Sélection SOQUIJ – RESPONSABILITÉ – Lupien c. Aumont
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
RESPONSABILITÉ :
Le fait de revenir vers les policiers après avoir été sommé de s’éloigner n’est
pas suffisant en soi pour justifier une accusation d’entrave; en conséquence,
les policiers ont commis une faute simple en procédant à l’arrestation du demandeur.
2016EXP-3660
Intitulé : Lupien c. Aumont, 2016 QCCS 5050 *
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Terrebonne (Saint-Jérôme), 700-17-005937-098
Décision de : Juge Jean-Yves Lalonde
Date : 19 octobre 2016
Références : SOQUIJ AZ-51333654, 2016EXP-3660, J.E. 2016-2012 (14 pages)
Résumé
RESPONSABILITÉ —
atteintes d’ordre personnel — arrestation et accusation injustifiées — policier
municipal — mandat de perquisition — vol — véhicule automobile — motifs
raisonnables — arrestation — entrave au travail d’un policier — comportement de
l’accusé avant l’arrestation — détention — refus de signer une promesse de
comparaître — poursuite criminelle — retrait de l’accusation — faute
contributoire de la victime — partage de responsabilité — solidarité —
honoraires extrajudiciaires — dommage non pécuniaire.
RESPONSABILITÉ —
éléments généraux de responsabilité — faute (notion) — faute contributoire de
la victime — arrestation illégale — comportement de l’accusé avant
l’arrestation — détention — refus de signer une promesse de comparaître —
partage de responsabilité.
RESPONSABILITÉ —
responsabilité du fait des autres — commettant — municipalité — policier —
arrestation et accusation injustifiées — entrave au travail d’un policier —
comportement de l’accusé avant l’arrestation — détention — refus de signer une
promesse de comparaître — poursuite criminelle — retrait de l’accusation —
faute contributoire de la victime — partage de responsabilité — honoraires
extrajudiciaires — dommage non pécuniaire.
MUNICIPAL (DROIT) —
responsabilité — commettant — policier — arrestation et accusation injustifiées
— détention — entrave au travail d’un policier — comportement de l’accusé avant
l’arrestation — détention — refus de signer une promesse de comparaître —
poursuite criminelle — retrait de l’accusation — faute contributoire de la
victime — partage de responsabilité — honoraires extrajudiciaires — dommage non
pécuniaire.
DOMMAGE
(ÉVALUATION) — honoraires extrajudiciaires — remboursement — arrestation et
accusation injustifiées — entrave au travail d’un policier — retrait de
l’accusation — faute contributoire de la victime — partage de responsabilité.
DOMMAGE
(ÉVALUATION) — dommage moral — arrestation et accusation injustifiées —
détention — entrave au travail d’un policier — retrait de l’accusation —
humiliation — faute contributoire de la victime — partage de responsabilité.
Demande en réclamation de dommages
moraux (100 000 $) et punitifs (75 000 $) ainsi qu’en
remboursement d’honoraires extrajudiciaires (101 142 $). Accueillie
en partie (6 000 $).
Le 6 octobre 2006, insatisfait
des travaux effectués à son immeuble par Toitures Alto, entrepreneur couvreur,
le demandeur a exigé que le représentant de cette dernière laisse son véhicule
sur sa propriété en gage de l’exécution satisfaisante des travaux. Le
9 octobre suivant, une plainte pour vol a été formulée à l’encontre du
demandeur. Le jour même, les policiers défendeurs Aumont, Paquin et Rioux se
sont présentés à la résidence de ce dernier en vue d’exécuter un mandat de
perquisition, lequel comprenait la recherche du véhicule et de ses clés.
Pendant la longue période durant laquelle les personnes présentes ont attendu
le double des clés du véhicule, lequel était introuvable chez le demandeur,
celui-ci tournait autour des policiers et du camion. Ayant refusé de s’éloigner
des policiers, il a été menotté et conduit au poste de police, où il a été
emprisonné pendant quelques heures avant son transfert vers un hôpital en
raison d’un malaise. Avant d’être conduit à cet endroit, il a fait l’objet d’une
fouille à nu. Ensuite, en raison de son refus de signer une promesse de
comparaître, il est demeuré détenu à l’hôpital pendant près de 10 heures.
À cause du retrait de la plainte, il n’a pas été accusé de vol du camion, mais
l’accusation d’entrave au travail des policiers a été maintenue jusqu’au
procès. Toutefois, après avoir visionné l’enregistrement vidéo contenant le
déroulement des événements, la procureure de la Couronne a abandonné cette
poursuite. Alléguant qu’il a été arrêté sans motif raisonnable et que les
policiers défendeurs ont abusé de la force lors de son arrestation et de leur
autorité en portant contre lui une accusation injustifiée d’entrave à leur
travail, le demandeur leur réclame, ainsi qu’à la municipalité défenderesse,
101 142 $ en remboursement de ses honoraires extrajudiciaires,
100 000 $ en dommages moraux et 75 000 $ en dommages
punitifs.
Décision
La réquisition d’un mandat de perquisition était pleinement justifiée en raison
du fait que les policiers avaient des motifs raisonnables et probables de
croire que le demandeur s’était illégalement approprié le camion de Toitures
Alto. Compte tenu du fait que ce dernier n’avait aucun droit de rétention du
camion, le tribunal est d’avis qu’il a commis une faute contributoire dans une proportion
de un tiers. Toutefois, le policier Aumont a manqué d’objectivité et
d’impartialité en arrêtant le demandeur alors que ce dernier revenait vers lui,
et ce, même s’il avait été sommé de s’éloigner. Les images démontrent que son
attitude était relativement passive et non empreinte d’agressivité. D’ailleurs,
aucun fait culminant ne permet de conclure que le demandeur cherchait
volontairement à entraver le travail des policiers dans l’exécution de leurs
fonctions. Or, le fait de revenir vers les policiers après avoir été sommé de
s’éloigner n’est pas suffisant en soi pour justifier une accusation d’entrave.
Les policiers défendeurs ont donc commis une faute simple en manquant
d’objectivité et d’impartialité envers le demandeur lors de son arrestation pour
entrave à leur travail. D’autre part, l’utilisation des menottes était, dans ce
cas particulier, inappropriée. Quant à la détention du demandeur, elle aurait
définitivement été plus courte si celui-ci avait accepté de signer une promesse
de comparaître dès son arrivée au poste de police. Il s’agit encore là d’une
faute contributoire du demandeur, laquelle correspond à un tiers de ses
dommages. Ceux-ci sont de deux ordres: d’abord, celui d’avoir subi un procès
injustifié, puis celui de l’humiliation qui a découlé de l’arrestation et des
accusations criminelles afférentes. Dans ces circonstances, le tribunal fixe à
6 000 $ les honoraires que le demandeur a dû supporter pour se
défendre à l’accusation d’entrave au travail des policiers. Cette somme devra lui
être remboursée. De plus, pour avoir été illégalement arrêté, menotté et détenu
pendant environ 12 heures, le tribunal accorde une indemnité de
12 000 $ au demandeur afin de compenser le stress, l’angoisse et
l’humiliation qu’il a subis. Par contre, en l’absence d’une preuve que les
policiers ont eu un comportement fautif intentionnel, la réclamation en
dommages punitifs est rejetée. Compte tenu du partage de responsabilité, les
policiers sont condamnés solidairement à verser une somme de 6 000 $
au demandeur. Quant à la municipalité, elle sera conjointement condamnée aux
mêmes dommages-intérêts à titre de commettante. Enfin, il y a lieu de conclure
que le présent recours a été exercé de façon abusive par le demandeur. En
effet, celui-ci a assigné 16 témoins, alors qu’il en a fait témoigner 5,
et il a déposé un argumentaire de 54 pages. Il s’agit là d’un manque de
respect envers l’autorité des tribunaux. En conséquence, il devra supporter
seul les frais de justice (art. 341 du Code de procédure civile),
et l’indemnité additionnelle lui est refusée.
Suivi : Déclaration d’appel, 2016-11-21 (C.A.), 500-09-026468-165.
Le texte intégral
de la décision est disponible ici
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