PÉNAL (DROIT) : Il n’existe aucune incompatibilité entre le verdict d’acquittement rendu par le jury pour l’accusation de négligence criminelle causant des lésions corporelles et le verdict de culpabilité pour usage négligent d’une arme à feu; dans le premier cas, le ministère public devait démontrer un écart marqué important ou substantiel, alors que l’infraction d’usage négligent d’une arme à feu ne nécessitait que la preuve d’un écart marqué (art. 86 (1) C.Cr.).
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
2015EXP-3382
Intitulé : Gendreau c. R., 2015 QCCA 1910
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal, 500-10-005100-126
Décision de : Juges Marie-France Bich, Nicholas Kasirer et Guy Gagnon
Date : 19 novembre 2015
Références : SOQUIJ AZ-51231689, 2015EXP-3382, J.E. 2015-1864 (27 pages)
Résumé
PÉNAL (DROIT) — procédure pénale — procédure fédérale — procès devant jury — déclaration de culpabilité — armes à feu — usage négligent — blessures subies par une femme — accident de chasse — directives du juge au jury — suffisance des directives — éléments de l’infraction.
PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions relatives aux armes — armes à feu — usage négligent — blessures subies par une femme — accident de chasse — éléments de l’infraction — appréciation de la preuve — négligence — écart marqué par rapport à la norme de diligence de la personne raisonnable.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant reconnu l’appelant coupable d’usage négligent d’une arme à feu en vertu de l’article 86 (1) du Code criminel (C.Cr.). Rejeté.
À l’issue d’un procès tenu devant jury, l’appelant a été déclaré coupable d’usage négligent d’une arme à feu en vertu de l’article 86 (1) C.Cr. commis dans le cours d’une expédition de chasse. Il a cependant été acquitté sous l’accusation de négligence criminelle ayant causé des lésions corporelles à la personne blessée par son tir. L’appelant se pourvoit. Il demande de substituer au verdict entrepris un verdict d’acquittement ou, sinon, d’ordonner la tenue d’un nouveau procès. Essentiellement, ses moyens d’appel reposent sur l’insuffisance et l’imprécision des directives données au jury. Il reproche aussi au juge du procès de ne pas être intervenu pour corriger certaines erreurs contenues dans les observations du ministère public présentées au jury.
Décision
M. le juge Gagnon: L’article 86 (1) C.Cr. oblige tout utilisateur à faire usage d’une arme à feu avec diligence ou encore avec suffisamment de précautions pour ne pas compromettre la sécurité d’autrui. Le juge des faits appelé à décider de la culpabilité d’une personne accusée de cette infraction doit d’abord déterminer si les éléments matériels de l’infraction ont été objectivement démontrés, et ce, hors de tout doute raisonnable, c’est-à-dire un usage négligent ou des précautions insuffisantes. Ensuite, il doit être convaincu que le comportement en cause s’écarte de façon marquée de la norme de diligence qu’aurait observée une personne raisonnable placée dans des circonstances semblables à celles qui avaient cours au moment où l’accusé a fait usage de l’arme à feu. Pour conclure en ce sens, il doit prendre en considération toute excuse légitime qui pouvait ressortir de la preuve et susceptible de susciter un doute raisonnable. En l’espèce, l’appelant n’a pas démontré que les directives du juge au jury étaient insuffisantes quant à l’actus reus et à la mens rea des infractions d’usage négligent d’une arme à feu et de négligence criminelle causant des lésions corporelles. En ce qui a trait à l’infraction d’usage négligent d’une arme à feu, même si, dans ses directives, le juge n’a pas fait de mentions explicites renvoyant aux notions d’actus reus et de mens rea, celles-ci n’en contenaient pas moins tous les ingrédients. D’ailleurs, au stade de l’étude de la mens rea, il a expliqué de façon appropriée la question centrale que devait trancher le jury, soit déterminer si le comportement de l’appelant représentait un écart marqué «par rapport à la norme de diligence qu’observerait une personne raisonnable». À cet égard, le jury pouvait inférer à partir de la conduite négligente de ce dernier l’existence de la mens rea requise. Une telle inférence pouvait également être déduite de l’activité hautement réglementée à laquelle l’appelant se livrait; la loi tient pour acquis que ceux qui s’adonnent à la chasse connaissent la norme de diligence nécessaire. De plus, les directives du juge au jury laissaient place à la défense d’erreur de fait, et l’état mental de diligence de l’appelant a abondamment été discuté tout au long du procès. D’autre part, les jurés ont, sauf exception, le droit d’avoir en leur possession toutes les pièces déposées au procès. En l’espèce, le jury, en raison de la nature même de la preuve admise, pouvait examiner l’arme à feu en vue de se former sa propre opinion.
Or, le verdict de culpabilité rendu par le jury reposait sur une preuve suffisante et il appartenait à la catégorie de ceux qu’un jury ayant reçu les directives appropriées et agissant de manière judiciaire pouvait raisonnablement rendre. Au surplus, il n’existe aucune incompatibilité entre le verdict d’acquittement rendu par le jury pour l’accusation de négligence criminelle causant des lésions corporelles et celui dont appel. Dans le premier cas, le ministère public devait démontrer un écart marqué important ou substantiel, alors que l’infraction d’usage négligent d’une arme à feu ne nécessitait que la preuve d’un écart marqué.
Instance précédente : Juge Gaétan Dumas, C.S., Saint-François (Sherbrooke), 450-01-063634-104, 2012-01-18.
Réf. ant : (C.S., 2012-02-02), 2012 QCCS 306, SOQUIJ AZ-50827064.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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