Groupe SNC-Lavalin inc. c. Duhaime, 2025 QCCA 73
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
PROCÉDURE CIVILE : Le juge de première instance a erré en rejetant la demande de l’appelante en communication de documents qui étaient en la possession du DPCP; même si le dossier est long à mettre en état, la phase exploratoire, justifiant une approche souple de la notion de «pertinence» des documents demandés, est toujours en cours pour l’ensemble des parties.
2025EXP-371***
Intitulé : Groupe SNC-Lavalin inc. c. Duhaime, 2025 QCCA 73
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Mark Schrager, Guy Cournoyer et Judith Harvie
Date : 29 janvier 2025
Références : SOQUIJ AZ-52091884, 2025EXP-371 (15 pages)
PROCÉDURE CIVILE — administration de la preuve — production de documents — document en la possession d’un tiers — dossier criminel — Directeur des poursuites criminelles et pénales — accusation criminelle — plaidoyer de culpabilité — instance civile — phase exploratoire — recherche de la vérité — pertinence — interprétation large — règle de la proportionnalité — principes directeurs de la procédure — transparence — efficacité — diligence — complexité de l’affaire — déséquilibre entre les parties — revue de jurisprudence — appel — norme d’intervention — erreur révisable.
Appel d’un jugement rendu en cours d’instance par la Cour supérieure ayant rejeté une demande de communication de documents se trouvant en la possession de tiers. Accueilli en partie.
La Cour supérieure a rejeté la demande en communication de type Wagg présentée par l’une des appelantes afin d’obtenir auprès de tiers, dont le procureur général du Québec, l’ensemble de la preuve divulguée ou qui devait être divulguée dans le contexte des accusations criminelles portées contre l’intimé.
Décision
Mme la juge Harvie: Tel qu’il est énoncé dans l’arrêt Pétrolière Impériale c. Jacques (C.S. Can., 2014-10-17), 2014 CSC 66, SOQUIJ AZ-51115718, 2014EXP-3212, J.E. 2014-1833, [2014] 3 R.C.S. 287, la recherche de la vérité demeure le principe cardinal qui doit guider le tribunal dans la conduite d’une instance civile, et ce, dans le respect des principes de la proportionnalité et de l’efficacité. Ce genre de demande, qui est présentée dans la phase exploratoire, favorise la communication de la preuve susceptible «de permettre aux parties d’établir la véracité des faits qu’elles allèguent» (paragr. 26) et de connaître les moyens de preuve dont dispose la partie adverse, le tout dans un exercice de transparence.
En l’espèce, le juge a commis une erreur révisable lorsqu’il a conclu que la phase exploratoire du dossier était terminée et que l’appelante n’avait pas été diligente dans la présentation de sa demande. Certes, le dossier est long à mettre en état, mais il est indéniable que la phase exploratoire est toujours en cours pour l’ensemble des parties. La complexité du dossier, la jonction de 3 instances, les impondérables, les nombreuses demandes interlocutoires de même que les prolongations de délai qui ont été accordées par le tribunal expliquent la situation.
Au cours de la phase exploratoire, la pertinence des documents demandés doit être interprétée largement en fonction de l’ensemble des allégations se trouvant dans les procédures au dossier. Cette phase justifie une approche souple de la notion de «pertinence» qui, comme il a été souligné dans Procureur général du Québec c. Beaulieu (C.A., 2021-09-02), 2021 QCCA 1305, SOQUIJ AZ-51792192, 2021EXP-2302, «n’est pas celle de la preuve administrée lors de l’instruction. Il s’agit plutôt de s’assurer que l’information recherchée soit ou paraisse utile au cheminement du litige et qu’elle puisse faire progresser l’affaire au regard des faits et des droits invoqués, mener le dossier à procès ou en faciliter le règlement» (paragr. 128). Cette approche est conforme aux principes directeurs de la procédure civile, y compris celui de la transparence.
Or, la preuve divulguée à l’intimé dans le dossier criminel se rapporte au litige et est utile ainsi que susceptible de faire progresser le débat en facilitant la recherche de la vérité. Cette communication est par ailleurs nécessaire pour assurer un débat loyal entre les parties. Le refus de la communiquer entraîne un déséquilibre entre celles-ci, ce qui est contraire aux principes directeurs de la procédure civile.
Quant à la demande visant la preuve divulguée, elle est ciblée et précise. Toutefois, celle portant sur une preuve «qui aurait pu être divulguée» est imprécise, vague et trop large, si l’on considère qu’il serait difficile de définir exactement ce qu’elle vise. En conséquence, cette portion de la demande doit être rejetée, car elle n’est pas susceptible d’exécution. L’ordonnance ne peut donc viser que ce qui a été divulgué.
Enfin, le juge a commis une erreur révisable en concluant que l’appelante ne pouvait pas demander «la globalité de la preuve» et refuser, en ce qui a trait aux documents, «de les identifier». En effet, elle ne peut désigner à ce stade les documents alors qu’elle ne connaît pas la teneur de la preuve qui a été divulguée, et ce, même si elle peut en démontrer généralement la pertinence.
Instance précédente : Juge Jean-Louis Lemay, C.S., Montréal, 500-17-086632-158 et autres, 2024-02-15, 2024 QCCS 455, SOQUIJ AZ-52004464.
Réf. ant : (C.S., 2024-02-15), 2024 QCCS 455, SOQUIJ AZ-52004464; (C.A., 2024-04-12), 2024 QCCA 431, SOQUIJ AZ-52019223, 2024EXP-1105.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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