Famille : Existe-t-il un droit automatique à un nouveau procès?
Par Claudia Camirand, avocate
Par Claudia Camirand
Dans Droit de la famille – 132765 (2013 QCCA 1781), un père qui s’est vu refuser la garde partagée de ses enfants va en appel du jugement de première instance en raison de l’insuffisance, voire l’absence, des motifs donnés par le juge. En droit de la famille, un jugement non suffisamment motivé donne-t-il automatiquement droit à un nouveau procès en première instance?
Faits
Madame demandait la garde des enfants avec droit d’accès élargis pour le père tandis que ce dernier demandait la garde partagée. Le 6 novembre 2012, la Cour supérieure fait droit à la demande de l’intimée et motive sa décision sur deux principaux facteurs, soit le besoin de stabilité des enfants en raison de leur état de santé ainsi que l’absence de communication entre les parents. Selon les considérations de la Cour, la mère était la mieux placée pour offrir ce milieu et les difficultés de communication des parents rendaient une garde partagée impraticable. Selon l’appelant, le juge aurait commis des erreurs dans l’appréciation de la preuve, mais il lui serait impossible de les identifier en raison de l’insuffisance de motivation du jugement. Il prétend donc que cette insuffisance lui donne droit à une nouvelle audience en première instance. Fait important en l’espèce, l’appelant n’a pas produit l’ensemble de la preuve apportée en première instance, dont les notes sténographiques de l’audition.
Analyse
La Cour d’appel débute son analyse en rappelant que :
« [3] La nécessité de bien motiver un jugement en matière familiale, comme dans tous les cas où un travail d’appréciation de la preuve doit être fait, n’est plus à démontrer. Cela s’impose en raison de la confiance que doit avoir le public envers le système de justice, de l’importance pour la partie qui perd de comprendre pourquoi le juge ne lui a pas donné raison et de la nécessité de permettre à cette partie d’exercer valablement son droit d’appel. On peut ajouter, comme l’appelant le souligne à l’audience, l’importance de la fonction pédagogique des motifs d’un jugement.»
Toutefois, le tribunal précise que la notion d’insuffisance doit être étudiée sous le regard de la preuve et des enjeux discutés en première instance. Il conclut alors que :
« [9] L’insuffisance des motifs d’un jugement ne signifie pas nécessairement que le juge s’est trompé ni qu’il n’a pas apprécié toute la preuve devant lui. L’insuffisance de motifs ne donne pas un droit automatique à un nouveau procès en première instance. »
La Cour poursuit en rappelant qu’il serait dans l’intérêt des parties qu’une cour d’appel puisse disposer du litige, en évaluant elle-même la preuve, dans les cas où un juge omettrait d’analyser ou de tenir compte de la preuve présentée. Si cet exercice s’avère impossible, c’est à ce moment qu’elle devra retourner le dossier en première instance.
Dans l’affaire sous étude, il appartenait à l’appelant de démontrer que le jugement de première instance devait être rejeté. À cet effet, le Tribunal souligne à plusieurs endroits le manque de preuve pour supporter les prétentions de l’appelant tel que prescrit par l’article 507 C.p.c. et conclut que cette preuve fait défaut :
«[14] En l’espèce, et vu les lacunes du dossier, l’appelant n’a pas fait la démonstration que les motifs sont insuffisants au point où le jugement doit être infirmé ni que le juge a commis une erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation de la preuve.»
La Cour rejette l’appel.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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