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11 Août 2023

SÉLECTION SOQUIJ: Lalande c. Compagnie d’arrimage de Québec ltée, 2023 QCCA 973

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

ENVIRONNEMENT : Les appelants, qui remettent notamment en question la décision du juge d’écarter les expertises qu’ils ont présentées en raison de leur manque de force probante, n’ont pas réussi à établir en quoi cela constitue une erreur révisable; l’appel du jugement ayant rejeté leur action collective à l’encontre des intimées, auxquelles ils reprochaient d’avoir produit des émissions anormales de poussières grises, est rejeté.

2023EXP-1878 Deux étoiles 

Intitulé : Lalande c. Compagnie d’arrimage de Québec ltée, 2023 QCCA 973

Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Québec

Décision de : Juges Guy Gagnon, Michel Beaupré et Frédéric Bachand

Date : 24 juillet 2023

Références : SOQUIJ AZ-51956781, 2023EXP-1878 (42 pages)

-Résumé

ENVIRONNEMENT — contaminant — poussière grise — compagnie d’arrimage — installation portuaire — fardeau de la preuve — appréciation de la preuve — preuve d’expert — objectivité — crédibilité — fiabilité — force probante — preuve profane — témoignage — preuve circonstancielle — présomption de faits — normes réglementaires — absence d’atteinte à la santé — mesures d’atténuation — absence de négligence — résidants d’un quartier — action collective — appel — norme d’intervention — déférence — absence d’erreur manifeste et déterminante.

RESPONSABILITÉ — responsabilité du propriétaire et de l’occupant — compagnie d’arrimage — installation portuaire — poussière grise — agent contributeur — fardeau de preuve — appréciation de la preuve — preuve d’expert — force probante — preuve profane — témoignage — preuve circonstancielle — présomption de faits — normes réglementaires — absence d’atteinte à la santé — mesures d’atténuation — absence de négligence — absence de lien de causalité — résidants d’un quartier — action collective — appel — norme d’intervention — déférence — absence d’erreur manifeste et déterminante.

INJONCTION — circonstances d’application — injonction permanente — divers — environnement — contaminant — poussière grise — compagnie d’arrimage — installation portuaire — Loi sur la qualité de l’environnement — respect de la réglementation — obligation de l’État — intérêt pour agir — résidants d’un quartier — action collective — appel.

BIENS ET PROPRIÉTÉ — troubles de voisinage — poussière grise — compagnie d’arrimage — installation portuaire — agent contributeur — fardeau de preuve — appréciation de la preuve — preuve d’expert — force probante — preuve profane — témoignage — preuve circonstancielle — présomption de faits — normes réglementaires — absence d’atteinte à la santé — mesures d’atténuation — responsabilité sans faute — absence de lien de causalité — obligation de tolérance — résidants d’un quartier — action collective — appel.

RESPONSABILITÉ — éléments généraux de responsabilité — lien de causalité — poussière grise — troubles de voisinage — responsabilité extracontractuelle — compagnie d’arrimage — installation portuaire — agent contributeur — contribution excédentaire — normes environnementales — fardeau de preuve — appréciation de la preuve — preuve d’expert — force probante — preuve profane — témoignage — preuve circonstancielle — présomption de faits — résidents d’un quartier — action collective — appel — norme d’intervention — absence d’erreur manifeste et déterminante.

ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) — jugement au fond et mesures d’exécution — troubles de voisinage — responsabilité extracontractuelle — poussière grise — résidents d’un quartier — compagnie d’arrimage — installation portuaire — agent contributeur — contribution excédentaire — normes environnementales — appréciation de la preuve — fardeau de la preuve — absence d’un lien de causalité — absence d’atteinte à la santé — absence de négligence — obligation de tolérance — appel — norme d’intervention — déférence — absence d’erreur manifeste et déterminante.

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une action collective en dommages compensatoires et punitifs ainsi qu’en injonction permanente. Rejeté.

Les appelants allèguent que des épisodes d’émissions de poussières grises ont causé des préjudices et des inconvénients anormaux aux membres du groupe. Ils invoquent à cet effet le régime de responsabilité civile extracontractuelle et le régime de responsabilité sans faute en matière de troubles de voisinage. Selon eux, ces épisodes sont provoqués par les activités de l’intimée Compagnie d’arrimage de Québec ltée (CAQ) sur la propriété du port de Québec, dont la gestion est confiée à l’intimée Administration portuaire de Québec (APQ). Le juge de première instance a notamment conclu que les appelants avaient échoué à démontrer un lien de causalité suffisant entre les activités de CAQ et le problème de poussières dont ils se plaignent. Les appelants reprochent aux intimées d’être responsables d’un problème d’accumulation excessive de poussières grises dans une zone précise comprenant certains quartiers de la ville de Québec.

En première instance, le juge a considéré que les appelants n’avaient pas réussi à démontrer un lien causal entre, d’une part, les activités des intimées et, d’autre part, les préjudices et les inconvénients anormaux qu’ils allèguent avoir subis. Il a conclu que la pluralité de sources de poussières constatées sur le terrain et la très faible contribution des activités réalisées sur les lieux du port à l’ensemble des poussières présentes dans la zone en question ne permettaient pas de dégager une preuve prépondérante selon laquelle les activités de CAQ seraient la cause des préjudices et des inconvénients anormaux allégués par les appelants.

Décision
Ce pourvoi soulève essentiellement 3 questions principales, qui renvoient toutes à l’appréciation de la preuve administrée en première instance.

1) La preuve d’experts des appelants

La conclusion du juge qui l’a mené à ne pas retenir les constats et les opinions des 2 experts des appelants en raison de leur manque de force probante trouve solidement appui dans la preuve et rien ne justifie l’intervention de la Cour. Même si cette conclusion aurait été suffisante pour rejeter la thèse des appelants quant au lien causal entre les activités de CAQ et un problème allégué d’accumulation anormale de poussières dans la zone en question, le juge s’est néanmoins penché sur la preuve d’experts administrée par les intimées au soutien de leur argument selon lequel la contribution de leurs activités à l’apport global de poussières pour ce secteur était presque nulle. Selon le juge, les intimées, auxquelles il n’incombait pourtant aucun fardeau relativement à la question de la causalité, ont démontré suivant la prépondérance des probabilités que les activités de CAQ avaient contribué de façon négligeable au problème de poussières dans la zone et qu’il n’y avait donc pas lieu de conclure à l’existence d’un lien causal. Ces constats, qui reposent sur l’appréciation par le juge de la crédibilité et de la fiabilité de la preuve d’experts administrée par les parties, méritent un haut degré de déférence et ne peuvent être écartés en l’absence d’une erreur manifeste et déterminante.

2) La preuve profane

Cette preuve ne pouvait remédier aux lacunes fondamentales de la preuve d’experts des appelants. De plus, en dépit de la sincérité des témoins idoines entendus en première instance pour le compte des appelants, leurs témoignages ne permettaient pas d’établir un lien de causalité entre l’apport de poussières considéré comme excédentaire provenant des activités menées au port et les préjudices ou les inconvénients allégués.

3) La preuve circonstancielle

Les appelants ont avancé que, malgré le rejet de leurs expertises, divers faits circonstanciels mis en preuve lors de l’instruction au fond permettaient au juge d’établir l’existence de présomptions graves, précises et concordantes de nature à faire pencher la prépondérance des probabilités en leur faveur sur la question de la causalité. L’argumentaire des appelants quant à la question de la preuve circonstancielle repose essentiellement sur une preuve insuffisamment probante, voire contredite, ou autrement rejetée par le juge. Les éléments épars invoqués par les appelants constituent au mieux une chaîne dont la solidité ne tient qu’à son maillon le plus faible, ce qui est nettement insuffisant en l’espèce pour établir un lien de causalité adéquat, comme l’a retenu le juge.

4) Les questions incidentes

En ce qui concerne la responsabilité in solidum, les appelants soutiennent que les intimées devraient être tenues responsables de tous les dommages subis par les résidents de la zone visée et causés par l’ensemble des agents contributeurs, peu importe l’importance de leur contribution à ces dommages. Or, cet argument ne dispense pas les appelants d’établir un lien de causalité avec la faute reprochée aux intimées. De plus, l’article 976 du Code civil du Québec n’interdit pas de causer tout inconvénient à son voisin. Toutefois, cette disposition impose une obligation de tolérance à l’égard de ce même voisin. La seule preuve établissant que des agents contributeurs ont participé à différents degrés aux émissions de poussières ne crée pas une présomption voulant que la totalité de celles-ci soit anormale. Il s’agit d’ailleurs d’un fardeau de preuve dont les appelants n’ont pas réussi à s’acquitter en première instance.

Les appelants ont raison de prétendre que la jurisprudence reconnaît l’existence d’une présomption de causalité lorsque la preuve démontre des violations répétées d’une norme réglementaire et la matérialisation d’un préjudice. Toutefois, il est erroné de soutenir que la jurisprudence a créé une présomption irréfragable du seul fait d’une telle violation. La preuve retenue par le juge tend justement à démontrer que les préjudices allégués par les appelants découlent de sources de poussières situées à proximité de la zone en question autres que les activités portuaires, tels les abrasifs et le sel de déglaçage, le tout étant exacerbé par la topographie des lieux.

Enfin, l’injonction demandée par les appelants vise à faire respecter des normes réglementaires, soit une mission déjà confiée à l’État par voie réglementaire. Cela ne veut pas dire que les citoyens n’ont pas l’intérêt suffisant pour ester en justice lorsqu’ils invoquent une atteinte à la qualité de l’environnement, mais il s’agit plutôt de reconnaître à l’État le soin premier de veiller au respect de sa réglementation environnementale et de s’assurer que les contrevenants se voient imposer les réparations prévues par la loi.

Instance précédente : Juge Jacques G. Bouchard, C.S., Québec, 200-06-000169-139, 2020-03-04, 2020 QCCS 928, SOQUIJ AZ-51678635.

Réf. ant : (C.S., 2015-08-03), 2015 QCCS 3620, SOQUIJ AZ-51204446, 2015EXP-2467, J.E. 2015-1372; (C.S., 2020-03-04), 2020 QCCS 928, SOQUIJ AZ-51678635, 2020EXP-949.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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