Promutuel Vallée du St-Laurent, société mutuelle d’assurance générale c. Noyrigat-Gleye, 2024 QCCA 447
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
ASSURANCE : Dans le contexte d’un recours en injonction permanente et en réclamation de dommages compensatoires et punitifs intenté contre les assurés, le juge de première instance a eu raison, compte tenu de l’ensemble des circonstances, d’appliquer la règle de la proportionnalité ainsi que le principe de l’unicité de la représentation et d’ordonner que l’avocat mandaté par l’assureur prenne en charge la défense de ces derniers quant aux dommages punitifs, lesquels sont exclus de la police; il est entendu que, au terme du dossier, il pourra y avoir un partage des coûts.
2024EXP-1069***
Intitulé : Promutuel Vallée du St-Laurent, société mutuelle d’assurance générale c. Noyrigat-Gleye, 2024 QCCA 447
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Mark Schrager, Suzanne Gagné et Benoît Moore
Date : 18 avril 2024
Références : SOQUIJ AZ-52020369, 2024EXP-1069 (13 pages)
–Résumé
ASSURANCE — assurance de responsabilité — obligation de défendre l’assuré — recours en responsabilité civile — voisin — recours en dommages-intérêts — coupe d’arbres — Loi sur la protection des arbres — injonction permanente — nature véritable des allégations — étendue de la couverture — possibilité de couverture — clause d’exclusion — dommages punitifs — principes directeurs de la procédure — règle de la proportionnalité — règle de l’unicité de la représentation — saine administration de la justice.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli une demande de type Wellington. Rejeté.
Le mis en cause a entrepris un recours contre les assurés intimés, leur reprochant d’avoir coupé des arbres, d’avoir modifié le dénivellement du terrain et d’avoir construit un mur de soutènement sur sa propriété. Il réclame des dommages compensatoires et punitifs en vertu de la Loi sur la protection des arbres de même que des conclusions injonctives permanentes. La compagnie d’assurance appelante a accepté de prendre en charge la défense de ses assurés pour les dommages compensatoires, mais pas en ce qui concerne les demandes en injonction et en dommages punitifs.
Décision
M. le juge Moore: L’obligation de défendre prévue à l’article 2503 du Code civil du Québec (C.C.Q.), laquelle est d’ordre public, s’enclenche dès que, sur la base de la nature véritable de la demande au terme d’une interprétation raisonnable des allégations, il existe une possibilité que l’assureur soit tenu d’indemniser l’assuré.
En l’espèce, l’appelante déforme le jugement de première instance lorsqu’elle prétend que le juge a conclu que la demande en injonction constituait un recours en dommages compensatoires. Celui-ci s’est plutôt limité à affirmer qu’«il n’est pas déraisonnable de conclure» ou qu’«il existe une possibilité» que la nature du litige consiste en la compensation d’un dommage matériel. Or, il s’agit bien du critère qu’il devait appliquer.
D’autre part, l’injonction vise l’exécution de l’obligation de compenser un préjudice passé qui porte sur les mêmes faits constitutifs que ceux à la base de la réclamation en dommages compensatoires et cela ne demandera pas de défense particulière. La nature véritable de l’action ne saurait dépendre uniquement du mode procédural d’exécution. Le mis en cause aurait pu faire évaluer les travaux et demander une somme équivalant à leur coût afin d’exécuter ou de faire exécuter les réparations comme il l’a fait pour le coût de remplacement des arbres, dont l’assureur ne conteste pas la couverture. Le fait que le mis en cause procède au moyen d’une injonction ne modifie pas la nature réelle du litige, qui est la compensation d’un préjudice matériel qu’aurait causé l’assuré.
Quant aux dommages punitifs, ils sont expressément exclus de la police d’assurance. Toutefois, l’obligation de défendre en matière d’assurance-responsabilité peut entraîner une exception au principe de l’unicité de la représentation. À cet égard, le juge devra prendre en compte, notamment, l’unicité ou non des faits générateurs du litige, l’importance, la connexité et la complexité de l’enjeu non couvert, la nécessité ou non d’une preuve propre à celui-ci, la proportion du litige qui portera sur l’enjeu non couvert ainsi que le risque d’un conflit d’intérêts, le tout en fonction des principes directeurs du droit procédural. Il n’est pas question de créer une nouvelle obligation à l’assureur ni d’étendre le champ d’application de l’article 2503 C.C.Q. sur le fondement du principe de la proportionnalité, mais d’en aménager l’exécution, et ce, au profit de tous.
Dans le présent cas, le juge a constaté que les faits invoqués qui sont couverts et ceux qui ne le sont pas soulèvent les mêmes questions et requièrent les mêmes moyens de preuve. En outre, la réclamation de dommages punitifs est marginale au regard de l’ensemble du dossier et elle ne soulève pas une question complexe ni ne requiert une preuve particulière. Le juge a donc eu raison, compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, d’appliquer le principe de la proportionnalité ainsi que celui de l’unicité de la représentation et d’ordonner que l’avocat mandaté par l’assureur prenne en charge la défense portant sur la réclamation de dommages punitifs. Il est entendu que, au terme du dossier, il pourra y avoir un partage des coûts.
Instance précédente : Juge Pierre Nollet, C.S., Terrebonne (Saint-Jérôme), 700-17-019104-222, 2023-03-20, 2023 QCCS 856, SOQUIJ AZ-51923938.
Réf. ant : (C.S., 2023-03-20), 2023 QCCS 856, SOQUIJ AZ-51923938, 2023EXP-859; (C.A., 2023-05-25), 2023 QCCA 683, SOQUIJ AZ-51940246, 2023EXP-1465.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
Commentaires (0)
L’équipe du Blogue vous encourage à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d’alimenter les discussions sur le Blogue. Par ailleurs, prenez note du fait qu’aucun commentaire ne sera publié avant d’avoir été approuvé par un modérateur et que l’équipe du Blogue se réserve l’entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.