PRESCRIPTION EXTINCTIVE : La réclamation de l’appelante, qui prétendait avoir été dans l’impossibilité d’intenter un recours pendant 40 ans après avoir été agressée sexuellement, est prescrite.
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
2014EXP-1507
Intitulé : F.B. c. Therrien (Succession de), 2014 QCCA 854
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Québec, 200-09-007653-121
Décision de : Juges Benoît Morin, Lorne Giroux et Dominique Bélanger
Date : 29 avril 2014
Références : SOQUIJ AZ-51068725, 2014EXP-1507, J.E. 2014-848 (27 pages)
La Cour supérieure n’a pas commis d’erreur en rejetant la réclamation de l’appelante, qui prétendait avoir été dans l’impossibilité d’intenter un recours pendant 40 ans après avoir été agressée sexuellement en 1965.
Résumé
PRESCRIPTION EXTINCTIVE — suspension — impossibilité d’agir — victime d’agression sexuelle — point de départ du calcul du délai — question mixte de fait et de droit — appréciation de la preuve — erreur manifeste et déterminante — déférence — crédibilité des témoins — témoins experts — effet de la Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, la Loi visant à favoriser le civisme et certaines dispositions du Code civil relatives à la prescription — distinction entre situation juridique en cours et instance en cours.
PROCÉDURE CIVILE — dépens — dérogation à la règle générale — victime d’agression sexuelle — prescription extinctive — sympathie à l’égard de la partie ayant succombé.
Appels d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté un recours en dommages-intérêts. Rejetés.
Soutenant avoir été violée par un prêtre en 1965, soit alors qu’elle était âgée de 17 ans, puis avoir par la suite entretenu une relation amoureuse avec lui, l’appelante a poursuivi ce dernier en dommages-intérêts, de même que l’Archevêque catholique romain de Québec. Le juge de première instance, privilégiant à cet égard l’opinion de l’expert des intimés, a décidé que l’incapacité d’agir de l’appelante avait cessé en 1996 et que, par conséquent, son recours était prescrit depuis 1999. L’appelante soutient notamment qu’il a appliqué de manière trop stricte la notion d’«impossibilité d’agir». Les intimés forment un appel incident, soutenant que le refus du juge de leur accorder les dépens était fondé sur de la sympathie éprouvée à l’égard de l’appelante.
Décision
M. le juge Morin : La notion d’«impossibilité d’agir» est une question mixte de fait et de droit. Or, d’une part, dans l’appréciation des faits effectuée par le juge, l’appelante ne démontre aucune erreur manifeste et déterminante, tentant plutôt de refaire une partie du procès en remettant de l’avant des arguments défendus sans succès en première instance. À cet égard, la Cour d’appel doit faire preuve de déférence à l’égard de l’appréciation de la crédibilité des témoins, que les témoins en cause soient des témoins ordinaires ou experts. D’autre part, à la lumière de la jurisprudence, rien n’indique que le juge a commis une erreur de droit en appliquant de façon trop stricte la notion d’impossibilité d’agir, dont la preuve incombe à celui qui l’invoque. En somme, le juge a correctement apprécié la preuve administrée et a correctement évalué la prescription triennale applicable au litige dont il était saisi. Les dispositions relatives à la prescription se trouvant à la Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, la Loi visant à favoriser le civisme et certaines dispositions du Code civil relatives à la prescription, entrées en vigueur le 23 mai 2013, ne permettent pas d’infirmer le jugement de première instance, celles-ci n’ayant pas d’effet sur les situations où la prescription triennale était déjà acquise à cette date. À cet égard, une distinction doit être établie entre les notions de «situation juridique en cours» et d’«instance judiciaire en cours». Quant à l’appel incident, il doit être rejeté, la décision du juge paraissant plus fondée sur le fait que l’appelante possédait un droit clair à la réparation du dommage, avant que celui-ci ne s’éteigne, que sur la sympathie qu’il aurait pu avoir à son égard.
Instance précédente : Juge Édouard Martin, C.S., Québec, 200-17-009640-087, 2012-01-25, 2012 QCCS 175, SOQUIJ AZ-50824383.
Réf. ant : (C.S., 2012-01-25), 2012 QCCS 175, SOQUIJ AZ-50824383, 2012EXP-817, J.E. 2012-456, [2012] R.J.Q. 403.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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