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03 Fév 2023

SÉLECTION SOQUIJ : Québec Mérite Mieux c. Ville de Québec, 2023 QCCS 68

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

MUNICIPAL (DROIT) : La Charte de la Ville de Québec, capitale nationale du Québec autorise le conseil d’agglomération à adopter un règlement d’urbanisme pour permettre la réalisation du projet de tramway.

2023EXP-275***

Intitulé : Québec Mérite Mieux c. Ville de Québec, 2023 QCCS 68

Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Québec

Décision de : Juge Clément Samson

Date : 17 janvier 2023

Références : SOQUIJ AZ-51906653, 2023EXP-275 (85 pages)

Résumé

MUNICIPAL (DROIT) — aménagement et urbanisme — construction d’un tramway — compétence — constitutionnalité — article 4 de la Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs — articles 80.1 à 80.3 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme — article 74.5.2 de la Charte de la Ville de Québec, capitale nationale du Québec — tenue d’un référendum — interprétation du règlement de l’agglomération sur la réalisation d’un projet de tramway R.A.V.Q. 1349 — conseil d’agglomération — interprétation de «grande infrastructure» (art. 74.4 paragr. 2 de la Charte de la Ville de Québec, capitale nationale du Québec) — interprétation du Règlement sur la participation publique en matière d’aménagement et d’urbanisme — Règlement édictant la Politique de participation publique de la Ville de Québec R.V.Q. 2705 — injonction permanente — recours en nullité.

ADMINISTRATIF (DROIT) — actes de l’Administration — décret — Décret concernant la délivrance d’une autorisation à la Ville de Québec pour le projet de construction d’un tramway entre les secteurs Chaudière et D’Estimauville sur le territoire de la ville de Québec — Conseil des ministres — compétence — article 31.5 de la Loi sur la qualité de l’environnement — Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets — processus de consultation — Bureau d’audiences publiques sur l’environnement — publication — Loi sur l’exécutif — Règlement sur les exemptions de publication intégrale des décrets — recours en nullité — norme de contrôle — décision raisonnable.

ENVIRONNEMENT — pouvoirs de l’Administration — construction d’un tramway — Décret concernant la délivrance d’une autorisation à la Ville de Québec pour le projet de construction d’un tramway entre les secteurs Chaudière et D’Estimauville sur le territoire de la ville de Québec — Conseil des ministres — compétence — article 31.5 de la Loi sur la qualité de l’environnement — Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets — processus de consultation — Bureau d’audiences publiques sur l’environnement — publication — Loi sur l’exécutif — Règlement sur les exemptions de publication intégrale des décrets — validité — constitutionnalité — article 19.7 de la Loi sur la qualité de l’environnement — injonction permanente — inapplicabilité de l’article 19.2 de la Loi sur la qualité de l’environnement.

ADMINISTRATIF (DROIT) — contrôle judiciaire — procédure — délai raisonnable — 78 jours — recours en nullité — Décret concernant la délivrance d’une autorisation à la Ville de Québec pour le projet de construction d’un tramway entre les secteurs Chaudière et D’Estimauville sur le territoire de la ville de Québec — pouvoir discrétionnaire — organisme sans but lucratif — citoyen — circonstances exceptionnelles — célérité.

DROITS ET LIBERTÉS — droits politiques — droit de vote — référendum — municipalité — inapplicabilité de l’article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne — inapplicabilité des principes constitutionnels non écrits.

CONSTITUTIONNEL (DROIT) — institution constitutionnelle — tribunaux — compétence — Cour supérieure — pouvoir de surveillance et de contrôle — article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867 — expropriation — article 7 de la Loi concernant le Réseau structurant de transport en commun de la Ville de Québec — validité constitutionnelle.

INJONCTION — circonstances d’application — injonction permanente — divers — environnement — travaux municipaux — construction d’un tramway — travaux préparatoires — règlement R.A.V.Q. 1349 de l’agglomération sur la réalisation d’un projet de tramway — Décret concernant la délivrance d’une autorisation à la Ville de Québec pour le projet de construction d’un tramway entre les secteurs Chaudière et D’Estimauville sur le territoire de la ville de Québec — validité — article 31.5 de la Loi sur la qualité de l’environnement — inapplicabilité de l’article 19.2 de la Loi sur la qualité de l’environnement.

Demande en contrôle judiciaire, en jugement déclaratoire, en injonction permanente ainsi qu’en réclamation de dommages-intérêts et de dommages punitifs. Rejetée.

Le 16 mars 2018, le premier ministre du Québec et le maire de la ville défenderesse ont signé une entente par laquelle le gouvernement québécois s’engageait à participer à un projet de transport structurant pour cette dernière. Le 14 juin 2019, l’Assemblée nationale a adopté la Loi concernant le Réseau structurant de transport en commun de la Ville de Québec. Le 5 novembre 2020, après avoir mené des consultations publiques, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a recommandé de ne pas aller de l’avant avec le projet de construction d’un tramway. En dépit de cet avis, le 6 avril 2022, le gouvernement a pris le Décret concernant la délivrance d’une autorisation à la Ville de Québec pour le projet de construction d’un tramway entre les secteurs Chaudière et D’Estimauville sur le territoire de la ville de Québec. Les demandeurs se décrivent comme des citoyens qui veulent être consultés par voie référendaire relativement à ce projet de transport structurant. Ils reprochent à la Ville de ne pas avoir envisagé les autres modes de transport structurant et d’avoir trop rapidement conclu à la nécessité d’un tramway.

Décision

La demande en nullité du décret

Un pourvoi en contrôle judiciaire doit être introduit dans un délai raisonnable, lequel est fixé à 30 jours. Cette exigence ne s’applique pas aux questions constitutionnelles ni à celles ayant trait à la Charte des droits et libertés de la personne ou à la Charte canadienne des droits et libertés. En l’espèce, le décret pris le 6 avril 2022 a été publié le 20 avril suivant. La procédure des demandeurs a été signifiée le 7 juillet, soit 78 jours après la publication du décret. Or, la nature de l’organisme demandeur milite en faveur d’un délai raisonnable plus long, comme l’a déjà établi la jurisprudence. La demanderesse, Québec Mérite Mieux, a été officiellement créée le 1er juin 2022, soit 41 jours après la publication du décret qui a donné le feu vert à une importante étape de la mise en place du projet du tramway. Pour créer cette personne morale, ses initiateurs ont dû réunir des membres et définir les objectifs de cet organisme sans but non lucratif. En outre, la saine gestion des deniers publics fait partie des motifs qui permettent au tribunal de prolonger le délai de 30 jours. Le financement d’un tel recours est fondé sur la participation citoyenne; la preuve démontre que 3 200 personnes ont contribué au financement du recours. De plus, les demandeurs ont fait preuve d’ingéniosité et de persévérance. Le présent dossier, qui est exceptionnel, a donc été intenté dans un délai raisonnable.

Le Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets prescrit la «Liste des projets assujettis à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement», dont la responsabilité relève du gouvernement et non du ministre uniquement. Parmi les projets énumérés, on trouve «la construction ou le prolongement d’un système de transport collectif guidé ou sur rail» (art. 7 paragr. 3 de la liste). Le projet de tramway est donc visé par ce règlement et, par conséquent, pour voir le jour, il doit recevoir une approbation gouvernementale à la suite d’une recommandation du ministre. L’article 31.5 de la Loi sur la qualité de l’environnement accorde ce pouvoir au gouvernement. Le Conseil des ministres avait donc le pouvoir de se prononcer sur le projet de tramway de Québec au sens des dispositions de cette loi.

Au cours du cheminement du projet, le ministre peut mandater le BAPE pour tenir une audience publique. Tel qu’il est établi par la jurisprudence, le rapport de ce dernier ne lie pas le ministre et encore moins le gouvernement. Il s’agit d’un processus de consultation. En l’espèce, la preuve a démontré le sérieux du gouvernement du Québec dans l’analyse du dossier du tramway. De plus, la publication du décret respecte les exigences prévues à la Loi sur l’exécutif et au Règlement sur les exemptions de publication intégrale des décrets, lesquels ne mentionnent aucunement une obligation pour le gouvernement d’annexer les documents auxquels fait référence le décret. Celui-ci est donc déclaré légal.

Le droit à l’injonction en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement

Cette loi pose les balises d’un développement environnemental harmonieux, tandis que la Cour supérieure est chargée du respect de celles-ci. À partir du moment où le décret ayant autorisé les travaux préparatoires du tramway a été légalement pris, les demandeurs ne pouvaient plus se prévaloir de l’article 19.2 de cette loi pour obtenir une injonction contre les autorités gouvernementales ou les promoteurs du projet. Cette disposition n’enlève aucun des pouvoirs reconnus à la Cour dans la Loi constitutionnelle de 1867.

La demande de référendum

Les demandeurs échouent dans leur demande visant à obtenir la tenue d’un référendum puisque aucune loi, notamment la Loi concernant le Réseau structurant de transport en commun de la Ville de Québec, ni les droits fondamentaux contenus dans les chartes canadienne et québécoise, ni les principes constitutionnels non écrits ne l’imposent en l’espèce. D’autre part, les tribunaux n’ont aucun pouvoir d’intervention en ce qui concerne les manquements à des engagements électoraux.

L’inconstitutionnalité de l’article 7 de la Loi concernant le Réseau structurant de transport en commun de la Ville de Québec

Le Renvoi relatif au Code de procédure civile (Qc), art. 35 (C.S. Can., 2021-06-30), 2021 CSC 27, SOQUIJ AZ-51776712, 2021EXP-1775, rendu par la Cour suprême le 30 juin 2021, n’a pas modifié l’état substantiel du pouvoir de surveillance ni de toute autre compétence matérielle de la Cour supérieure. Par ailleurs, la décision rendue dans 8811571 Canada inc. c. Procureure générale du Québec (C.S., 2018-10-23), 2018 QCCS 4554, SOQUIJ AZ-51538137, 2018EXP-3185, s’applique; en conséquence, l’article 7 paragraphe 2 et l’article 7 alinéa 3 de la Loi concernant le Réseau structurant de transport en commun de la Ville de Québec ne sont pas inconstitutionnels au regard de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. D’autre part, la Loi concernant le Réseau structurant de transport en commun de la Ville de Québec n’altère en rien les pouvoirs de la Cour en matière d’expropriation. La demande de contestation constitutionnelle de l’article 7 de la loi est donc rejetée.

Le règlement sur la réalisation d’un projet de tramway R.A.V.Q. 1349 et le droit de voter lors d’un référendum

Lorsque la décision de réaliser un projet relève de la compétence du conseil d’agglomération, c’est ce dernier qui exerce le pouvoir prévu à l’article 74.4 de la Charte de la Ville de Québec, capitale nationale du Québec. L’article 19 de la Loi sur l’exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations accorde au conseil d’agglomération la responsabilité du «transport collectif des personnes». Cela explique pourquoi, dans le cadre de ses compétences, ce dernier a voté le règlement sur la réalisation d’un projet de tramway R.A.V.Q. 1349, le 6 juillet 2022. Quant à l’expression «grandes infrastructures» employée à l’article 74.4 paragraphe 2 de la Charte de la Ville de Québec, capitale nationale du Québec, elle doit être lue de façon libérale de façon à inclure d’autres «grandes infrastructures» qui ne sont pas précisées dans la liste figurant à cet article de loi. Le projet de tramway étant couvert par cette expression, il est exempté d’une approbation référendaire.

Les violations des droits fondamentaux

Les demandeurs échouent dans leur contestation du projet de tramway en lien avec une atteinte alléguée à leurs droits fondamentaux protégés par les chartes. Enfin, vu l’absence de faute, la demande en réclamation de dommages-intérêts et de dommages punitifs est rejetée.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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