJ AZ-51037578, 2014EXP-452, J.E. 2014-234; (C.A., 2014-01-09), 2014 QCCA 20, SOQUIJ AZ-51032709, 2014EXP-231.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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