Longpré c. Le Gris, 2023 QCCS 4620
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
LOUAGE DE CHOSES : Un locateur est condamné à payer 8 716 $ en dommages matériels, 35 000 $ en dommages moraux et 25 000 $ en dommages punitifs à une locataire et à son fils en raison du harcèlement et de l’intimidation dont il a fait preuve à leur égard pour les évincer de leur logement.
2024EXP-27**
Intitulé : Longpré c. Le Gris, 2023 QCCS 4620
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Longueuil
Décision de : Juge Florence Lucas
Date : 6 décembre 2023
Références : SOQUIJ AZ-51988028, 2024EXP-27 (20 pages)
LOUAGE DE CHOSES — bail d’habitation — obligations du locateur — jouissance paisible des lieux loués — délivrance des lieux loués en bon état d’habitabilité — chauffage — délivrance des lieux loués en bon état de propreté — travaux de rénovation non exécutés — logement impropre à l’habitation — inaction du locateur — non-respect d’une ordonnance — harcèlement — intimidation — insulte — bruit excessif — objectif de faire partir le locataire — occupant — fils du locataire — atteinte à la vie privée — atteinte à jouissance paisible des biens — droit au maintien dans les lieux loués — atteinte illicite et intentionnelle — dommages matériels — dommages non pécuniaires — dommages punitifs — injonction permanente.
LOUAGE DE CHOSES — bail d’habitation — procédure — compétence exclusive — obligation du locateur — harcèlement — recours en dommages-intérêts — injonction permanente — valeur en litige — seuil de compétence — Cour supérieure — suspension de l’instance — article 58 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage exemplaire ou dommage punitif — Code civil du Québec — Charte des droits et libertés de la personne — harcèlement — intimidation — locateur — bail d’habitation — atteinte à la vie privée — atteinte à la jouissance paisible des biens — atteinte illicite et intentionnelle.
DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage moral — harcèlement — intimidation — insulte — locateur — bail d’habitation — locataire — vulnérabilité — personne âgée — stress — anxiété — occupant — fils du locataire — atteinte à la jouissance paisible des lieux loués — atteinte à la vie privée.
PROCÉDURE CIVILE — pouvoir des tribunaux de sanctionner les abus de procédure (NCPC) — quérulence — plaideur vexatoire — multiplication des procédures — locateur — bail d’habitation — fardeau de la preuve.
DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — jouissance paisible des biens — bail d’habitation — harcèlement — intimidation — insulte — bruit excessif — locateur — objectif de faire partir le locataire — occupant — fils du locataire — atteinte illicite et intentionnelle — dommages matériels — dommages non pécuniaires — dommages punitifs — injonction permanente.
DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — vie privée — bail d’habitation — harcèlement — intimidation — locateur — objectif de faire partir le locataire — atteinte illicite et intentionnelle.
Demande en réclamation de dommages-intérêts, de dommages moraux et de dommages punitifs, en injonction permanente, en remboursement d’honoraires extrajudiciaires et en déclaration de quérulence (169 542 $). Accueillie en partie (68 716 $).
La locataire et son fils, les demandeurs, occupent depuis 2000 un logement dans un immeuble qui appartenait au père de la locataire, ce dernier lui ayant consenti un bail d’une durée de 25 ans. Le locateur défendeur a acheté l’immeuble en 2017 avec l’intention claire d’évincer la locataire afin de rénover l’immeuble. Les demandeurs allèguent que le locateur les harcèle de multiples façons afin qu’ils quittent leur logement et qu’il néglige de maintenir celui-ci en bon état d’habitabilité, de propreté, de sécurité et de salubrité.
Décision
La relation litigieuse entre la locataire et le locateur a fait l’objet de nombreuses demandes devant le Tribunal administratif du logement (TAL), qui a par ailleurs déclaré le bail valide. Conformément à l’article 58 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, ces instances ont été suspendues en attente du présent jugement. En effet, bien que les questions soumises à la cour relèvent d’un bail de logement, elle a compétence pour entendre le litige puisque les réclamations recherchées s’élèvent à plus de 169 542 $ (art. 28 paragr. 1 de la loi).
La conduite du locateur constitue manifestement, au sens de l’article 1902 du Code civil du Québec (C.C.Q.), du harcèlement à l’endroit de la locataire et de son fils. Le locateur a refusé notamment de fournir l’huile à chauffage, contrairement à ce qui est prévu au bail et malgré des ordonnances claires du TAL. Il a bloqué volontairement l’accès des demandeurs à leurs stationnements et à leur garage. Il a détruit ou a retiré des biens de la locataire ou encore des installations existantes liées au logement. Il a placé des caméras de surveillance dirigées vers les aires privées des demandeurs. Il a fait jouer dans l’appartement voisin de la musique à un volume extrêmement élevé. Il n’a pas tenu compte des constats d’infraction remis par les inspecteurs municipaux en ce qui concerne le système de chauffage non fonctionnel, l’étanchéité des portes et des fenêtres, la désuétude du réservoir d’huile ou la présence de vermine et de déchets. Le locateur a commis des méfaits et des voies de fait. Il a aussi proféré des insultes, des propos intimidants ainsi que des menaces de mort à l’endroit de la locataire et du chien de son fils. Enfin, il fait face à des poursuites criminelles et ne respecte pas les interdictions de contacts qu’il s’est vu imposer.
La locataire a droit à 8 716 $ à titre de dommages matériels, ce qui comprend notamment le remboursement des caméras de surveillances et des loquets qu’elle a installés parce qu’elle était effrayée par le locateur de même que les pertes matérielles découlant de l’infestation de rats. La locataire a également droit à 25 000 $ à titre de dommages moraux, et son fils, à 10 000 $, compte tenu des troubles et inconvénients ainsi que de l’anxiété causés par les comportements fautifs et les manquements du locateur au cours des dernières années. L’article 1902 C.C.Q. donne ouverture à des dommages punitifs. En outre, la surveillance injustifiée et les comportements dolosifs du propriétaire constituent des violations au droit à la vie privée ainsi qu’au droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens prévus à la Charte des droits et libertés de la personne, ce qui donne aussi ouverture à des dommages punitifs en cas d’atteinte illicite et intentionnelle. En l’espèce, la locataire est âgée de 70 ans et elle est prestataire de l’aide sociale. Le locateur a tenté d’abuser de sa vulnérabilité pour l’intimider et réussir à l’évincer. La preuve démontre qu’il possède d’autres immeubles à logements et que ce n’est pas la première fois qu’il force l’éviction, de sorte que le montant retenu à ce titre doit être dissuasif. Dans ces circonstances, une somme de 25 000 $ est accordée pour ce qui est des dommages punitifs. Il est de plus ordonné au locateur de procéder à une série de travaux et de maintenir le logement en bon état d’habitabilité, de propreté, de sécurité et de salubrité. Enfin, la demande de la locataire visant à déclarer le locateur plaideur quérulent est rejetée, la situation ne présentant pas le caractère excessif et exceptionnel requis par la jurisprudence en cette matière.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
Commentaires (0)
L’équipe du Blogue vous encourage à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d’alimenter les discussions sur le Blogue. Par ailleurs, prenez note du fait qu’aucun commentaire ne sera publié avant d’avoir été approuvé par un modérateur et que l’équipe du Blogue se réserve l’entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.