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20 Jan 2017

Sélection SOQUIJ – PÉNAL : Granger c. Montcalm (Municipalité de)

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

PÉNAL (DROIT) :
Le tribunal se penche sur l’utilisation et la recevabilité en preuve de l’outil
de navigation virtuelle Google Street View dans une affaire d’infraction au Code
de la sécurité routière
.

2017EXP-114

Intitulé : Granger c. Montcalm (Municipalité de), 2016 QCCS 6008
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Terrebonne (Saint-Jérôme), 700-36-001135-150
Décision de : Juge Guy Cournoyer
Date : 7 décembre 2016
Références : SOQUIJ AZ-51348692, 2017EXP-114 (39 pages)

Résumé

PÉNAL (DROIT) —
infraction — infractions routières — infractions au Code de la sécurité
routière
 — avoir circulé à une vitesse excessive (art. 329 du Code
de la sécurité routière
) — élément de l’infraction — panneau de
signalisation — droit à un procès équitable — défense pleine et entière —
devoir d’assistance du juge — recevabilité de la preuve — preuve matérielle —
outil de navigation virtuelle (Google Street View) — tenue d’un nouveau procès.
PÉNAL (DROIT) —
preuve pénale — recevabilité de la preuve — preuve matérielle — Internet —
outil de navigation virtuelle (Google Street View) — authentification —
connaissance d’office — communication de la preuve.
Appel d’une déclaration de
culpabilité sous l’accusation d’avoir contrevenu à l’article 329 du Code
de la sécurité routière
. Accueilli; la tenue d’un nouveau procès est
ordonnée.
L’appelant a été reconnu coupable
d’avoir circulé à une vitesse de 94 kilomètres à l’heure dans une zone de
50. Lors du procès, il a contredit le témoignage du policier et a affirmé qu’il
n’y avait pas de panneau de signalisation indiquant la limite de vitesse sur
les lieux ni de panneau de signal avancé de cette limite de vitesse. Après sa
défense, la poursuite s’est servie de l’outil de navigation virtuelle Google
Street View (GSV) pour établir la présence des panneaux de signalisation.
Durant cet exercice, le policier a participé aux échanges et a confirmé et
authentifié l’endroit où se trouvaient les panneaux. Le juge de première
instance a jugé recevable cette preuve et a conclu à la culpabilité de
l’appelant. Il s’agit de savoir si l’appelant a subi un procès juste et
équitable, si son droit à une défense pleine et entière a été respecté et si le
juge pouvait consulter GSV, séance tenante, après la fin du témoignage du
défendeur afin de déterminer l’emplacement de la signalisation routière.

Décision

La preuve de l’installation de la signalisation fait partie des éléments
essentiels qui devaient être prouvés par la poursuite. Cela dit, le devoir
d’assistance du juge du procès existe quelle que soit la gravité de
l’infraction. En l’espèce, le juge n’a fourni aucune explication à l’appelant
au début de l’instruction au sujet du déroulement de la procédure,
contrairement à ce qu’il devait faire, notamment à l’égard de son droit à la
communication de la preuve. Or, l’appelant avait présenté une demande de
communication de la preuve pour obtenir notamment un extrait du registre du
lieu approximatif de l’installation d’une signalisation routière établi par le
ministère des Transports conformément à l’article 329 du code. Ayant été
informé de cette demande, le juge devait, au minimum, vérifier si elle avait
été présentée à la poursuite avant l’instruction et, le cas échéant, entendre
les observations des parties au sujet de cette demande. En présumant la
recevabilité du visionnement du lieu de l’infraction à l’aide de GSV de même
que de celle du témoignage du policier en contre-preuve, la situation nouvelle
posée par la présentation de ces preuves démontrait certainement que le
registre en question constituait, dans ce contexte particulier, une preuve
pertinente. En effet, en raison du déroulement singulier de l’instruction,
l’appelant pouvait légitimement réclamer la communication de cette preuve pour
tenter de contredire le témoignage du policier au sujet de l’emplacement de la
signalisation. Il existe une possibilité raisonnable que la non-divulgation ait
compromis l’équité globale du procès en raison de l’utilité potentielle du
registre pour le droit à une défense pleine et entière de l’appelant. Par
conséquent, l’assistance fournie par le juge d’instance était nettement
insuffisante, et cela justifie en soi une nouvelle instruction.

Dans l’hypothèse où ce moyen serait insuffisant à lui seul pour justifier une
nouvelle instruction, l’utilisation de GSV telle qu’elle a été faite permet
d’en arriver à cette conclusion. Tout d’abord, la preuve concerne un élément
essentiel qui influe directement sur l’issue du procès, soit le lieu
d’installation de la signalisation routière. Or, ce sont les règles de preuve
relatives à l’authentification de ce type de preuve matérielle qui s’appliquent
à l’utilisation de GSV ou à la production d’une image tirée de cet outil de navigation
virtuelle et non les règles de la connaissance d’office. Le visionnement ou
l’examen d’un lieu à partir d’un tel outil ne sera possible que si cette preuve
fait l’objet d’une authentification selon les exigences formulées par la Cour
suprême dans R. c. Nikolovski (C.S. Can., 1996-12-12), SOQUIJ
AZ-97111003, J.E. 97-68, [1996] 3 R.C.S. 1197. En outre, si la poursuite
souhaite utiliser, lors d’un procès, l’outil de navigation virtuelle GSV pour
visualiser la scène du crime ou le lieu d’une infraction ou encore déposer des
images tirées de cet outil, celles-ci doivent être communiquées au défendeur
avant la tenue du procès. Le visionnement à l’aide de GSV et la contre-preuve
ne pouvaient être autorisés par le juge de première instance, car il ne s’agissait
pas d’une preuve nouvelle et imprévue. Enfin, le principe de la preuve complète
fait partie des fondements de la règle interdisant la contre-preuve mais,
puisqu’il s’agit d’un principe de justice fondamentale, sa violation constitue
un motif autonome de conclure que le droit à un procès juste et équitable de
l’appelant n’a pas été respecté. Le procès de l’appelant ne se conforme pas aux
exigences du système accusatoire et contradictoire de justice pénale.

Le texte intégral
de la décision est disponible ici

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