Soulèvement du voile corporatif : le seul fait qu’une compagnie soit l’alter ego d’un individu ne suffit pas pour que ce dernier soit tenu responsable de la dette contractée par la compagnie
Par Sarah D. Pinsonnault, avocate
Par Sarah D.
Pinsonnault
Dans Stoclor Holdings Ltd. c. Templarios Holdings Ltd., 2015 QCCS 2116,
suite à un défaut de paiement de la part de la société défenderesse (« Templarios »)
qui a acheté les actions de la société demanderesse (« Stoclor »),
cette dernière intente un recours et réclame le solde impayé de non seulement
Templarios, mais aussi de ses deux actionnaires. Or, malgré que lesdits
actionnaires n’aient jamais cautionné ni garanti le paiement du prix d’achat
des actions par Templarios, Stoclor allègue qu’ils sont tout de même responsables
de la dette en question en raison de leur statut d’alter ego de Templarios.
Les actionnaires
répondent par une requête en rejet, au motif de non-recevabilité de l’action
intentée contre eux personnellement (*il est à noter que personne n’a contesté
que l’action puisse continuer contre Templarios).
Le Tribunal,
présidé par l’honorable Claudine Roy, j.c.s., donne gain de cause aux
actionnaires vu que le critère codifié à l’article 317 C.c.Q., à savoir
que la personnalité juridique d’une personne morale ne peut être soulevée qu’en
cas de fraude, abus de droit ou en présence d’une contravention à une règle
intéressant l’ordre public, n’a pas été rencontré.
Ainsi, même si
la requête introductive d’instance de Stoclor accusait les actionnaires de
fraude et de mauvaise foi, celle-ci n’alléguait aucun fait étayant les
éléments essentiels du critère précité. La juge a donc rejeté l’action intentée
contre les actionnaires personnellement en mentionnant :
« [13] [L]a requête
introductive d’instance n’allègue aucun fait suffisant pour croire que la
responsabilité personnelle de l’actionnaire principal et administrateur
pourrait être retenue et, encore moins, celle de Mme Vasconselos, actionnaire
minoritaire de Templarios.
[14] Dans sa mise en demeure, Stoclor semble penser que le seul
fait qu’une compagnie soit l’alter ego d’un individu suffit pour que les
actionnaires et l’administrateur soient tenus responsables de la dette
contractée par la société. Tel n’est pas le cas. Un tribunal ne peut soulever
le voile corporatif qu’en cas de fraude, abus de droit ou contravention à une
règle d’ordre public et que si la société a été utilisée pour masquer cette
fraude, abus de droit ou contravention.
[15] Dans la requête introductive d’instance, Stoclor mentionne que
M. Stocchero et Mme Vasconselos aurait [sic]
utilisé des subterfuges pour éviter de payer leur dette, qu’ils agiraient de
mauvaise foi, de manière frauduleuse et abusive et qu’ils seraient les alter ego de Templarios (par. 6 et 50 à
53).
[16] La requête ne contient aucune allégation précise de
malversation par Mme Vasconselos ou par M. Stocchero. Il ne suffit pas
d’alléguer fraude et mauvaise foi, il faut expliquer les faits qui
soutiendraient une telle conclusion.» (nous soulignons)
La juge Roy
ajoute que les motifs invoqués par Stoclor étaient insuffisants pour établir la
fraude ou mauvaise foi des actionnaires au sens de l’article 317 C.c.Q. :
« [18] Ne pas répondre avec diligence à la demande de Stoclor,
le chèque sans fonds de Templarios et le non-paiement, même partiel, de la
dette par Templarios ne constituent pas des motifs pour tenir Mme Vasconselos
et M. Stocchero personnellement responsables de la dette de Templarios. »
Pour lire la
décision intégrale, veuillez cliquer ici.
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