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SOQUIJ
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23 Avr 2021

Sommaire de Cour d’appel – Henderson c. Procureur général du Québec, 2021 QCCA 565

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

CONSTITUTIONNEL (DROIT) : La Cour confirme le rejet de la requête en jugement déclaratoire visant à faire déclarer inconstitutionnels certains articles de la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec; elle intervient par contre afin de rayer du dispositif du jugement de première instance la déclaration «par souci de précision» de validité des articles en cause, laquelle pourrait être source de confusion et de malentendus.

2021EXP-1073

Intitulé : Henderson c. Procureur général du Québec, 2021 QCCA 565

Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal

Décision de : Juges Allan R. Hilton, Robert M. Mainville et Stéphane Sansfaçon

Date : 9 avril 2021

Références : SOQUIJ AZ-51757115, 2021EXP-1073 (40 pages)

Résumé

CONSTITUTIONNEL (DROIT) — fédéralisme — Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec — constitutionnalité — articles 1 à 5 et 13 — indépendance du Québec — sécession — jugement déclaratoire.

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une requête en jugement déclaratoire. Accueilli à la seule fin de rayer 1 paragraphe des motifs.

L’appelant a demandé que soient déclarés inconstitutionnels les articles 1 à 5 et 13 de la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec.

Cette loi, sanctionnée le 13 décembre 2000, est une réponse législative de l’Assemblée nationale du Québec aux questions politiques demeurées sans réponses dans Sécession du Québec (Renvoi relatif à la), (C.S. Can., 1998-08-20), SOQUIJ AZ-98111079, J.E. 98-1716, [1998] 2 R.C.S. 217.

La proposition principale de l’appelant repose sur les formules de modifications constitutionnelles. Selon lui, les dispositions contestées, individuellement ou dans leur ensemble, sont ultra vires de la compétence législative du Québec en ce qu’elles accordent aux institutions et à l’électorat du Québec un pouvoir illimité de modification constitutionnelle contraire aux dispositions de la partie V (art. 38 à 49) de la Loi constitutionnelle de 1982, en particulier puisqu’elles créent une assise juridique autorisant la sécession unilatérale du Québec en violation des enseignements de la Cour suprême dans Sécession du Québec (Renvoi relatif à la), ce qui porte atteinte à ses droits et libertés en tant que citoyen du Canada en rendant leur protection par la Charte canadienne des droits et libertés conditionnelle à la seule volonté des institutions et de l’électorat du Québec.

Décision
M. le juge Mainville: La Cour suprême n’a pas déterminé quel serait le processus de modification constitutionnelle applicable à la sécession du Québec «tant qu’il n’existe pas suffisamment de faits clairs soulevant une question justiciable» (paragr. 105). Il n’y a pas plus aujourd’hui de faits clairs qui permettraient de soulever une question justiciable à ce sujet. En effet, depuis plus de 25 ans, aucun référendum sur une démarche d’indépendance n’a été entrepris au Québec et il est improbable qu’une telle démarche soit entreprise dans un avenir prévisible. Comme il l’avait fait dans le cadre de Sécession du Québec (Renvoi relatif à la), l’appelant cherche ainsi à enraciner une éventuelle hypothétique démarche d’indépendance du Québec dans un moule au sein duquel chaque province canadienne et le gouvernement fédéral auraient un droit de veto absolu et unilatéral sur la démarche entreprise. Or, cette approche n’a pas été entérinée par la Cour suprême.

Les prétentions de l’appelant voulant que les dispositions contestées, surtout la notion de «peuple québécois», fassent appuyer le projet sécessionniste sur le droit à l’autodétermination des peuples en droit international en absorbant les minorités du Québec dans la majorité francophone du Québec, ne peuvent non plus être retenues à la lumière de Sécession du Québec (Renvoi relatif à la). Rien n’empêche un gouvernement provincial de faire référence à sa population comme à un «peuple» sans pour autant enfreindre le cadre constitutionnel canadien. Il s’agit là d’un faux débat qui cherche à nier le concept de «peuple» au sens civique pour plutôt faire référence exclusivement au concept de «peuple» au sens ethnique ou sociologique.

Il découle de Sécession du Québec (Renvoi relatif à la) qu’une démarche sécessionniste par le gouvernement du Québec ou l’Assemblée nationale ne contrevient pas en soi à l’ordre constitutionnel canadien pour autant qu’elle s’inscrive à l’intérieur du cadre juridique établi dans Sécession du Québec (Renvoi relatif à la) en ce qu’elle vise à entreprendre des négociations conformes aux principes constitutionnels afin d’en arriver à la modification constitutionnelle requise pour la concrétiser.

Il n’y a pas lieu de prononcer les déclarations judiciaires réclamées par le procureur général du Canada. Que le Québec soit une province canadienne est un fait juridique incontestable et une déclaration judiciaire à cet effet ne servirait aucune fin juridique précise. Quant à la déclaration visant à affirmer que les articles en cause ne constituent pas et ne peuvent constituer le fondement juridique d’une déclaration unilatérale d’indépendance du Québec ni une sécession unilatérale du Canada, la Cour suprême a déjà traité de ces questions dans Sécession du Québec (Renvoi relatif à la) et a affirmé qu’une sécession unilatérale du Québec, sans négociations préalables entreprises conformément aux principes constitutionnels, ne serait pas légale en droit canadien.

Quant à ce qui adviendrait dans le cas d’une impasse ou d’un échec des négociations portant sur une éventuelle sécession, la Cour suprême refuse expressément de se prononcer sur la question. Il n’y a pas lieu pour la Cour d’appel d’ajouter aux propos de la Cour suprême sur ces questions.

Il n’était pas nécessaire pour la juge de première instance de prononcer une déclaration «par souci de précision» de validité des articles contestés comme elle l’a fait au paragraphe 603. On ne peut envisager toutes les circonstances dans lesquelles cette loi pourrait être invoquée et il est possible que, dans certains contextes, ses dispositions puissent se révéler inapplicables ou inopérantes sur le plan du droit interne canadien. Il n’appartient pas à la Cour de spéculer sur ces contextes ni même de déterminer s’il y aurait effectivement une question justiciable dans un tel cas. En l’occurrence, le devoir de réserve judiciaire doit inciter la Cour à limiter la conclusion du litige au rejet du recours judiciaire entrepris par l’appelant, sans plus.

Instance précédente : Juge Claude Dallaire, C.S., Montréal, 500-05-065031-013, 2018-04-18, 2018 QCCS 1586, SOQUIJ AZ-51487027.

Réf. ant : (C.S., 2018-04-18), 2018 QCCS 1586, SOQUIJ AZ-51487027, 2018EXP-1083.

Le texte de la décision est disponible ici

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