En route vers la Conférence Legal.IT 2018 : Pourquoi les juristes d’aujourd’hui doivent-ils s’intéresser aux technologies de demain ?
Par Soleïca Monnier, avocate, Fasken
Par Soleïca Monnier, Étudiante, Université de Montréal
Ça a débuté par des
bruits de couloirs, puis ça a circulé jusque dans vos groupes de discussion. Il
y a d’ores et déjà des nombreux professionnels et étudiants qui s’y consacrent.
Et puis, il y a des cellules dédiées à sa recherche au sein des universités montréalaises.
Le champ du droit des technologies de l’information est en plein essor, et ce, tous
domaines juridiques confondus. Que vous pratiquiez en droit pénal, en droit des
affaires ou encore en propriété intellectuelle, passer outre les avancées
technologiques n’est plus une option envisageable. Un peu comme ce cours
collégial de mathématiques que vous avez été obligés de compléter alors que
vous saviez pertinemment vouloir orienter vos études vers le droit. Que l’on
soit intéressé ou pas, ça bourdonne tout autour de nous.
Il y a désormais un
consensus, on parle d’une Quatrième révolution industrielle qui « bouleverse
presque tous les secteurs d’activité, partout dans le monde. L’ampleur et
l’importance de ces changements annoncent la transformation de systèmes entiers
de production, de management et de
gouvernance. » [i]. Bien que
l’intelligence artificielle [ii]
en soit une composante importante, il n’en reste pas moins que c’est une
douzaine d’innovations technologiques émergentes qui portent cette révolution
sociétale [iii].
Je tenterai donc de faire un survol des grands thèmes du domaine, avec comme
objectif de piquer votre curiosité et de vous encourager à vous intéresser au
monde du droit des technologies de l’information, si ce n’est déjà fait.
Débutons. Avec l’implémentation
du Laboratoire de recherche en IA de Facebook[iv], l’émergence
de nouvelles entreprises consacrées au domaine telles qu’Element AI ou encore
Imagia, l’encadrement responsable du développement de l’IA par la Déclaration de Montréal du 3 novembre
2017 [v] et la
présence d’experts de renommée mondiale – pour ne citer que Yoshua Bengio et
Joëlle Pinault – Montréal s’impose comme pôle d’excellence dans la recherche, la formation, le transfert technologique et la création de
produits à valeur ajoutée dans le secteur de l’intelligence artificielle[vi].
Attention, on ne parle pas d’intelligence artificielle générale reproduisant les
facultés cognitives humaines, mais bien d’algorithmes incroyablement
efficaces dans l’exécution de tâches spécifiques. Citons par exemple la reconnaissance faciale de
l’iPhone X ou encore le marketing prédictif des géants de ce monde : Amazon,
Netflix, Youtube, Google, et j’en passe. Même si la crainte environnante est omniprésente quant à l’impact de cette
nouvelle technologie, nous sommes encore loin d’Ex Machina.
L’arrivée d’Uber en
2009 nous a enseigné la nécessité d’anticiper les enjeux juridiques liés
l’essor des nouvelles technologies. Ainsi, la rapide implantation de l’IA fait
présager l’urgence de l’élaboration d’un cadre juridique pour son développement et
pose la genèse d’une foule de questionnements. Quel régime de responsabilité
pour les machines ? Quelle administration pour la création intellectuelle de ces
biens meubles? Comment protéger le droit à la protection de la vie privée, particulièrement
pour les données personnelles vendues et revendues sur l’Internet des objets [vii]? Ces enjeux sont
au cœur des préoccupations des juristes spécialistes en technologies de
l’information, mais pas que…
Les
cryptomonnaies grouillent. Et leur technologie première, la blockchain [viii],
se répand comme une traînée de poudre dans le milieu de l’innovation. Cette
technique de « stockage et de transmission
d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de
contrôle […] peut être assimilée à un grand livre comptable
public, anonyme et infalsifiable » [ix]. Elle est aujourd’hui
utilisée sur un éventail de supports beaucoup plus étendu que celui des
monnaies virtuelles telles le Bitcoin. Par exemple, les Smart Contracts [x] ouvrent la porte à de grandes avancées
en droit des obligations. Ce sont des contrats à exécution automatisée par des
instructions préprogrammées basées sur la technologie blockchain – surtout
envisagés dans le domaine assurantiel. Plus besoin, donc, de réclamer de votre
assureur le paiement du montant de l’indemnité post-sinistre, celle-ci vous est
automatiquement versée lorsque les conditions de déclenchement de l’algorithme préalablement établies sont
remplies. Cette technologie fait toutefois planer de nouvelles incertitudes sur
notre appareil judiciaire : les officiers de justice devraient-ils être
formés au codage afin de gérer les différends qui en découlent ?
Finalement, la
publication de contenus indésirables sur les réseaux sociaux suscite l’apparition
de nouvelles problématiques juridiques qui s’étalent au droit pénal. En effet,
la criminalisation de la cyberintimidation et plus particulièrement du revenge
porn est un comportement de plus en
plus populaire chez les gouvernements nord-américains. Les chiffres qui en sont
à l’origine sont frappants : « selon un sondage réalisé
aux États-Unis, à la suite d’une rupture, une personne sur dix aurait fait
l’objet de menaces par un ex-partenaire quant à la publication d’images intimes
sur le Web et de ce nombre, 60 % ont mis leur menace à exécution » [xi].
Le législateur canadien a donc permis l’entrée en vigueur de la loi C-13 en
2015, Loi sur la protection
des canadiens contre la cybercriminalité[xii] qui met sur pied une nouvelle
infraction et criminalise la
distribution non consensuelle d’images intimes.
Voilà donc ce qui achève
le survol des quelques sujets contemporains du droit des technologies de
l’information. Bien que cette brève présentation ne puisse revêtir un caractère
exhaustif, j’espère qu’elle aura pu vous mettre la puce à l’oreille quant à
l’étendue des sphères juridiques que ce domaine touche. Je vous le garantis, ce
n’était pourtant que la pointe de l’iceberg. Un bon nombre d’autres sujets
comme le right to be forgotten [xiii], la
responsabilité des intermédiaires sur Internet [xiv]
et la protection des données personnelles [xv]
pourraient vous intéresser. Quoi qu’il en soit, le droit des technologies de
l’information a besoin de plus d’experts. Pourquoi pas vous ?
Cet article est paru dans le Pigeon Dissident le 20 février 2018.
La Conférence Legal.IT
Si vous désirez en savoir
plus, de nombreux événements sont offerts à Montréal et ailleurs. Notamment, le Comité Technologies de l’information (CTI) du
Jeune Barreau de Montréal a le plaisir de vous convier à la 12e édition de
la Conférence Legal.IT, un évènement qui se déroulera le 23 mars 2018 au Centre
des Sciences de Montréal. La conférence est un incontournable pour les
professionnels œuvrant dans les technologies. En plus des conférences, Legal.IT
est aussi l’occasion pour les professionnels, créateurs numériques et investisseurs
engagés dans l’innovation de se rencontrer et de discuter. Les conférences
seront également suivies d’un cocktail.
Dernière chance de profitez d’un rabais de 100$ avec le tarif hâtif.
Faites-vite, l’offre se termine le vendredi 2 mars, 17 h.
Pour vous inscrire, cliquez ici.
[i] https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/0301179638686-preparer-la-quatrieme-revolution-industrielle-2147122.php; https://www.weforum.org/fr/agenda/2017/10/la-quatrieme-revolution-industrielle-ce-qu-elle-implique-et-comment-y-faire-face/
[ii] (ci-après
« IA »)
[iii] http://www.businessinsider.fr/quatrieme-revolution-industrielle-entreprises-pas-pretes-etude-deloitte
[iv] https://research.fb.com/category/facebook-ai-research-fair/
[v] https://www.declarationmontreal-iaresponsable.com/
[vi] http://www.ledevoir.com/economie/517666/l-intelligence-artificielle-quebecoise-aura-pignon-sur-rue-a-montreal
[vii] En anglais,
Internet of things (IoT) « représente les échanges d’informations et de données
provenant de dispositifs du monde réel avec le réseau Internet », https://fr.wikipedia.org/wiki/Internet_des_objets
[viii] Si ce sujet vous intéresse,
voir l’article de Yoann Gauthier sur le blogue du CRL : https://www.blogueducrl.com/2017/02/en-route-vers-la-conference-legalit.html
[ix] https://blockchainfrance.net/decouvrir-la-blockchain/c-est-quoi-la-blockchain/
[x] https://www.lassuranceenmouvement.com/2017/12/13/quelle-place-pour-la-blockchain-et-les-smart-contracts-dans-lassurance/
[xi] http://www.editionsyvonblais.com/blog/marie-andree-boutin-clermont/chronique-la-criminalisation-du-revenge-porn-entre-theorie-et-pratique-30/ : sondage cité par Marie-André Boutin-Clairmont et réalisé par l’éditeur
de logiciels McAfee auprès de personnes âgées entre 18 et 54 ans :
« Lovers beware – scorned exes may share intimate date and images
online » (4 février 2013), en ligne :
http://www.mcafee.com/us/about/news/2013/q1/20130204-01.aspx [Sondage McAfee].
[xii] L.C. 2014, ch. 31.
[xiii] https://www.theguardian.com/technology/right-to-be-forgotten
[xiv] http://www.cyberdroit.fr/table-des-matieres/livre-6-les-acteurs-de-l’internet/titre-11-la-responsabilite-des-intermediaires-techniques/
[xv] http://mcmillan.ca/conformite-en-matiee-de-protection-des-donnees-personnelles-et-de-vie-prive
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