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SOQUIJ
Intelligence juridique
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11 Avr 2014

VENTE : Le vendeur professionnel poursuivi pour vice de qualité d’un bien peut appeler en garantie le fabricant même s’il ne lui a pas, au préalable, dénoncé le vice allégué par l’acheteur.

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

2014EXP-1153
Intitulé : Claude Joyal inc. c. CNH Canada Ltd., 2014 QCCA 588
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal, 500-09-022502-124
Décision de : Juges Pierre J. Dalphond, Julie Dutil et Marie-France Bich
Date : 21 mars 2014
Références : SOQUIJ AZ-51056948, 2014EXP-1153, J.E. 2014-628 (15 pages)

Le vendeur professionnel poursuivi pour vice de qualité d’un bien peut appeler en garantie le fabricant même s’il ne lui a pas, au préalable, dénoncé le vice allégué par l’acheteur au sens de l’article 1739 C.C.Q.; la solidarité entre le commerçant, le distributeur et le fabricant fait en sorte que la dénonciation à l’un, par l’acheteur, vaut à l’égard des autres.

Résumé
VENTE — obligations du vendeur — garantie de qualité — vice caché — meuble — moissonneuse-batteuse — incendie — détérioration prématurée — vendeur professionnel — responsabilité du fabricant — recours en garantie — dénonciation du vice — mise en demeure — solidarité — moyen de non-recevabilité.
 
OBLIGATIONS — exécution — mise en demeure — vente d’une moissonneuse-batteuse — incendie — détérioration prématurée — vendeur professionnel — responsabilité du fabricant — recours en garantie — dénonciation du vice — solidarité — moyen de non-recevabilité.
Appel d’un jugement ayant accueilli une requête en rejet d’un recours en garantie. Accueilli.
L’appelante est une société qui vend de l’équipement agricole. En septembre 2006, elle a vendu à un client une moissonneuse-batteuse neuve fabriquée par l’intimée. Deux ans plus tard, la moissonneuse-batteuse a pris feu et sa carcasse a été expédiée à l’appelante. L’acheteur a été indemnisé par son assureur, la mise en cause, puis il a racheté les débris du véhicule, toujours entreposé chez l’appelante. La mise en cause a réclamé à cette dernière les indemnités versées à son assuré tout en lui rappelant de garder la moissonneuse-batteuse intacte puisqu’il était à prévoir que son propre assureur procède à certaines expertises. De fait, l’expert de l’assureur de l’appelante a conclu que le feu avait pris naissance dans le moteur. Il était cependant incapable d’en déterminer la raison. En 2010, la mise en cause, subrogée dans les droits de son assuré, a intenté un recours contre l’appelante au motif que l’équipement vendu comportait un vice caché. L’appelante a appelé en garantie l’intimée, qui a aussitôt fait valoir que le vice allégué ne lui avait pas été dénoncé conformément à l’article 1739 du Code civil du Québec (C.C.Q.). De plus, la carcasse de la moissonneuse-batteuse ayant été démantelée avant l’appel en garantie, l’intimée prétendait qu’il lui était désormais impossible de déterminer la cause de l’incendie, ce qui justifiait également le rejet de l’appel en garantie. Le juge de première instance a accueilli les moyens d’irrecevabilité invoqués par l’intimée. En appel, l’appelante soutient que la solidarité entre le commerçant, le distributeur et le fabricant fait en sorte que la dénonciation à l’un, par l’acheteur, vaut à l’égard des autres. Elle prétend également que le rejet du recours était prématuré car, selon elle, il revient au juge du fond d’apprécier si la tardiveté de la dénonciation au fabricant lui cause un préjudice réel justifiant le rejet de l’action intentée contre lui.
Décision
M. le juge Dalphond : Sauf en certaines circonstances, notamment en cas d’urgence, de renonciation ou de négation de responsabilité du vendeur au fait du vice, la dénonciation est une condition de mise en oeuvre de la garantie légale contre les vices cachés. L’omission de dénoncer se révèle donc généralement fatale à une demande en justice pour récupérer le coût des travaux de réparation (Immeubles de l’Estuaire phase III inc. c. Syndicat des copropriétaires de l’Estuaire Condo phase III (C.A., 2006-06-06), 2006 QCCA 781, SOQUIJ AZ-50377633, J.E. 2006-1224). Par contre, si le bien est complètement détruit, il ne saurait être question de réparation, ni même de possibilité d’inspection pour tenter de découvrir la cause de sa perte. En pareil cas, la Cour refuse de prononcer l’irrecevabilité du recours, préférant laisser le tout au juge du fond. Par ailleurs, les conséquences de l’omission de dénonciation dans un délai raisonnable doivent correspondre à un préjudice réel pour le vendeur, et non à un simple préjudice de droit, afin de pouvoir justifier l’irrecevabilité du recours intenté par l’acheteur. En l’espèce, l’intimée a forcément été avisée de la perte de la moissonneuse-batteuse étant donné qu’elle a reçu et encaissé un chèque d’un assureur en remboursement d’un prêt consenti pour financer son achat. Seule l’enquête au fond permettra de déterminer l’étendue de sa connaissance du vice. Quant à la mise en demeure, elle a pour but d’enjoindre au vendeur d’accomplir un geste pour exécuter son obligation. Si les vendeurs successifs d’un bien sont des vendeurs professionnels et qu’il y ait vice de qualité, l’article 1730 C.C.Q. s’applique. Cette disposition assimile le vendeur au fabricant et énonce que ce dernier, de même que les intermédiaires, sont désormais tenus à la même responsabilité que le vendeur quant aux vices de qualité. Il y a donc solidarité passive et la demande extrajudiciaire par laquelle un créancier met l’un des débiteurs solidaires en demeure vaut à l’égard des autres (art. 1599 C.C.Q.). Il en va de même en matière de dénonciation. La dénonciation reçue par l’appelante vaut donc pour tous ses codébiteurs solidaires, dont l’intimée. Par ailleurs, même si cette dernière n’était pas débitrice solidaire, le vice pourrait lui être dénoncé tardivement, notamment par voie judiciaire, car elle est présumée connaître le vice en raison de la détérioration prématurée du bien (art. 1729 C.C.Q.). Dans les circonstances, le recours en garantie exercé par l’appelante tient du récursoire et tire sa source non pas de l’article 1739 C.C.Q, mais plutôt des articles 1529, 1536 et 1537, qui sont applicables en cas de solidarité (Audet c. Larochelle (C.A., 1994-03-18), SOQUIJ AZ-94011358, J.E. 94-533, [1994] R.D.I. 177). La procédure visant à forcer la participation de l’intimée au moyen d’un recours en garantie est donc recevable. Enfin, c’est également le juge du fond qui devra déterminer si l’intimée a été privée ou non de la possibilité d’examiner la carcasse de la moissonneuse-batteuse et si ce moyen de défense aurait pu être déterminant quant au sort du recours.

Instance précédente : Juge Robert Castiglio, C.S., Montréal, 500-17-061489-103, 2012-02-14, 2012 QCCS 476, SOQUIJ AZ-50831933.

Réf. ant : (C.S., 2012-02-14), 2012 QCCS 476, SOQUIJ AZ-50831933, 2012EXP-1030; (C.A., 2012-06-04), 2012 QCCA 1188, SOQUIJ AZ-50867828.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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