Sommaire de la Cour d’appel – R. c. Bertrand Marchand, 2021 QCCA 1285
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
PÉNAL (DROIT) : Des circonstances particulières justifient la déclaration d’inopérabilité constitutionnelle de la peine minimale prévue à l’article 172.1 (2) a) C.Cr. à l’égard d’un accusé qui a eu des contacts sexuels avec la plaignante avant la période couverte par le chef d’accusation de leurre.
2021EXP-2205
Intitulé : R. c. Bertrand Marchand, 2021 QCCA 1285
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Québec
Décision de : Juges Geneviève Cotnam et Michel Beaupré; Jacques J. Levesque (diss.)
Date : 24 août 2021
Références : SOQUIJ AZ-51790428, 2021EXP-2205 (39 pages)
Résumé
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — infractions de nature sexuelle — infractions sexuelles contre des enfants — victime âgée de 13 à 15 ans — accusé âgé de 22 à 24 ans — contacts sexuels — leurre — communication au moyen d’un ordinateur — Internet — média social — plaidoyer de culpabilité — gravité de l’infraction — peine minimale — constitutionnalité — protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités — déclaration d’inopérabilité constitutionnelle — article 172.1 (2) a) C.Cr. — interprétation de l’article 718.01 C.Cr. — dénonciation — dissuasion — proportionnalité de la peine — détention — peine concurrente — probation — ordonnance d’interdiction en vertu des articles 161 (1) b) et 161 (1) c) C.Cr.— ordonnance de se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels — dissuasion — ordonnance de prélèvement de substances corporelles à des fins d’analyse génétique.
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — façons de purger une peine d’emprisonnement — peine concurrente — contacts sexuels — leurre — pouvoir discrétionnaire.
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — les peines et la Charte canadienne des droits et libertés — protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités — peine minimale — détention — infractions sexuelles contre des enfants — leurre — proportionnalité de la peine — déclaration d’inopérabilité constitutionnelle — article 172.1 (2) a) C.Cr. — interprétation de l’article 718.01 C.Cr. — dénonciation — dissuasion.
DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités — peine minimale — détention — infractions sexuelles contre des enfants — leurre — proportionnalité de la peine — déclaration d’inopérabilité constitutionnelle — article 172.1 (2) a) C.Cr. — interprétation de l’article 718.01 C.Cr. — dénonciation — dissuasion.
Requête pour permission d’interjeter appel de la peine et d’une déclaration d’inopérabilité constitutionnelle de la peine minimale prévue à l’article 172.1 (2) a) du Code criminel (C.Cr.). Accueillie. Appel de la peine et de la déclaration d’inopérabilité constitutionnelle. Rejeté, avec dissidence.
L’intimé a été condamné à une peine de 10 mois d’emprisonnement relativement à des contacts sexuels et à une peine de 5 mois en ce qui concerne le leurre d’une personne âgée de moins de 16 ans, à purger de façon concurrente. La juge de première instance a conclu que la peine minimale obligatoire de 1 an d’emprisonnement prévue à l’article 172.1 (2) a) C.Cr. pour l’infraction de leurre est disproportionnée étant donné les circonstances de sa commission en l’espèce et celles propres à l’intimé, et qu’elle contrevient donc à l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés. La juge l’a alors déclaré inopérante à l’égard de l’intimé.
Décision
Mme la juge Cotnam et M. le juge Beaupré: L’intimé, qui était âgé de 22 ans au moment des faits, a commencé à communiquer avec la plaignante, alors âgée de 13 ans, par l’entremise du média social Facebook après une première rencontre en personne, sans jamais chercher à cacher ou à modifier son identité. Au cours des 2 années suivantes, l’intimé et la plaignante ont poursuivi leurs échanges au moyen des médias sociaux et ont eu 3 relations sexuelles complètes, cette période n’étant pas visée par le chef d’accusation de leurre. En l’espèce, la juge a eu raison de retenir que l’objectif de dissuasion générale associé à la peine minimale obligatoire ne saurait justifier une peine disproportionnée par rapport aux circonstances particulières de l’infraction et au degré de responsabilité morale de l’intimé. En outre, les peines d’emprisonnement sont assorties d’une ordonnance de probation et d’ordonnances additionnelles nombreuses et contraignantes qui permettent d’atteindre les objectifs de dénonciation et de dissuasion prévus à l’article 718.01 C.Cr. Ce dernier ne retire pas au juge le pouvoir discrétionnaire d’individualiser la peine en fonction des circonstances de l’infraction ainsi que des caractéristiques propres à l’accusé.
De plus, l’absence d’opposition de la plaignante aux relations sexuelles n’est pas assimilée à une circonstance atténuante quant à l’infraction de leurre, mais elle est présentée comme un fait chronologique permettant de situer l’infraction dans son contexte et d’évaluer la culpabilité morale de l’intimé. En tenant compte de la norme d’intervention applicable en matière d’appel de la peine, il n’y a donc pas lieu d’intervenir afin de revoir à la hausse la peine d’emprisonnement de 5 mois que la juge a imposée à l’intimé pour l’infraction de leurre.
Il n’y a pas lieu d’intervenir non plus en ce qui concerne la conclusion d’ordonner que les peines pour les infractions de contacts sexuels et de leurre soient purgées de façon concurrente. Dans R. c. Rayo (C.A., 2018-05-18), 2018 QCCA 824, SOQUIJ AZ-51495145, 2018EXP-1384, il a été décidé que l’imposition de peines consécutives est justifiée dans le cas d’un leurre ayant mené à des infractions de nature sexuelle. En l’espèce, toutefois, le leurre commis par l’intimé ne vise pas la période de manipulation psychologique préparatoire caractéristique de cette infraction, mais plutôt les communications qui s’inscrivent dans un continuum après le début de la relation entre les parties et les 3 premières relations sexuelles.
Enfin, la conclusion selon laquelle la peine minimale obligatoire prévue à l’article 172.1 (2) a) C.Cr. doit être déclarée inopérante à l’égard de l’intimé parce qu’elle porte atteinte à l’article 12 de la charte est exempte d’erreur de droit ou de principe et ne justifie pas une intervention de la Cour.
M. le juge Levesque, dissident: La juge a commis une erreur de principe en minimisant la gravité objective de l’infraction de leurre et en considérant que plusieurs contacts sexuels avaient préalablement eu lieu sans opposition de la part de la victime. Les communications de l’intimé avec la plaignante avaient pour seul but de maintenir et de faire progresser le lien de confiance qui existait entre eux. Les objectifs de dissuasion et de dénonciation se devaient d’être favorisés en l’espèce. Une peine d’emprisonnement de 12 mois purgée consécutivement à celle de 10 mois rendue à l’égard de l’infraction de contacts sexuels serait excessive, compte tenu des circonstances particulières de l’affaire, des caractéristiques propres de l’intimé et de sa responsabilité morale. Les peines devraient donc être purgées de façon concurrente en tenant compte du fait que les 2 infractions sont étroitement liées entre elles.
Instance précédente : Juge Marie-Claude Bélanger, C.Q., Chambre criminelle et pénale, Témiscamingue (Ville-Marie), 610-01-006950-160, 2020-03-11, 2020 QCCQ 1135, SOQUIJ AZ-51677243.
Réf. ant : (C.Q., 2020-03-11), 2020 QCCQ 1135, SOQUIJ AZ-51677243, 2020EXP-1476.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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