20 Mar 2018

La modification des droits d’accès d’un parent non gardien résidant au Québec pour un enfant résidant désormais en Ontario : quel est le tribunal compétent?


Par Sophia Claude
Avocate
Joli-Cœur
Lacasse

Le Code
civil du Québec 
accorde au tribunal québécois la compétence de statuer
sur la garde d’un enfant, pourvu que celui-ci soit domicilié au Québec.

La décision Droit de la famille – 18126 nous
éclaire sur la portée de la compétence des tribunaux québécois à statuer sur la
garde d’un enfant suite à son déménagement licite à l’extérieur de la province.
Est-ce les tribunaux québécois conservent leurs compétences pour exécuter ou modifier
les droits d’accès de cet enfant, lorsque le parent non gardien réside toujours
au Québec ?

Dans la présente
affaire, en 2012, un juge confia la garde exclusive d’un enfant mineur à la
mère, autorisa leur déménagement en Ontario et accorda des droits d’accès au
père. Peu de temps après le déménagement de l’enfant mineur en Ontario, selon
les dires du père, la mère de l’enfant mineur obstrua ses droits d’accès, mais
il n’entreprit aucune procédure judiciaire à ce moment. Ce n’est qu’en 2017, que
le père entreprend des procédures devant la Cour supérieure du Québec pour
rétablir ses droits d’accès.

La Cour d’appel rappelle que la protection
des intérêts de l’enfant doit guider toute ordonnance de garde et d’accès. Plus
particulièrement, en droit international privé, soit en ce qui concerne les
articles 3093 et 3142 C.c.Q.,
l’ordonnance de garde et d’accès doit, premièrement, obligatoirement prendre en
considération ses intérêts et les évaluer adéquatement. Deuxièmement, les
règles de compétence territoriale doivent décourager l’enlèvement d’enfants et
le « forum shopping ». Ce faisant, dans son interprétation du présent
pourvoi, la Cour doit être guidée par ces deux préceptes.

La Cour d’appel a renversé la décision de
première instance et a conclu qu’une fois que la Cour supérieure a autorisé le
déménagement de l’enfant à l’extérieur de la province, que le jugement rendu ne
peut plus faire l’objet d’un appel et que le parent gardien a effectivement
déménagé avec l’enfant, les tribunaux québécois cessent d’être compétents à
l’égard de l’enfant. Le parent non gardien doit alors se tourner vers les
règles de droit international privé pour que le jugement lui ayant accordé les
droits d’accès soit reconnu et appliqué.

[45] Consequently (a) once the Superior Court has
authorized the custodial parent to move with the child to another jurisdiction
to establish a new domicile there, (b) that authorization has become a final
court order no longer subject to review or appeal in Quebec, and (c) the
custodial parent has effectively moved to the new jurisdiction with the child
and has established his or her domicile there, the non-custodial parent must
then rely on principles of private international law to ensure that the Quebec
judgment on access is recognized and enforced in the new jurisdiction. The
non-custodial parent cannot simply return to the Superior Court to seek either
enforcement or variation of the access order.

La Cour d’appel est d’avis que l’article 3142
C.c.Q. est clair en raison de
l’expression « pourvu que ce dernier soit domicilié au Québec ».
Ensuite, la Cour estime que cette approche est compatible avec la Convention du 19 octobre 1996 concernant la
compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération
en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants

qui donne compétence aux autorités de la nouvelle résidence habituelle de
l’enfant à la suite d’un déménagement licite.

À titre indicatif, la Cour indique qu’il faut
différencier le présent cas à ceux impliquant des questions de compétence relatives
à la garde et à l’accès d’enfants dans le cadre d’une procédure de séparation
ou de divorce. En effet, elle souligne que les règles régissant la compétence
de la Cour supérieure dans de telles circonstances peuvent être différentes de
celles où aucune procédure de séparation ou de divorce n’est en cours
d’instance entre les parents de l’enfant concerné. La Cour rappelle que si le
déménagement de l’enfant à l’extérieur de la province survient alors que des
procédures de séparation ou divorce sont en cours d’instance, les tribunaux québécois
maintiennent leur compétence jusqu’à la fin des procédures.

La décision se trouve ici.

Commentaires (0)

L’équipe du Blogue vous encourage à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d’alimenter les discussions sur le Blogue. Par ailleurs, prenez note du fait qu’aucun commentaire ne sera publié avant d’avoir été approuvé par un modérateur et que l’équipe du Blogue se réserve l’entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.

Laisser un commentaire

À lire aussi...