par
Amélie Lemay
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10 Août 2020

L’enregistrement d’une conversation entre confrères peut-il être utilisé par un corps policier dans le cadre d’une enquête?

Par Amélie Lemay, avocate

« La
sérénité des discussions entourant la possibilité d’un règlement s’avère
fondamentale pour l’administration de la justice » (par. 1), mais jusqu’où
l’avocat peut-il aller? Existe-t-il des limites dans le cadre de discussion
entre avocats? Si l’un d’eux se sent menacé, peut-il porter plainte à la
police? Il s’agit des réponses auxquelles l’Honorable Guy Cournoyer traite dans
la décision Service de police de la Ville de Montréal c. Me A, 2020 QCCS 1830.

 

Contexte

Le
contexte de la décision est fort simple, « […] deux avocats représentants
des parties à un litige civil ont une conversation téléphonique qui est
enregistrée par l’un des deux avocats. Environ deux semaines plus tard, cet
avocat rencontre deux policiers pour se plaindre de menaces et
d’intimidation » (par. 9 et 10). Le Juge doit donc déterminer si le corps
policier et la directrice des poursuites criminelles et pénales (ci-après «
DPCP ») peuvent accéder à l’enregistrement de cette conversation afin de déterminer
si un crime a bel et bien été commis.

Décision

Le Juge
est appelé à trancher une requête de type Lavallee (Lavalle, Rackel & Heintz c. Canada (Procureur
général
, 2002
CSC 61) tout en ayant à l’esprit le secret professionnel de l’avocat-client, le
principe relatif au litige et le privilège relatif aux règlements d’un côté
(par. 14), et le droit de tout citoyen de porter plainte et le devoir de la
police d’enquêter sur un crime de l’autre (par. 16).

Après
avoir reconnu le droit de toute personne de s’adresser à un corps policier afin
de l’informer de la perpétration d’un acte criminel (par. 22) et le devoir de
la police d’enquêter et d’appliquer la loi à la suite d’une telle dénonciation (par.
25), le Juge évalue s’il peut être contrevenu à l’un des privilèges (secret
professionnel, privilège relatif au litige et privilège relatif aux règlements)
au nom de ces deux principes.

Le Juge
convient que « le secret professionnel de l’avocat constitue un principe de
justice fondamentale » (par. 30), lequel est complété par le privilège relatif
au litige (par. 32). Il reconnaît également le caractère essentiel des
discussions entre parties en vue d’un règlement (par. 36 et 41), pour lequel
une exception existe : l’exception de crime.

Ainsi,
en prenant connaissance de l’enregistrement effectué par l’un des avocats au
présent litige, le Juge détermine qu’il existe une preuve « prima facie permettant l’application
de l’exception de crime » (par. 50), et permet donc l’accès au service de
police ainsi qu’à la DPCP à l’enregistrement de la conversation entre les
avocats au litige. Le Juge ajoute que cet élément permettra aux policiers ainsi
qu’à la DPCP d’évaluer si un crime a été commis et si des accusations
criminelles doivent être portées (par. 52 et 54), puisqu’il ne s’agit pas à ce
tribunal de trancher cette question.

Le texte intégral de la décision
est disponible ici.

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