Sommaire de la Cour d’appel : Syndicat des copropriétaires du 310, 320, 330 et 340 Boulevard Industriel c. 9322-0549 Québec inc., 2023 QCCA 892
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
BIENS ET PROPRIÉTÉ : Le juge de première instance a commis une erreur révisable lorsqu’il a conclu que la déclaration de copropriété avait fait l’objet d’une modification tacite ayant permis à l’occupant d’une unité d’entreposer des biens sur la parcelle de terrain litigieuse.
2023EXP-1698***
Intitulé : Syndicat des copropriétaires du 310, 320, 330 et 340 Boulevard Industriel c. 9322-0549 Québec inc., 2023 QCCA 892
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Mark Schrager, Patrick Healy et Frédéric Bachand
Date : 28 juin 2023
Références : SOQUIJ AZ-51951787, 2023EXP-1698 (17 pages)
–Résumé
BIENS ET PROPRIÉTÉ — copropriété divise — partie commune — parcelle de terrain — entreposage — absence d’autorisation — déclaration de copropriété — modification tacite — tolérance — application de l’article 1059 alinéa 1 C.C.Q. — modification législative — article 1060 et 1096 C.C.Q.— droit transitoire — modification déclaratoire — article 53 alinéa 1 de la Loi sur l’application de la réforme du Code civil — théorie des «mains propres» — théorie des laches — exécution en nature — injonction permanente — absence d’abus de procédure.
INJONCTION — circonstances d’application — injonction permanente — biens et propriété — copropriété divise — partie commune — parcelle de terrain — entreposage — absence d’autorisation — déclaration de copropriété — absence de modification tacite — théorie des «mains propres» — théorie des laches — exécution en nature.
PROCÉDURE CIVILE — pouvoir des tribunaux de sanctionner les abus de procédure (NCPC) — recours en dommages-intérêts — copropriété divise — syndicat des copropriétaires — copropriétaire — entreposage — tolérance — déclaration de copropriété — modification tacite — injonction permanente — fondement juridique — appel — absence d’abus de procédure.
PROCÉDURE CIVILE — appel — droit d’appel — nécessité d’une permission — copropriété divise — injonction permanente — partie commune — entreposage — absence d’autorisation — réclamation de dommages-intérêts — abus de procédure — interprétation de l’article 30 paragraphe 3 C.P.C.
INTERPRÉTATION DES LOIS — droit transitoire — intention du législateur — modification législative — article 1060 et 1096 C.C.Q.— modification déclaratoire — article 53 alinéa 1 de la Loi sur l’application de la réforme du Code civil.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en injonction permanente ainsi qu’en réclamation de dommages-intérêts. Accueilli.
L’appelant est le syndicat des copropriétaires d’immeubles abritant des unités de copropriété divise à vocation commerciale et industrielle. L’intimée est propriétaire de 1 unité, qui est occupée par la société Micro irrigation. Celle-ci entrepose depuis plusieurs années divers biens sur une parcelle de terrain située à l’arrière de cette unité. Cet espace constitue une partie commune aux termes de la déclaration de copropriété.
L’appelant a entrepris le présent recours contre l’intimée afin que cesse l’entreposage des biens de Micro. Le juge de première instance a rejeté sa demande en injonction au motif que le comportement de tolérance et d’inaction de l’appelant au fil des années avait eu pour effet d’entraîner une modification tacite de la déclaration de copropriété. Ce constat l’a amené à rejeter la demande en réclamation de dommages-intérêts de l’appelant puis à conclure au caractère abusif de cette réclamation.
Décision
M. le juge Bachand: L’exigence d’une permission préalable est applicable à l’ensemble du jugement entrepris et non seulement à la déclaration d’abus de la demande en dommages-intérêts. La permission doit par ailleurs être accordée. En effet, l’appelant a manifesté son intention de se pourvoir dans les délais, l’intimée n’a pas invoqué l’irrégularité et elle n’a subi aucun préjudice; à sa face même, l’appel sur ce point n’est pas frivole.
L’article 1059 alinéa 1 du Code civil du Québec (C.C.Q.) exclut clairement toute possibilité de modification tacite de 2 des 3 composantes de la déclaration de copropriété, soit l’acte constitutif de copropriété et l’état descriptif des fractions, puisque toute modification à ces composantes doit être notariée. D’autre part, le législateur a modifié l’article 1060 C.C.Q. afin de préciser que toute modification au règlement de l’immeuble doit être effectuée de manière expresse. Il a également indiqué, à l’article 1096 C.C.Q., qu’une telle modification doit faire l’objet d’une décision du syndicat prise à la majorité des voix des copropriétaires. Or, ces modifications, qui sont entrées en vigueur le 10 janvier 2020, sont déclaratoires. Ainsi, depuis le 1er janvier 1994, la loi exclut toute possibilité de modifier tacitement quelque composante que ce soit d’une déclaration de copropriété. En outre, le fait que la déclaration de copropriété en l’espèce a été signée avant l’entrée en vigueur du Code civil du Québec ne rend pas ces dispositions inapplicables car, aux termes de l’article 53 alinéa 1 de la Loi sur l’application de la réforme du Code civil, «[l]a copropriété divise d’un immeuble établie avant le 1er janvier 1994 est régie par la loi nouvelle». Le juge a donc commis une erreur révisable en constatant que la déclaration de copropriété avait fait l’objet d’une modification tacite permettant à Micro d’entreposer des biens sur la parcelle de terrain litigieuse.
L’intimée se méprend par ailleurs lorsqu’elle prétend que la déclaration de copropriété autoriserait l’entreposage de biens. La disposition invoquée est inapplicable à la plupart des biens entreposés sur la parcelle litigieuse. De plus, une autorisation préalable devait être obtenue, le cas échéant.
Enfin, l’intimée n’est pas fondée à invoquer le caractère discrétionnaire du pouvoir d’accorder une injonction et, plus particulièrement, à recourir à la théorie dite des «mains propres». D’une part, à supposer même que cette théorie puisse trouver application, il n’y a aucune preuve de gestes répréhensibles commis par l’appelant. D’autre part, le principe d’equity applicable en l’espèce serait plutôt la théorie des laches. Or, celle-ci ne saurait être d’aucun secours à l’intimée puisqu’il s’agit d’une de ces théories d’equity qui, parce qu’elles ont pour effet de limiter la disponibilité de l’exécution en nature, n’ont pas leur place en droit québécois des obligations, du moins depuis la consécration de l’exécution en nature en tant que mode général de mise en oeuvre du droit à l’exécution des obligations de droit privé.
Puisque l’exécution en nature est permise, au sens où l’entend l’article 1601 C.C.Q., il y a lieu de faire droit, en partie, à la demande d’injonction de l’appelant. Celui-ci n’a pas, par son silence et son inaction au fil des ans, renoncé au bénéfice des dispositions pertinentes de la déclaration de copropriété.
Enfin, comme le constat du juge relatif au caractère abusif de la demande en dommages-intérêts est intimement lié à sa conclusion selon laquelle la déclaration de copropriété avait fait l’objet d’une modification tacite, la conclusion du jugement entrepris constatant le caractère abusif de cette demande est infirmée.
Instance précédente : Juge Donald Bisson, C.S., Terrebonne (Saint-Jérôme), 700-17-016749-201, 2021-12-02, 2021 QCCS 4973, SOQUIJ AZ-51813020.
Réf. ant : (C.S., 2021-12-02), 2021 QCCS 4973, SOQUIJ AZ-51813020, 2022EXP-71.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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