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09 Fév 2024

Gestion George Kyritsis inc. c. Balabanian, 2024 QCCS 64

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

BIENS ET PROPRIÉTÉ : Sans le comportement abusif du défendeur, copropriétaire et administrateur de la copropriété, l’ensemble des unités de la demanderesse et des intervenants aurait dû valoir 4,014 millions de dollars; il s’agit de la somme que le défendeur devra verser à ceux-ci en vertu de l’article 1020 C.C.Q.

2024EXP-315*** 

Intitulé : Gestion George Kyritsis inc. c. Balabanian, 2024 QCCS 64

Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal

Décision de : Juge Janick Perreault

Date : 15 janvier 2024

Références : SOQUIJ AZ-51996660, 2024EXP-315 (99 pages)

Résumé

BIENS ET PROPRIÉTÉ — copropriété par indivision — fin de l’indivision — partage — immeuble résidentiel — administrateur unique — copropriétaire majoritaire — stratagème — non-respect de la convention d’indivision — inexécution de l’obligation — résiliation — annulation — comportement abusif — harcèlement — absence de reddition de compte — appropriation d’un espace commun — abus de droit — acte frauduleux — propos diffamatoires — unité de copropriété indivise — perte de valeur — vente sous contrôle de justice — atteinte à la jouissance paisible des biens — abus de procédure — gestionnaire de l’immeuble — solidarité — dommage non pécuniaire — dommages-intérêts — dommages punitifs.

RESPONSABILITÉ — responsabilité du fait personnel — administrateur unique — copropriétaire majoritaire — copropriété indivise — responsabilité personnelle — stratagème — abus de droit — acte frauduleux — non-respect de la convention d’indivision — copropriétaire indivis — comportement abusif — harcèlement — propos diffamatoires — unité de copropriété indivise — perte de valeur — atteinte à la jouissance paisible des biens — abus de procédure — gestionnaire de l’immeuble — solidarité — dommage non pécuniaire — dommages-intérêts — dommages punitifs.

OBLIGATIONS — exécution — résiliation — convention d’indivision — inexécution de l’obligation — copropriétaire indivis majoritaire — administrateur unique — abus de droit.

DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage exemplaire ou dommage punitif — Charte des droits et libertés de la personne — atteinte à la jouissance paisible des biens — copropriété indivise — copropriétaire majoritaire — administrateur unique — stratagème — abus de droit — acte frauduleux — non-respect de la convention d’indivision — copropriétaire — comportement abusif — harcèlement — propos diffamatoires.

DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage moral — copropriété indivise — copropriétaire majoritaire — administrateur unique — abus de droit — copropriétaire — troubles et inconvénient — harcèlement — propos diffamatoires.

PROCÉDURE CIVILE — frais de justice (dépens) — manquement important dans le déroulement de l’instance — copropriété indivise — fin de d’indivision — partage — recours en dommages-intérêts — demande reconventionnelle — gestion de l’instance — protocole de l’instance — absence de fondement juridique — abus de procédure — dommages punitifs.

PROCÉDURE CIVILE — exécution des jugements (NCPC) — exécution provisoire — exécution provisoire — copropriété indivise — immeuble résidentiel — fin de l’indivision — partage — recours en dommages-intérêts — copropriétaire majoritaire — administrateur unique — acte frauduleux — unité de copropriété indivise — perte de valeur — immeuble — risque de préjudice sérieux et irréparable.

Demande en résiliation et en annulation de conventions d’indivision, en partage d’un immeuble détenu en indivision, en réclamation de dommages-intérêts et de dommages punitifs ainsi qu’en déclaration d’abus. Accueillie en partie (6 219 323 $). Demandes en délaissement forcé à des fins de prise en paiement. Demande en rejet et pour déclaration d’abus. Demandes reconventionnelles en dommages-intérêts. Rejetées.

Le litige concerne un immeuble détenu en copropriété indivise et contenant 119 unités d’habitation. Le défendeur Maher Balabanian détient 79,6595 % des parts de l’indivision, la demanderesse et les intervenants, 16,7698 %, et les mis en cause, le reste. Le codéfendeur Jean Balabanian, le frère de Maher, habite l’immeuble et l’assiste dans la gestion de celui-ci. La demanderesse et les intervenants soutiennent que Maher utilise ses multiples rôles (copropriétaire majoritaire, administrateur unique, créancier hypothécaire de plusieurs des copropriétaires et mandataire de certains des intervenants) de manière abusive dans le but de réduire ses propres contributions à l’administration de la copropriété et de racheter au rabais les unités des autres copropriétaires.

Décision
Alors qu’il était propriétaire de l’immeuble, Maher l’a transformé en copropriété indivise en 2007. La convention d’indivision prévoyait que l’indivision avait notamment pour objectif la conversion en copropriété divise. Il a mis les unités en vente en attirant les acheteurs avec un prix de vente attrayant, en offrant du financement et en faisant miroiter un investissement avantageux par la promesse d’une conversion rapide. Dans le cadre de cette indivision, il a concentré les pouvoirs entre ses mains. Il est demeuré copropriétaire majoritaire, il s’est nommé administrateur unique et il a forcé certains intervenants, souvent lors des renouvellements hypothécaires, à lui céder leur droit de vote à l’assemblée des copropriétaires. La preuve abondante révèle que, à titre de copropriétaire et d’administrateur, le défendeur a commis des manquements importants à ses obligations contractuelles prévues à la convention d’indivision de 2007 ainsi qu’à celle de 2016, et ce, en adoptant un comportement quérulent et autocratique, en refusant de participer à l’objectif de conversion en copropriété divise, en s’appropriant des espaces communs, en harcelant des copropriétaires, en détournant des pouvoirs, en refusant de procéder à une reddition de comptes, en négligeant l’entretien de l’immeuble et en publiant frauduleusement en 2016 une nouvelle convention de copropriété.

Les conditions nécessaires à la résiliation des conventions d’indivision en vertu de l’article 1604 du Code civil du Québec (C.C.Q.) sont remplies puisque l’inexécution peut être considérée comme fautive et substantielle, compte tenu des nombreuses inexécutions contractuelles du défendeur. Par ailleurs, outre la résiliation, la convention de 2016 doit être annulée puisque sa publication a été faite frauduleusement, notamment parce que le défendeur a rédigé la convention sans égard aux résolutions adoptées lors de l’assemblée des copropriétaires et que l’avis de convocation à cette assemblée ne contenait aucun projet de modification de la convention.

Les manquements contractuels du défendeur ont réduit à néant la valeur des unités de la demanderesse et des intervenants. Les copropriétaires sont incapables de vendre leurs unités à des tiers du fait que le défendeur n’acquitte pas les taxes et les assurances de l’indivision, qu’il leur impose des pénalités lorsqu’ils veulent quitter l’immeuble et qu’il utilise sa situation de copropriétaire pour s’enrichir au détriment des autres copropriétaires. De plus, le comportement abusif et persistant du défendeur les obligerait à divulguer ce vice à tout acheteur. La demanderesse et les intervenants doivent être indemnisés pour la perte de valeur des unités. En vertu de l’article 1020 C.C.Q., l’indivisaire supporte la perte de valeur qu’il a créée. Sans le comportement abusif du défendeur, l’ensemble des unités de la demanderesse et des intervenants aurait dû valoir 4,014 millions de dollars; il s’agit de la somme que le défendeur devra leur verser.

En vertu de l’article 1030 C.C.Q., la demanderesse et les intervenants sont en droit de demander le partage de l’immeuble. Puisqu’il s’avère impossible de procéder au partage en nature, le tribunal ordonne sa vente sous contrôle de justice de gré à gré, la mise à prix minimale étant fixée à 10,125 millions de dollars.

En l’espèce, les critères prévus à l’article 661 du Code de procédure civile (C.P.C.) pour une ordonnance d’exécution provisoire nonobstant appel sont plus que remplis, compte tenu de la preuve imposante constituée de faits précis, clairs et concrets démontrant qu’un appel du présent jugement risquerait de causer un préjudice sérieux, voire irréparable, à la demanderesse et aux intervenants.

Outre la perte de valeur des unités, la négligence du défendeur a causé à la demanderesse et aux intervenants d’autres dommages pécuniaires. Le total des charges communes supportées en raison de cette négligence s’élève à 466 948 $ et il doit être partagé selon la quote-part de la demanderesse et de chaque intervenant dans l’indivision. Cette somme couvre le surcoût de l’assurance, les dépenses judiciaires personnelles ainsi que les intérêts sur les taxes municipales et scolaires. À cela s’ajoutent 45 600 $ pour la perte de revenus locatifs subie par certains intervenants.

Le défendeur et le codéfendeur sont condamnés solidairement à verser 40 000 $ à la demanderesse et à chacun des intervenants à titre de dommages non pécuniaires en raison des nombreux troubles et inconvénients causés, de la détérioration de leurs vies et des innombrables attaques à leur égard, alors qu’ils les ont harcelés et qu’ils ont tenu en public des propos diffamatoires à leur endroit.

Le défendeur s’est délibérément livré à du harcèlement en plus de violer plusieurs droits fondamentaux de la demanderesse et des intervenants, le tout dans le but de s’enrichir à leurs dépens. Son comportement démontre une intention claire et délibérée de porter atteinte à leurs droits garantis par la Charte des droits et libertés de la personne, notamment par l’entrave volontaire à la jouissance paisible de leurs biens. Une somme de 760 000 $, soit 40 000 $ à la demanderesse et à chacun des intervenants, est appropriée à titre de dommages punitifs.

Il est opportun de déclarer bonne et valable la saisie avant jugement, publiée en 2022, sur les parts du défendeur dans l’immeuble puisque, sans cette mesure, le recouvrement de la créance risque d’être mis en péril. En effet, le défendeur commet des manoeuvres douteuses, suspectes, voire frauduleuses, dans le but de soustraire ses biens à l’exécution.

La demande reconventionnelle du défendeur, qui réclame 7 275 411 $, est abusive, la plupart des éléments étant visés par l’autorité de la chose jugée. Les demandes introductives d’instance en délaissement forcé à des fins de prise en paiement présentées contre certains des intervenants sont rejetées, compte tenu de l’irrégularité des préavis, du principe de la fin de non-recevoir et de l’absence d’objet des demandes. Le défendeur a utilisé ses pouvoirs d’administrateur pour publier 18 préavis d’exercice de droit hypothécaire sur les unités de la demanderesse et des intervenants. Ces préavis visent les cotisations et les charges spéciales imposées unilatéralement par le défendeur à titre d’administrateur. La radiation de ces préavis est ordonnée.

Les recours du codéfendeur, qui demande de déclarer abusive l’action contre lui et qui réclame des dommages-intérêts, sont rejetés. Ses allégations sont exagérées et contredites par une preuve crédible.

Enfin, compte tenu des nombreux abus de procédure commis par Maher, ce dernier est condamné à verser 50 000 $ en vertu de l’article 51 C.P.C. de même que 150 000 $ à titre de compensation pour ses manquements importants dans le déroulement de l’instance au sens de l’article 342 C.P.C. Ces sommes seront réparties en parts égales entre la demanderesse et les intervenants.

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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