par
Pierre-Luc Beauchesne
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23 Avr 2014

Déclaration de forclusion et révision d’une ordonnance de sauvegarde

Par Pierre-Luc Beauchesne, Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L.


Par Pierre-Luc Beauchesne
Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l.
Dans Dissam Realty Inc. c. 9273-6578 Québec Inc. (2014 QCCQ 2851), la Cour était saisie d’une requête du locateur demandant que ses locataires soient forclos de contester sa réclamation pour loyers impayés suite au non-respect d’une ordonnance de sauvegarde. La Cour rappelle qu’elle peut suspendre une ordonnance de sauvegarde si des faits nouveaux et suffisants existent. La Cour conclut toutefois que les arguments soumis par les locataires ne justifient pas le non-respect de l’ordonnance de sauvegarde et qu’aucune circonstance ne justifie la Cour à exercer sa discrétion en leur faveur.

 

Les faits
Le 3 janvier 2014, l’honorable Martine Tremblay, j.c.q., a prononcé une ordonnance de sauvegarde ordonnant aux locataires de payer le loyer à échoir au locateur. Le jugement prévoyait qu’en cas de défaut par les locataires de se conformer à l’ordonnance de paiement, le locateur pourra procéder par défaut de plaider après signification d’un avis de présentation.
Il a été prouvé que les locataires n’ont pas payé les loyers des mois de février et mars 2014 contrevenant ainsi à l’ordonnance de sauvegarde. Les locataires soulèvent toutefois qu’ils ont été justifiés de ne pas payer le loyer suite à des fautes contractuelles du locateur. Les locataires reprochent entre autres au locateur de ne pas avoir réinstallé une enseigne sur la devanture de l’immeuble. Ils prétendent également qu’ils ont subi une inondation causée par le bris d’une pompe submersible et que la porte d’entrée fonctionne mal.
Analyse
Le Tribunal rappelle qu’il peut suspendre une ordonnance de sauvegarde ou ses effets si des faits nouveaux et suffisants existent :

« [22]  Bien que les locataires ne présentent aucune demande formelle de réviser ou de suspendre l’ordonnance de sauvegarde du 3 janvier 2014, Dissam présente ses arguments comme s’il y en avait eu une.  

[23]  Dissam convient donc que, si des faits nouveaux et suffisants existent, et si c’est dans l’intérêt de la justice, le Tribunal pourrait suspendre l’ordonnance ou ses effets.  

[24]  La jurisprudence reconnaît, en effet, cette possibilité:
Développement Métro-Montréal Corporation c. Dhaher, j. Lachapelle, J.C.Q. 

[16] Pour accorder la suspension d’une ordonnance de sauvegarde, il faut effectivement prouver la survenance des faits nouveaux.

     (Soulignement ajouté) 

9031-3149 Québec inc. c. Tony Café Unique Inc., j. Quenneville, J.C.Q. 

[8] Il est bien établi que la conséquence pour le non-respect d’une ordonnance du Tribunal est la forclusion ordonnée entre la partie défaillante. Cependant, le Tribunal peut relever la partie défaillante de son défaut si le juge estime que l’intérêt de la justice le requiert

[9] Compte tenu des circonstances de la présente affaire et de la conduite de la défenderesse, le Tribunal est d’opinion que la justice requiert dans ce cas-ci que la forclusion ne soit pas prononcée contre la défenderesse, d’autant plus que les mesures recherchées par la demanderesse sont draconiennes, et ce à deux mois de l’audition sur le fond.

    (Soulignement ajouté) »

Le Tribunal considère que les arguments relatifs à l’absence d’enseigne et le refoulement d’eau avaient été soulevés devant la juge Tremblay et ne constituent pas des faits nouveaux. Quant à la porte d’entrée, même si cet élément n’a pas été discuté devant la juge Tremblay, le Tribunal ne considère pas que celui-ci constitue un fait suffisant pour justifier le non-respect d’une ordonnance de sauvegarde :

« [41]  D’abord, il est étonnant que si ce problème existe depuis novembre, il ne soit soulevé qu’en février et mars 2014. De plus, la faiblesse de la preuve présentée par Monsieur Kouddar à ce sujet est révélatrice. Il ne fournit aucun détail quant à la fréquence de ce problème, non plus que quant aux coûts supplémentaires de consommation électrique. Enfin, le Tribunal doit souligner que la présente audition a été continuée sur une période de plus d’un mois à trois dates différentes. Pendant toute cette période, il appert que Monsieur Kouddar n’aurait fait aucune tentative sérieuse de réparer la porte.  

[42]  Deuxièmement, il s’agit d’une difficulté technique qui aurait été simple à corriger et sans doute à peu de frais. Les locataires auraient pu ensuite en réclamer le remboursement à Dissam. Celle-ci argue, par ailleurs, que la porte d’entrée relève de la responsabilité des locataires aux termes du bail de toute façon. 

[43]  À cette étape, le Tribunal n’a pas à trancher cette question qui relève du fond du litige entre les parties.  

[44]  Il s’agit, encore une fois, d’évaluer si ce reproche suffit pour relever les locataires des conséquences de leur refus volontaire de respecter le statu quo imposé par l’ordonnance de sauvegarde.  

[45]  Le Tribunal conclut que les locataires tentent de faire flèche de tout bois. Il s’agit d’une faute alléguée qui apparaît de peu d’importance et qui ne justifie pas les locataires de continuer à profiter de la jouissance des lieux en opérant leur restaurant sans payer la juste contrepartie de leur occupation, soit le loyer. »

La Cour conclut donc que la demande de forclusion du locateur est bien fondée et que les arguments soumis par les locataires ne justifient pas le non-respect de l’ordonnance de sauvegarde. Le Tribunal considère également que les locataires ont démontré une attitude intransigeante en refusant catégoriquement de payer le loyer. Les locataires n’ont donc démontré aucune circonstance justifiant le tribunal d’exercer sa discrétion en leur faveur.
Le texte intégral est disponible ici.

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