CONTRAT DE SERVICES: En vertu de l’article 30 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, les agences et les courtiers immobiliers doivent non seulement «vérifier» la capacité de leurs clients, mais également s’en «assurer»; un manquement à cette obligation formelle les prive de leur droit à une rétribution.
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
2014EXP-1541
Intitulé : Capitale Distinction inc. (Via Capitale Distinction) c. Fondation Dyson Moore, 2014 QCCQ 2935
Juridiction : Cour du Québec, Chambre civile (C.Q.), Joliette, 705-22-013490-139
Décision de : Juge Richard Landry
Date : 8 avril 2014
Références : SOQUIJ AZ-51066370, 2014EXP-1541, J.E. 2014-864 (32 pages)
Résumé
CONTRAT DE SERVICES — responsabilité — courtage immobilier — paiement de la commission — empêchement à la réalisation de la vente — courtier immobilier — obligation de vérification — capacité juridique du vendeur — personne morale — interprétation de «s’assurer» (art. 30 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité).
Requête en réclamation d’une somme d’argent (22 067 $). Accueillie en partie (1 667 $).
La défenderesse est une fondation créée en 1992 en vertu de la partie III (art. 216 à 233) de la Loi sur les compagnies qui a pour but de développer, de promouvoir et de financer les activités d’un vaste parc floral, les Jardins Moore. En 2012, le financement étant devenu plus difficile à obtenir, le président ainsi que le vice-président ont signé un contrat de courtage avec la demanderesse, une agence immobilière, afin de trouver un acheteur. Lors de la signature du contrat, une copie des statuts et règlements de la Fondation a été remise au courtier. Le droit de vendre n’était pas prévu dans les statuts, mais rien ne l’interdisait non plus. Pour le courtier, la résolution du conseil d’administration décrétant la mise en vente paraissait suffisante. Le conseil d’administration a accepté une offre d’achat, mais la vente n’a pas eu lieu. En effet, après avoir analysé les statuts de la défenderesse et consulté un spécialiste, le notaire instrumentant a constaté que celle-ci n’avait pas le droit de vendre ses biens et qu’elle était incapable de fournir un titre clair. Il a suggéré au conseil d’administration de modifier ses statuts ou, à défaut, d’obtenir une résolution spéciale adoptée par la majorité de ses membres pour autoriser la vente, mais ses recommandations sont demeurées lettre morte. La demanderesse réclame à sa cliente la rétribution de 20 400 $ à laquelle elle aurait eu droit si la vente avait eu lieu ainsi que le remboursement d’un débours de 1 667 $. Elle prétend qu’elle a rempli son obligation de trouver un acheteur sérieux et que la Fondation a illégalement empêché la conclusion de la vente.
Décision
L’agence n’a pas droit à la rétribution puisqu’elle a manqué à l’obligation prévue à l’article 30 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, entré en vigueur en 2010. Cette disposition accroît les devoirs des courtiers et des agences en matière de capacité juridique, car ils doivent non seulement «vérifier» la capacité de leur client, mais également s’en «assurer». Selon le Petit Larousse illustré, le verbe «s’assurer» s’entend dans le sens commun de «rechercher la confirmation de quelque chose». Dans le dictionnaire des synonymes et des antonymes, il est associé aux verbes «certifier», «attester» et «garantir». Quant à la capacité juridique, elle comprend non seulement l’aptitude à détenir un droit, mais aussi celle de l’exercer. En l’espèce, l’omission de la demanderesse et de ses courtiers de «s’assurer» de la capacité de vendre de la défenderesse l’empêche d’avoir droit à une rétribution. Ils n’ont pas agi avec la prudence, la diligence et la compétence exigées par la législation sur le courtage immobilier. Il y avait beaucoup d’actes à accomplir ou à corriger pour que la Fondation soit juridiquement capable de vendre, et ils ne l’ont pas été légalement et en temps opportun, d’où l’échec de la vente. On ne peut s’attendre à ce qu’un courtier immobilier possède d’emblée toutes les connaissances juridiques nécessaires pour s’assurer en toutes circonstances que son client possède la capacité juridique pour conclure une vente. Par contre, il doit en avoir suffisamment afin de pouvoir détecter les cas susceptibles de poser problème et de consulter les personnes compétentes pour le conseiller ou l’assister dans l’accomplissement de sa mission ou conseiller son client de le faire. Les articles 73, 80 et 84 du règlement lui en font même un devoir. Enfin, la demanderesse et ses courtiers étant parties prenantes à la transaction envisagée en vertu du contrat de courtage, ils ne peuvent invoquer la théorie de la régie interne («indoor management») pour prétendre ne pas être avoir eu connaissance de l’irrégularité des gestes accomplis par les administrateurs. La requête est donc rejetée, sauf quant au débours de 1 667 $, que la défenderesse s’est engagée à rembourser.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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