Sélection SOQUIJ – R c. Delisle, 2022 QCCS 1160
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
2022EXP-1023
Intitulé : R c. Delisle, 2022 QCCS 1160
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Québec
Décision de : Juge Jean-François Émond
Date : 8 avril 2022
Références : SOQUIJ AZ-51843655, 2022EXP-1023 (99 pages)
PÉNAL (DROIT) — procédure pénale — procédure fédérale — arrêt des procédures — abus de procédure — critères établis dans R. c. Babos (C.S. Can., 2014-02-21), 2014 CSC 16, SOQUIJ AZ-51046916, 2014EXP-660, J.E. 2014-343, [2014] 1 R.C.S. 309 — catégorie principale — violation des droits constitutionnels — droit à une défense pleine et entière — meurtre au premier degré — conservation de la preuve — documentation de la preuve — disponibilité de la preuve — autopsie — absence de preuve matérielle — pathologiste — témoignage contradictoire — négligence — preuve d’expert — recevabilité de la preuve — pertinence — preuve balistique — équité du procès — thèse du suicide — projectile — trajectoire — réparation du préjudice — tenue d’un nouveau procès — intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond.
PÉNAL (DROIT) — preuve pénale — conservation de la preuve — documentation de la preuve — disponibilité de la preuve — meurtre au premier degré — autopsie — absence de preuve matérielle — pathologiste — témoignage contradictoire — négligence — preuve d’expert — recevabilité de la preuve — pertinence — preuve balistique — équité du procès — moyen de défense — thèse du suicide — projectile — trajectoire.
PÉNAL (DROIT) — garanties fondamentales du processus pénal — droit à une défense pleine et entière — meurtre au premier degré — conservation de la preuve — documentation de la preuve — disponibilité de la preuve — autopsie — absence de preuve matérielle — pathologiste — témoignage contradictoire — négligence — preuve d’expert — recevabilité de la preuve — pertinence — preuve balistique — équité du procès — thèse du suicide — projectile — trajectoire — abus de procédure — critères établis dans R. c. Babos (C.S. Can., 2014-02-21), 2014 CSC 16, SOQUIJ AZ-51046916, 2014EXP-660, J.E. 2014-343, [2014] 1 R.C.S. 309 — catégorie principale — violation des droits constitutionnels — réparation du préjudice — tenue d’un nouveau procès — intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond — équité du procès — arrêt des procédures.
DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — vie, sûreté, intégrité et liberté — droit à une défense pleine et entière — meurtre au premier degré — conservation de la preuve — documentation de la preuve — disponibilité de la preuve — autopsie — absence de preuve matérielle — pathologiste — témoignage contradictoire — négligence — preuve d’expert — recevabilité de la preuve — pertinence — preuve balistique — équité du procès — thèse du suicide — projectile — trajectoire — abus de procédure — critères établis dans R. c. Babos (C.S. Can., 2014-02-21), 2014 CSC 16, SOQUIJ AZ-51046916, 2014EXP-660, J.E. 2014-343, [2014] 1 R.C.S. 309 — catégorie principale — violation des droits constitutionnels — réparation du préjudice — tenue d’un nouveau procès — intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond — équité du procès — arrêt des procédures.
DROITS ET LIBERTÉS — réparation du préjudice — arrêt des procédures — abus de procédure — critères établis dans R. c. Babos (C.S. Can., 2014-02-21), 2014 CSC 16, SOQUIJ AZ-51046916, 2014EXP-660, J.E. 2014-343, [2014] 1 R.C.S. 309 — catégorie principale — violation des droits constitutionnels — droit à une défense pleine et entière — meurtre au premier degré — conservation de la preuve — documentation de la preuve — disponibilité de la preuve — autopsie — absence de preuve matérielle — pathologiste — témoignage contradictoire — négligence — preuve d’expert — recevabilité de la preuve — pertinence — preuve balistique — équité du procès — thèse du suicide — projectile — trajectoire — tenue d’un nouveau procès — intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond.
PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions contre la personne — meurtre — meurtre au premier degré — conjointe — accusé juge à la retraite — droit à une défense pleine et entière — conservation de la preuve — documentation de la preuve — disponibilité de la preuve — autopsie — absence de preuve matérielle — pathologiste — témoignage contradictoire — négligence — preuve d’expert — recevabilité de la preuve — pertinence — preuve balistique — équité du procès — thèse du suicide — projectile — trajectoire — abus de procédure — critères établis dans R. c. Babos (C.S. Can., 2014-02-21), 2014 CSC 16, SOQUIJ AZ-51046916, 2014EXP-660, J.E. 2014-343, [2014] 1 R.C.S. 309 — catégorie principale — violation des droits constitutionnels — réparation du préjudice — tenue d’un nouveau procès — intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond — équité du procès — arrêt des procédures.
Requête en arrêt des procédures. Accueillie.
Le requérant a été déclaré coupable sous 1 chef d’accusation de meurtre au premier degré à l’égard de son épouse, qui est décédée d’un tir à la tête. Il a échoué dans son appel de la déclaration de culpabilité devant la Cour d’appel et a déposé une demande de révision en vertu de la partie XXI.1 (art. 696.1 à 696.6) du Code criminel. Au terme d’une longue enquête, le ministre de la Justice du Canada, qui était convaincu de l’existence de motifs raisonnables permettant de conclure qu’une erreur judiciaire s’était probablement produite, a ordonné la tenue d’un nouveau procès. Le requérant fait valoir qu’il ne pourra bénéficier d’un deuxième procès juste et équitable en raison de l’omission de l’État de recueillir, de conserver et de documenter une preuve pertinente et disponible lors de l’autopsie de la victime et que ce manquement porte atteinte à son droit à une défense pleine et entière.
Décision
Les observations faites lors de l’autopsie relativement à la trajectoire du projectile dans le cerveau de la victime se limitent au rapport ayant été rédigé par le pathologiste B. Celui-ci mentionne notamment que le projectile a emprunté, dans le corps de la victime, une trajectoire l’ayant mené de la gauche vers la droite et de l’avant vers l’arrière de façon presque horizontale. Aucun élément de preuve matérielle ou photographique pouvant appuyer cette description n’a été conservé ou documenté. Lors du premier procès, cette absence de preuve matérielle a fait en sorte que, sur la question de la trajectoire du projectile dans le cerveau, tous ont été tenus de s’en remettre au témoignage du pathologiste B, sans possibilité de vérifier l’exactitude de ses dires ni les analyses qu’il affirmait avoir effectuées. En se fondant sur la trajectoire décrite par le pathologiste B, les experts en balistique ont conclu que le tir avait été effectué à un angle de 30 degrés, ce qui excluait la possibilité que la victime ait pu elle-même l’effectuer. En se prononçant sur le caractère raisonnable de la déclaration de culpabilité, la Cour d’appel a conclu que la question en lien avec l’angle du tir était déterminante et que le jury pouvait raisonnablement se fier à l’opinion du pathologiste B, qui a été le seul ayant pu manipuler et observer le cerveau de la victime. Or, les 3 experts pathologistes consultés par le ministre de la Justice ont remis en question la qualité du travail effectué par le pathologiste B lors de l’autopsie, notamment l’absence de documentation et de photographies des coupes effectuées, ainsi que l’exactitude de ses explications sur la trajectoire du projectile.
L’obligation de documenter la preuve pertinente recueillie lors d’une enquête policière, généralement imposée aux policiers, s’applique également aux personnes travaillant dans des laboratoires de sciences judiciaires, lesquelles collaborent aux enquêtes et sont chargées d’effectuer des autopsies, des tests et des analyses. Celles-ci sont non seulement responsables de fournir à la poursuite tous les renseignements pertinents qu’elles colligent, qui sont en leur possession et qui sont liés à l’infraction, mais elles doivent aussi les documenter afin que leurs travaux puissent être révisés. Dans le contexte d’une mort suspecte, tout ce qui est observé lors de l’autopsie doit être recueilli, conservé, documenté et photographié afin d’être objectivement révisable pour des pairs pathologistes. Cette obligation de conservation et de documentation vise les prélèvements d’organes, de tissus et d’échantillons recueillis lors de l’autopsie. En l’espèce, le requérant a réussi à démontrer que la poursuite avait manqué à son obligation de conservation et de documentation de la preuve et que cela le prive d’une défense pleine et entière. Les éléments de preuve que le requérant n’est pas en mesure de consulter, soit les coupes du cerveau, les photographies de celles-ci et les prélèvements du cerveau portant des traces du passage du projectile, étaient disponibles lors de l’autopsie. Par ailleurs, il n’est pas contesté que les coupes du cerveau qui auraient été effectuées n’ont pas été conservées et documentées. L’absence de ces éléments de preuve fait en sorte qu’il existe une possibilité réaliste d’atteinte au droit du requérant de présenter une défense pleine et entière. Les pathologistes qui ont transmis une opinion écrite au ministre sont tous d’avis que les coupes du cerveau auraient dû être conservées ou, à tout le moins, photographiées et que cela aurait permis d’établir de façon certaine la trajectoire du projectile dans le cerveau. La poursuite n’a pas cherché à contredire l’opinion de ces experts. La possibilité réaliste d’atteinte au droit du requérant de présenter une défense pleine et entière lors de son nouveau procès est aussi justifiée par les témoignages successifs du pathologiste B sur la trajectoire du projectile dans le cerveau. En effet, en raison de leur caractère approximatif et contradictoire, ceux-ci ont participé à créer un flou déplorable sur une question déterminante. Les éléments de preuve non recueillis, non conservés et non documentés auraient permis de clarifier le témoignage du pathologiste B sur la trajectoire du projectile.
En outre, la position de la poursuite quant à l’absence totale de pertinence de la preuve non conservée et non documentée est sans fondement, notamment parce qu’elle a toujours défendu la thèse du tir dans un angle qui excluait la possibilité d’un suicide, et ce, en se fondant sur la trajectoire du projectile décrite par le pathologiste B. Il est clair que l’angle du tir demeure une question importante et que l’absence de ces éléments de preuve nuira à la défense du requérant si un deuxième procès a lieu. Non seulement la poursuite n’a pas démontré l’absence de négligence inacceptable du pathologiste B, mais la preuve produite par le requérant démontre le contraire. En effet, les expertises communiquées au ministre de la Justice démontrent de façon prépondérante que le pathologiste B a fait preuve d’une grave négligence en omettant de conserver, de documenter et de photographier les coupes du cerveau ainsi que de préserver et situer celles qui montraient le passage du projectile. Même si la poursuite avait démontré que l’omission de conservation et de documentation de la preuve ne résultait pas de la négligence inacceptable de l’État, le tribunal aurait tout de même conclu que le droit du requérant à présenter une défense pleine et entière avait été violé. En effet, faute de ces éléments de preuve, le requérant ne sera pas en mesure de vérifier le témoignage du pathologiste B sur la question de la trajectoire du projectile, laquelle constitue non seulement l’assise de la thèse de la poursuite, mais surtout la pierre d’achoppement de sa propre thèse du tir perpendiculaire effectué à un angle de 90 degrés, ce qui n’exclut pas la possibilité du tir auto-infligé. Aucune directive ne pourra remédier à l’absence de ces éléments de preuve. Le fait que le requérant puisse interroger le pathologiste B afin de faire ressortir les ambiguïtés dans ses témoignages successifs ne constitue pas un remède à proprement parler et ne pourra clarifier le flou que ce dernier a créé par sa négligence. En l’absence des éléments de preuve que le pathologiste B avait le devoir de conserver, rien ni personne ne pourra démontrer la trajectoire du projectile de façon certaine. Cela fait en sorte que le jury devra se prononcer sur la base d’une preuve incomplète et d’un témoignage de fait équivoque et contradictoire. Le système de justice canadien ne saurait tolérer qu’un procès soit tenu dans ces circonstances.
Réf. ant : (C.S., 2012-06-14), SOQUIJ AZ-51214878; (C.A., 2013-05-29), 2013 QCCA 952, SOQUIJ AZ-50970454, 2013EXP-1925, J.E. 2013-1034, [2013] R.J.Q. 925.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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