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SOQUIJ
Intelligence juridique
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15 Jan 2016

INJONCTION: Malgré leur prétendue insolvabilité, les demanderesses, qui ont obtenu ex parte des ordonnances d’injonction de types Anton Piller, Mareva et Norwich, doivent fournir un cautionnement de 200 000 $.

Par SOQUIJ, Intelligence juridique


 
 
 
 
 
2016EXP-123 
Intitulé : 8032661 Canada inc. c. Moushaghayan, 2015 QCCS 5721 *
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal, 500-17-085985-144
Décision de : Juge Michel A. Pinsonnault
Date : 7 décembre 2015
Références : SOQUIJ AZ-51236748, 2016EXP-123, J.E. 2016-54 (40 pages)

Résumé
INJONCTION — injonction interlocutoire — procédure — cautionnement — dispense — ordonnance sans cautionnement — ordonnance de type Anton Piller — ordonnance de type Mareva — ordonnance de type Norwich — capacité de payer — insolvabilité.
FAILLITE ET INSOLVABILITÉ — procédure — suspension des procédures — avis d’intention de déposer une proposition — absence de procédure en vue du recouvrement de réclamations prouvables — ordonnance de type Anton Piller — ordonnance de type Mareva — ordonnance de type Norwich — cautionnement.
Requête en cautionnement. Accueillie.
Les défendeurs présentent une requête visant à ordonner aux demanderesses de fournir un cautionnement de 200 000 $ à la suite de l’obtention par celles-ci d’ordonnances d’injonction de types Anton Piller, Mareva et Norwich, et ce, ex parte. La requête s’inscrit dans le contexte d’un recours par lequel les demanderesses réclament aux défendeurs des dommages-intérêts d’environ deux millions de dollars pour une prétendue utilisation frauduleuse des ressources de ces compagnies et concurrence déloyale en violation d’ententes d’exclusivité. Aux termes des ordonnances rendues en décembre 2014 et janvier 2015, des documents informatiques et des biens appartenant aux défendeurs ont été saisis. La requête de ceux-ci afin d’obtenir la cassation de ces ordonnances et l’annulation des saisies avant jugement doit être entendue en janvier 2016. Entre-temps, les ordonnances ont été reconduites en février 2015 et la juge a refusé d’entendre la demande de cautionnement formulée verbalement par les défendeurs, l’estimant non urgente. Ces derniers ont par la suite déposé la présente requête pour cautionnement. Outre la prétendue proximité de la date d’audition de cette requête avec celle en cassation, les demanderesses prétendent qu’elles n’ont pas les ressources financières requises pour fournir un cautionnement.
 
Décision
Les conséquences liées à la demande et à l’obtention d’ordonnances de types Anton Piller, Mareva et Norwich sont extrêmement sérieuses pour la partie défenderesse, et le juge qui accepte de les accorder sur la seule foi des déclarations d’une partie doit nécessairement ordonner à la partie demanderesse de fournir un cautionnement dont il fixera le montant proportionnellement aux enjeux soulevés dans le litige, comme l’exige l’article 755 du Code de procédure civile (C.P.C.). Ce cautionnement est demandé en prévision d’un dédommagement éventuel à verser à la partie défenderesse. Il n’est pas une somme d’argent destinée à être versée immédiatement aux défendeurs pour leur permettre de supporter les frais de leur défense pleine et entière. Il ne s’agit ni d’une provision pour frais ni du cautionnement pour frais de l’article 152 C.P.C. En l’espèce, seule l’ordonnance Anton Piller dispense les demanderesses de fournir un cautionnement, vu leur engagement de respecter toutes les condamnations éventuelles. L’ordonnance Mareva-Norwich est muette à l’égard du cautionnement. Il n’appartient pas au tribunal de se prononcer sur la validité de ces ordonnances, mais les allégations des défendeurs laissent entrevoir une défense sérieuse. De plus, l’engagement des demanderesses, constaté par le juge qui a rendu l’ordonnance Anton Piller et qui les a dispensées de fournir un cautionnement, ne tient plus en raison de leur aveu d’insolvabilité. En effet, le 30 septembre 2015, elles ont déposé des avis d’intention de déposer une proposition concordataire. Pourtant, elles n’en ont jamais informé la juge lors de la conférence de gestion de l’instante tenue par la suite. Le cautionnement à fournir n’est pas relié au fond du litige et n’a aucune conséquence sur celui-ci. Si les demanderesses, qui ont décidé de se prévaloir de procédures extraordinaires d’une telle ampleur, n’ont pas les fonds nécessaires pour verser un cautionnement exigé par la loi, il est difficile de croire qu’elles auront les moyens de supporter les coûts inhérents aux cinq journées de procès prévues pour trancher la demande d’annulation des ordonnances. Enfin, l’article 69 (1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité n’a pas la portée et l’effet invoqués par les demanderesses. L’effet suspensif des avis d’intention de déposer une proposition concordataire ne vise que les procédures intentées en vue du recouvrement contre la personne insolvable d’une créance qui constitue une réclamation prouvable. Dans la présente instance, les ordonnances Anton Piller, Mareva et Norwich sont des procédures de nature injonctive et étrangères aux recours en recouvrement d’une réclamation prouvable au sens de la loi. Elles ne sont pas visées par le sursis de procédure de l’article 69 (1) de la loi. D’ailleurs, malgré le dépôt des avis d’intention, les demanderesses conservent la saisine et le contrôle de leurs éléments d’actif. Compte tenu de l’ampleur et de la complexité des ordonnances rendues ainsi que des conséquences qui en découlent, le cautionnement demandé par les défendeurs depuis février 2015 est juste et raisonnable. Les demanderesses doivent donc fournir un cautionnement unique de 200 000 $ pour les trois ordonnances.
 

Instance précédente : Juge Claude Dallaire, C.S., Montréal, 500-17-085985-144, 2015-02-27, 2015 QCCS 964, SOQUIJ AZ-51158002.

Suivi : Requête pour permission d’appeler rejetée (C.A., 2015-12-22), 500-09-025792-151, 2015 QCCA 2155, SOQUIJ AZ-51241115.

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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