par
Pierre-Luc Beauchesne
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26 Mai 2015

En l’absence d’un taux d’intérêt prévu par les parties, c’est le taux légal qui s’ applique

Par Pierre-Luc Beauchesne, Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L.


Par Pierre-Luc Beauchesne
Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l.

L’article 1565 du Code civil du Québec prévoit que les intérêts se paient au taux convenu ou, à défaut, au taux légal. L’article 3 de la Loi sur l’intérêt prévoit que le taux de l’intérêt est de 5 % par an si les parties n’ont pas fixé de taux entre elles ou s’il n’a pas été fixé autrement par la loi. Dans Corbin c. 9179-2333 Québec Inc. (2015 QCCS 1996), la Cour était saisie d’une requête en jugement déclaratoire demandant au tribunal d’établir le taux d’intérêt applicable pour des prêts consentis à la défenderesse. La Cour conclut que les parties n’ont pas convenu d’un taux d’intérêt précis pour les prêts et que, par conséquent, c’est le taux légal qui s’applique. 

Contexte
La défenderesse 9179-2333 Québec Inc. se spécialise dans le domaine de la culture céréalière. Au cours de l’année 2012, la demanderesse a commencé à fréquenter le représentant de la défenderesse. En octobre 2012, la défenderesse a eu un besoin de liquidités et la demanderesse lui a prêté la somme de 100 000 $ qu’elle a empruntée sur sa marge de crédit à un taux de 3 %. La traite bancaire porte la mention « Prêt à la société, terme un mois, taux 3 %. ». La défenderesse rembourse toutefois moins d’un mois plus tard la somme empruntée à la demanderesse et lui verse la somme de 102 500 $, la somme de 2 500 $ représentant un taux d’intérêt annualisé de 32,6 %. 

En 2013, la demanderesse effectue cinq nouveaux prêts à son conjoint et son entreprise totalisant la somme de 144 500 $. Aucune des traites ne porte de mention relativement au taux d’intérêt convenu et aucun écrit n’établit un taux d’intérêt exigible. La défenderesse convient également de consentir à la demanderesse une garantie hypothécaire. Le notaire explique aux parties que l’acte d’hypothèque ne comporte aucun taux d’intérêt relativement aux prêts et qu’il leur revient de le définir dans des modalités de remboursement établies dans un acte distinct, ce que les parties ne font pas. Suite à la séparation des parties, la demanderesse réclame à la défenderesse le remboursement du montant impayé de ses prêts, soit la somme de 111 500 $, de même que les intérêts calculés à un taux de 25 % l’an. 

Le 29 avril 2014, la demanderesse a enregistré un premier préavis d’exercice d’un droit hypothécaire faisant état d’une créance portant intérêt au taux de 25 % l’an. Par la suite, la demanderesse a déposé un requête introductive d’instance en délaissement forcé et prise en paiement contre la défenderesse. Dans les jours précédant l’audience, la demanderesse a déposé un nouveau préavis d’exercice réclamant dorénavant l’intérêt selon un taux annuel de 30 %.

Analyse
La Cour rappelle que l’article 1565 du Code civil du Québec prévoit que les intérêts se paient au taux convenu ou à défaut au taux légal et que l’article 3 de la Loi sur l’intérêt prévoit notamment que si les parties ne fixent pas de taux en vertu d’une convention, le taux de l’intérêt est de 5 % par an. 

Le Tribunal ne retient pas la position de la demanderesse à savoir que les parties ont verbalement convenu que les prêts portaient intérêt au taux de 30 % l’an. Le Tribunal est d’avis que la demanderesse ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve et que c’est le taux d’intérêt légal qui doit prévaloir : 

« [42]  La demanderesse est une personne avertie, ayant des connaissances comptables et d’affaires. Elle est technicienne en comptabilité et agit comme vérificatrice au ministère du Revenu.
[43]  Si un montant de 30 % d’intérêt avait été convenu entre les parties, taux évidemment très élevé et inusité surtout entre conjoints, le Tribunal estime que la demanderesse l’aurait indiqué sur les chèques qui, rappelons-le, ne portent aucune mention.
[44]  De plus, il semble invraisemblable que monsieur Couture ait remboursé son vendeur pour le solde dû sur le terrain à l’automne 2013 alors que le taux d’intérêt était de 0 % et de 5 % à compter du 1er décembre 2013 alors qu’il aurait maintenu une dette envers la demanderesse portant intérêts à 30 %.
[45]  La demanderesse elle-même dans sa mise en demeure et dans son premier préavis d’exercice de son droit hypothécaire réclame des intérêts au taux de 25 % et non pas de 30 % l’an.
[46]  S’il est vrai que l’acte d’hypothèque établit une garantie maximale de 160 000 $ à un taux plafond de 25 %, il apparaît clairement tant de l’acte que du témoignage de la notaire qu’il ne s’agit pas là du taux d’intérêt lié à la dette.
[47]  Quant à l’affirmation de monsieur Denis Couture que le taux convenu aurait été de 2 ou 3 %, son témoignage à cet égard est nettement trop vague et imprécis pour y donner suite. Il convient d’ailleurs à l’audience d’un intérêt au taux légal.
[48]  Eu égard ce qui précède, le Tribunal retient de la preuve que les parties alors que la demanderesse et monsieur Denis Couture formaient un couple, n’ont pas cru utile de convenir d’un taux d’intérêt précis pour les prêts et qu’en conséquence, c’est le taux légal qui doit être applicable. »

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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