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Magdalena Sokol
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12 Août 2014

Monsieur désirait ne pas avoir de contact avec ses enfants, mais a changé d’idée sept ans plus tard

Par Magdalena Sokol, LaSalle Sokol

Par Magdalena Sokol
LaSalle Sokol, avocats

Malgré que Monsieur était en état de choc au moment du divorce et qu’il a amélioré sa situation psychologique par la suite, le Tribunal, dans Droit de la famille-141800, 2014 QCCS 3553, ne retient pas cet argument comme étant un changement significatif justifiant son intervention pour modifier une ordonnance de garde.

 

Contexte
Les parties sont les parents des enfants X (13 ans) et Y (11 ½ ans).  Elles se sont divorcées en 2006 alors que les enfants étaient âgés de 5 ans et 3 ½ ans.  Dûment représentées par avocats, les parties ont réglé les conséquences de leur divorce en signant un consentement à jugement dans lequel il a notamment été convenu ce qui suit : (1) la garde des enfants est confiée à Madame, (2) suivant son désir, Monsieur n’exercera pas de droits d’accès auprès des enfants et (3) étant prestataire de l’assistance-emploi, il ne paiera pas de pension alimentaire au bénéfice des enfants.  En 2008, alors que les enfants étaient âgés de 7 ans et 5 ou 6 ans, Madame a fait vie commune avec un nouveau conjoint et ils se sont mariés en 2010.  De fait, Monsieur n’a eu aucun contact avec ses enfants de 2006 à 2013.  Puis, en avril 2013, il a entrepris des procédures judiciaires requérant des droits d’accès auprès de ses enfants.  Selon lui, au moment du divorce, il a profondément été affecté par les procédures judiciaires, de sorte qu’il était en état de choc.  Aujourd’hui, il se dit être en bonne santé depuis les cinq ou six dernières années et souhaite voir ses enfants.  Monsieur reconnaît n’avoir pas cherché à communiquer avec ses enfants avant l’année 2013.  Depuis l’institution de ses procédures judiciaires, il prétend ne pas avoir eu le temps d’obtenir de l’information sur ses enfants puisqu’il est aux études.  Madame s’oppose auxdits droits d’accès requis par Monsieur.  Selon elle, elle avait offert à Monsieur de maintenir une relation « amicale », mais il a choisi de ne pas voir les enfants.  Quoique les enfants ont aujourd’hui une vie familiale stable, Madame s’en remet à leur décision de ne pas voir leur père : « [elle] affirme s’être assurée auprès de X et Y qu’ils se sentent libres de décider en toute liberté ».  Enfin, les enfants sont représentés par avocat et leur mandat est clair : ils ne souhaitent pas avoir de contact avec leur père.

Analyse
Le Tribunal rappelle qu’en vertu de la Loi sur le divorce (art. 17 (5)), un changement significatif doit survenir dans la situation depuis le dernier jugement (en 2006) afin qu’une ordonnance de garde puisse être modifiée :

« [11]   Pour qu’un tribunal puisse envisager la modification d’une ordonnance de garde, la Loi sur le divorce requiert qu’il s’assure d’abord qu’un changement est survenu dans les ressources, les besoins ou, d’une façon générale, dans la situation de l’enfant depuis le jugement antérieur. Il doit s’agir d’un changement significatif, qui touche l’enfant de façon importante et qui ne doit pas avoir été prévu à l’époque du jugement ni avoir pu être prévu raisonnablement. »

Dans l’éventualité où un changement significatif est établi, le Tribunal doit alors considérer l’intérêt de l’enfant pour disposer de la demande en modification de garde.

En l’espèce, le fait que Monsieur, au moment du divorce en 2006, aurait été en état de choc, mais aurait depuis amélioré sa situation psychologique, n’est pas un changement significatif justifiant l’intervention du Tribunal afin que des droits d’accès lui soient fixés.  De l’avis du Tribunal, il a plutôt fait passer son intérêt personnel avant celui des enfants :

« [29]  La décision du Père au moment du divorce de ne pas demander et exercer de droits d’accès n’est pas prise dans l’intérêt de X et Y. Par la suite, il ne tente pas de maintenir ou de rétablir les contacts avec eux. Les explications au sujet de sa santé émotive pendant les deux années qui suivent ne justifient pas qu’il coupe tout lien avec ses enfants. En outre, elles n’expliquent pas les cinq années de silence ultérieures, durant lesquelles il ne tente pas de communiquer avec X et Y. Il est surtout apparent du témoignage du Père qu’il se désintéresse de ses enfants.

[30]  Il ne suffit pas pour le Père de déclarer aujourd’hui, maintenant que les enfants sont plus âgés, qu’il veut désormais leur offrir l’amour d’un père, pour qu’il en résulte un changement justifiant de considérer l’octroi de droits d’accès. Le Père ne démontre pas que X et Y ont aujourd’hui un besoin plus grand de contacts avec leur père qu’en 2006 et durant les sept années suivantes (ou que leurs besoins à cet égard étaient moindres à l’époque). Il ne démontre pas non plus qu’il peut leur offrir plus que ce qu’il pouvait leur offrir à l’époque et depuis.

[31]  Le Père ne convainc pas qu’il entend désormais s’investir plus auprès de X et Y et accorder une priorité à leurs besoins. Certains faits tendent plutôt à démontrer le contraire. Depuis 2013, il n’a pas eu le temps de prendre des nouvelles de ses enfants, en raison de ses études, dit-il. Lorsque la demande lui est faite de permettre à la Mère de voyager seule avec les enfants, il n’y consent pas, sous prétexte d’attendre de connaître le sort de son recours.

[32]  Bref, le témoignage du Père convainc plutôt le Tribunal que c’est essentiellement pour des motifs qui lui sont propres qu’il fait la démarche actuelle pour obtenir des droits d’accès et non parce qu’il souhaite réellement apporter une contribution au bien-être de X et Y. Il ne paraît pas sincère à cet égard. »

Par contre, le Tribunal rappelle que Madame ne doit pas faire obstacle (quoique la preuve ne démontre pas qu’elle le fasse) au désir des enfants d’avoir une relation avec leur père :

« [39]  Cela dit, la Mère ne doit pas faire obstacle au souhait que pourraient exprimer X et Y, actuellement ou en vieillissant, d’avoir des contacts ou des communications avec leur père ou des communications de sa part. Le Tribunal invite la Mère à encourager X et Y à s’ouvrir à de tels contacts ou communications, par écrit, par téléphone, en personne ou autrement. »

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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