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SOQUIJ
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29 Nov 2024

Alliance autochtone du Québec c. Procureur général du Québec (Ministre des Ressources naturelles et de la Faune du Québec et Ministre délégué aux Affaires autochtones du Québec), 2024 QCCA 1472

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

AUTOCHTONES : Bien que le juge de première instance ait commis une erreur manifeste dans son analyse de l’ascendance autochtone des membres de l’Alliance autochtone du Québec, l’appel de son jugement ayant rejeté le recours en jugement déclaratoire des appelants est rejeté.

2024EXP-2792*** 

Intitulé : Alliance autochtone du Québec c. Procureur général du Québec (Ministre des Ressources naturelles et de la Faune du Québec et Ministre délégué aux Affaires autochtones du Québec), 2024 QCCA 1472

Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Québec

Décision de : Juges Robert M. Mainville, Stéphane Sansfaçon et Sophie Lavallée

Date : 8 novembre 2024

Références : SOQUIJ AZ-52071200, 2024EXP-2792 (57 pages)

Résumé

CONSTITUTIONNEL (DROIT) — autochtones — résolution de l’Assemblée nationale du Québec du 20 mars 1985 sur la reconnaissance des droits des Autochtones et résolution du 30 mai 1989 sur la reconnaissance de la nation malécite — nature — portée — Alliance autochtone du Québec — membres — statut d’Indien — Indien non inscrit — auto-identification — ascendance autochtone — liens ancestraux avec une communauté autochtone — communauté historique — lien réel — article 24.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune — article 3.48 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif — validité constitutionnelle — droit à l’égalité — liberté d’association — discrimination — gouvernement — communauté autochtone — notion d’«organisation autochtone» (Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones) — droit de négocier une entente entre le gouvernement et les communautés autochtones — appel — jugement déclaratoire — erreur manifeste et déterminante.

DROITS ET LIBERTÉS — droit à l’égalité — motifs de discrimination — divers — motif analogue — Indien non inscrit — membres — Alliance autochtone du Québec — cadre d’analyse en vertu de l’article 15 (1) de la Charte canadienne des droits et libertés — fardeau de la preuve — article 24.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune — article 3.48 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif — validité constitutionnelle — droit de négocier une entente entre le gouvernement et les communautés autochtones — résolution de l’Assemblée nationale du Québec du 20 mars 1985 sur la reconnaissance des droits des Autochtones et résolution du 30 mai 1989 sur la reconnaissance de la nation malécite.

DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — association — liberté d’association — article 24.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune — validité constitutionnelle — Alliance autochtone du Québec — droit de négocier une entente entre le gouvernement et les communautés autochtones — résolution de l’Assemblée nationale du Québec du 20 mars 1985 sur la reconnaissance des droits des Autochtones et résolution du 30 mai 1989 sur la reconnaissance de la nation malécite.

CONSTITUTIONNEL (DROIT) — divers — article 24.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune — article 3.48 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif — validité constitutionnelle — Alliance autochtone du Québec — membres — Indien non inscrit — cadre d’analyse en vertu de l’article 15 (1) de la Charte canadienne des droits et libertés — résolution de l’Assemblée nationale du Québec du 20 mars 1985 sur la reconnaissance des droits des Autochtones et résolution du 30 mai 1989 sur la reconnaissance de la nation malécite.

ADMINISTRATIF (DROIT) — actes de l’Administration — résolution — résolution de l’Assemblée nationale du Québec du 20 mars 1985 sur la reconnaissance des droits des Autochtones et résolution du 30 mai 1989 sur la reconnaissance de la nation malécite — nature — portée — peuples autochtones — Alliance autochtone du Québec — droit de négocier une entente entre le gouvernement et les communautés autochtones.

ENVIRONNEMENT — faune et flore — validité constitutionnelle — article 24.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune — liberté d’association — Alliance autochtone du Québec — notion d’«organisation autochtone» (Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones) — absence de revendication d’un droit ancestral — droit de négocier des ententes pour encadrer l’exercice de droits ancestraux de chasse et de pêche à des fins alimentaires, rituelles ou sociales — droit à l’égalité — Indien non inscrit — motif analogue — fardeau de la preuve.

PROCÉDURE CIVILE — appel — autorisation de présenter des faits nouveaux en appel — statut d’Indien inscrit — membres — Alliance autochtone du Québec — jugement déclaratoire — résolution de l’Assemblée nationale du Québec du 20 mars 1985 sur la reconnaissance des droits des Autochtones et résolution du 30 mai 1989 sur la reconnaissance de la nation malécite — nature — portée.

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en jugement déclaratoire. Rejeté. Demande pour introduire des faits nouveaux en appel. Accueillie.

Les appelants prétendent notamment que le juge de première instance: 1) a manifestement erré lorsqu’il a conclu que l’ascendance autochtone des appelants particuliers et des autres membres de l’Alliance autochtone du Québec (AAQ) n’avait pas été démontrée; 2) a erré en fait et en droit en concluant que les appelants n’étaient pas visés par la résolution de l’Assemblée nationale adoptée le 20 mars 1985 et modifiée le 30 mai 1989; et 3) a erré en droit lorsqu’il a refusé de reconnaître une portée obligatoire à la résolution de l’Assemblée nationale.

Décision
M. le juge Mainville: C’est à bon droit que le juge de première instance a conclu que l’AAQ ne pouvait être qualifiée de «communauté» autochtone au sens de la résolution de l’Assemblée nationale ou d’«organisation autochtone» au sens du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones.

1) Ascendance autochtone des membres de l’AAQ

Les règles d’adhésion à l’AAQ sont fondées essentiellement sur une ascendance autochtone, directe ou collatérale, quel qu’en soit le degré généalogique ou le lieu d’origine, à laquelle s’ajoute implicitement l’auto-identification comme autochtone. Or, le lien généalogique n’établit pas en soi un lien réel avec une communauté autochtone historique. La preuve d’un lien réel avec une communauté autochtone existante n’étant pas nécessairement établie par un lien généalogique plus ou moins éloigné, le juge de première instance pouvait certes conclure que la preuve de ce lien réel n’avait pas été établie au regard de plusieurs des membres de l’AAQ.

Toutefois, le juge a commis une erreur manifeste en étendant ce constat à tous les membres de l’AAQ. En effet, la preuve établit que des membres de l’AAQ entretiennent des liens sociologiques ou culturels importants avec une communauté autochtone historique, et ce, même s’ils ne sont pas nécessairement acceptés comme des membres par cette communauté.

Par ailleurs, la preuve nouvelle établit que certains appelants ont été récemment inscrits au registre des Indiens tenu en vertu de la Loi sur les Indiens.

Puisqu’il suffit que 1 seul des demandeurs puisse invoquer un motif analogue en vertu de l’article 15 (1) de la Charte canadienne des droits et libertés pour déclencher l’analyse judiciaire sous cette disposition, le juge de première instance ne pouvait écarter cette analyse du dossier comme il l’a fait, et il incombe donc à la Cour d’y procéder.

Les prétentions des appelants quant à l’article 3.48 de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif échouent à la première étape de l’analyse en vertu de l’article 15 (1) de la charte canadienne. En effet, il est manifeste à sa lecture que cet article ne crée pas une distinction fondée sur le motif analogue invoqué d’«Indiens non inscrits», dans la mesure où un tel motif analogue serait reconnu par les tribunaux.

Les appelants n’établissent pas la nature des ententes particulières qu’ils souhaiteraient conclure avec le gouvernement du Québec en vertu de l’article 3.48, se contentant de réclamer un droit général de négocier, sans jamais préciser sur quel sujet. C’est donc un droit général de négocier qui est sollicité.

Or, ce manque de précision sur ce qu’on vise à négocier rend difficile une analyse sérieuse en vertu de l’article 15 (1) de la charte canadienne, lequel requiert une analyse comparative poussée qui doit s’effectuer dans un contexte précis.

La même conclusion s’applique en ce qui concerne les arguments fondés sur l’article 24.1 de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune.

Les appelants font un usage détourné de l’article 15 (1) de la charte canadienne afin de revendiquer un droit général de négocier des ententes pour encadrer l’exercice de droits ancestraux de chasse et de pêche à des fins alimentaires, rituelles ou sociales sans qu’ils aient à établir, même prima facie, qu’ils sont titulaires de tels droits conformément à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

En ce qui concerne l’argument relatif à l’atteinte à la liberté d’association du groupe, les appelants ne citent aucune jurisprudence qui obligerait un tiers à négocier avec un groupe au motif que refuser de le faire porterait atteinte à la liberté d’association du groupe.

2) Les appelants ne sont pas visés par la résolution

Il ne fait aucun doute que la résolution ne reconnaît ni une nation autochtone distincte dite des «Indiens non inscrits» ni des droits distincts pour les Indiens non inscrits.

C’est à titre de membres des nations autochtones reconnus du Québec que le premier ministre entendait traiter les Indiens non inscrits, lesquels étaient alors largement composés des femmes autochtones et de leurs descendants qui avaient été exclus de l’inscription au registre de la Loi sur les Indiens pour des motifs discriminatoires.

Si l’AAQ peut certes tenter de participer aux débats et agir auprès du gouvernement du Québec afin d’améliorer les conditions des Indiens non inscrits, la résolution ne lui confère pas de droits et ne lui reconnaît aucun statut à cette fin.

3) La résolution n’a pas de force obligatoire


e contexte constitutionnel de l’adoption de la résolution, l’ajout de la nation malécite à celle-ci en 1989, la référence à la résolution dans une loi, le fait que, au cours des 4 décennies qui se sont écoulées depuis son adoption, elle a été décrite par les intervenants gouvernementaux comme un engagement fondamental et, finalement, l’honneur de la Couronne permettent d’envisager que la résolution puisse produire un certain effet juridique, en partie du moins.

La preuve dans le dossier tend aussi à démontrer que le gouvernement du Québec a toujours traité la résolution comme un texte solennel, historique et liant envers les nations autochtones du Québec, et il est vraisemblable que celle-ci engage l’honneur de la Couronne.

Toutefois, il n’y a pas lieu d’élaborer plus à fond l’analyse sur cette question puisque les prétentions des appelants peuvent être rejetées sur le fondement du texte même de la résolution. Par ailleurs, il serait fort inapproprié de se prononcer définitivement sur l’effet normatif de la résolution, alors que les principales intéressées, soit les nations autochtones reconnues par celle-ci, n’ont pas eu l’occasion de se faire entendre à ce sujet.

Instance précédente : Juge Bernard Godbout, C.S., Québec, 200-17-011000-098, 2022-02-15, 2022 QCCS 477, SOQUIJ AZ-51830337.

Réf. ant : (C.S., 2022-02-15), 2022 QCCS 477, SOQUIJ AZ-51830337, 2022EXP-801, 2022EXPT-708; (C.A., 2022-05-30), 2022 QCCA 765, SOQUIJ AZ-51856777.

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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