27 Juin 2016

Assurances et clauses d’exclusion : rappel d’une interprétation restrictive

Par Inma Prieto, avocateMartin

Par Inma Prieto, avocate
Martin, Camirand, Pelletier avocats

Dans la décision Rioux c. Souscripteurs du Lloyd’s, 2016 QCCS 2433, la Cour supérieure rappelle que les clauses d’exclusion contenues dans les contrats d’assurance s’interprètent restrictivement. De plus, pour être applicables, il incombe à l’assureur de prouver, par balance des probabilités, que les dommages subis par l’assuré entrent dans les cas d’exclusion de garantie visés au contrat d’assurance.

Contexte

Le demandeur réclame à son assureur le paiement de l’indemnité d’assurance qui lui est dû suite à l’affaissement de la bâtisse de son immeuble assuré. Selon le demandeur, l’affaissement de l’immeuble serait dû à des travaux réalisés par la municipalité qui constituent un événement couvert par son contrat d’assurance.

Au moment de l’achat de l’immeuble en 2005, le demandeur a procédé à une inspection qui n’a laissé entrevoir aucune problématique d’infiltration d’eau ou d’affaissement de la structure. À l’automne 2010, la municipalité entreprend des travaux de réfection des infrastructures du quartier, y compris dans la rue où est situé l’immeuble du demandeur. En décembre 2010, un évaluateur estime que l’immeuble a 42 ans et qu’il est en bonne condition. Les désagréments vont commencer à partir de décembre 2010 lorsqu’il sera notamment constaté plusieurs poutres tombées et des fissures dans les murs de l’immeuble.

Lorsque l’expert de l’assurance se rend sur place en octobre 2011, il conclut que les dommages qui pourraient s’élever à plus de 190 000 $, résultent d’une infiltration d’eau qui est due au pompage du sol par une pompe à eau qui est directement installé dans le sol. Selon lui, la pompe aurait aspiré de fines particules en même temps que l’eau, engendrant au fil des années l’affaissement de l’immeuble.

Considérant les conclusions de son expert, l’assureur refuse de payer l’indemnité d’assurance et réfère aux clauses du contrat d’assurance qui excluent la prise en charge des dommages résultant de :

1. la pénétration des eaux naturelles à travers les murs ou ouvertures des caves, fondations, le sol des caves ou les trottoirs
2. l’usure normale, la détérioration graduelle, les défauts cachés ou le vice propre;
3. le tassement, l’expansion, la contraction, le mouvement, le glissement ou la fissuration

Analyse et décision

La question du bien-fondé des clauses d’exclusion ne se pose lorsque le demandeur a préalablement établi son droit à l’indemnité d’assurance. En l’espèce, la Cour est d’avis que le demandeur a établit ce droit et qu’il incombait alors à l’assureur de démontrer que les exclusions invoquées au soutien de son refus de payer étaient justifiées. Analysant un à un les trois cas d’exclusions soulevés, la Cour conclut que cette preuve n’a pas été faite et condamne l’assureur à verser la somme de 199 306 $ au demandeur :

[7] L’Assureur doit en conséquence faire la preuve de l’application des exclusions qu’il invoque. Il doit prouver que la perte de sol sous le plancher du vide sanitaire est attribuable à la pénétration des eaux naturelles, au mauvais entretien de l’immeuble ou au tassement de la matière.

[8] Le Tribunal estime que l’Assureur ne s’est pas déchargé de ce fardeau.

[9] Tenant compte des principes d’interprétation restrictive de telles exclusions et malgré que la cause ne soit pas démontrée avec certitude, l’ensemble des circonstances permet de conclure qu’il est peu probable que les éléments soulevés par l’Assureur soient en cause. Il est davantage probable que les travaux de la municipalité soient à l’origine des mouvements observés dans le sol sous le plancher du vide sanitaire.

(Nos soulignements)

Concernant les infiltrations d’eau, la Cour ne retiendra pas la thèse avancée par l’expert de l’assureur sur le pompage du sol, car ne rencontrant pas le fardeau de preuve requis :

[42] Aucune preuve ne démontre un problème de drainage particulier ou un quelconque surplus d’eau à évacuer de manière importante.  Des gouttières sont en place et la preuve n’établit pas qu’elles ne fonctionnaient pas ou qu’elles évacuaient l’eau sous la fondation.

[43] Finalement, il serait étonnant qu’un si petit dispositif aspire une aussi grande quantité de sol.  Rappelons qu’à certains endroits, l’expert parle d’un écart de 6 pouces entre la ligne du plancher et le niveau du sol.

[44] En résumé, l’opinion de l’expert ne rencontre pas le niveau de probabilité requis pour convaincre le Tribunal que sa théorie dépasse le seuil des hypothèses.

(Nos soulignements)

La Cour ne retiendra pas non plus l’application de la clause d’exclusion découlant du défaut d’entretien de l’immeuble, ainsi que celui du tassement du sol et se ralliera à la thèse du demandeur, à l’effet que les dommages ont été causés par les travaux de la municipalité :

[57] Malgré l’absence de certitude quant à la cause du sinistre, la preuve démontre que l’immeuble, bien que centenaire, est alors en bonne condition et bien entretenu; que les travaux majeurs, à quelques mètres de la bâtisse, ont occasionné des vibrations importantes, notamment lors du raccordement des installations de la maison à celle de la rue; qu’aucun autre élément ne peut expliquer une soudaine perte de sol sous la dalle; que la perte de sol peut être provoquée par de telles vibrations.

[58] En conséquence, le Tribunal estime que la preuve de ces éléments permet de conclure que, selon la balance des probabilités, les travaux de la municipalité ont provoqué la perte de sol sous la dalle du vide sanitaire.

(Nos soulignements)

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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