Ordonnance de sauvegarde et exception d’inexécution
Par Pierre-Luc Beauchesne, Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L.
Par Pierre-Luc Beauchesne
Gowling Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l., s.r.l.
Dans Immeubles Carrefour St-Jérôme Inc. c. 9264-5959 Québec Inc. (2014 QCCS 5451), la Cour prononce une ordonnance de sauvegarde afin que le locataire dépose la moitié des arrérages de loyers et la moitié du prochain loyer à échoir dans le compte en fidéicommis des procureurs du locateur. La Cour soulève notamment que le moyen de défense du locataire basé sur le non-respect de la clause d’exclusivité paraît sérieux, mais que le locataire ne peut se faire justice à lui-même en retenant son loyer.
Contexte
La défenderesse 9264-5959 Québec Inc. (ci-après le « Locataire ») a loué de la demanderesse Immeubles Carrefour St-Jérôme Inc. (ci-après le « Locateur ») deux locaux commerciaux qu’elle occupe depuis juin 2014.
Le Locataire n’a pas payé son loyer depuis le 1er septembre 2014. Le locateur a intenté des procédures afin de réclamer les loyers dus et de résilier les baux. Le Locateur demande également par demande de sauvegarde que le Locataire dépose les arrérages de loyer et les loyers à venir au dossier de la Cour, que le Locateur soit autorisé à retirer ces montants et qu’en cas de défaut, le Locataire doive quitter les lieux.
Le Locataire plaide que le Locateur n’a pas respecté les clauses d’exclusivité prévues au baux, ce qui lui cause des pertes importantes. Il soulève l’exception d’inexécution et a l’intention de présenter une demande reconventionnelle.
Analyse
La Cour rappelle tout d’abord qu’elle a une large discrétion en matière d’ordonnance de sauvegarde afin de rétablir un certain équilibre et de maintenir l’intérêt des parties à résoudre rapidement le litige.
Le Tribunal est d’avis que le moyen de défense du Locataire basé sur le non-respect de la clause d’exclusivité paraît sérieux, mais que le Locataire ne peut se faire justice à lui-même en retenant le loyer. Le Tribunal est donc d’avis que le Locateur a un droit sérieux à faire valoir.
Quant au préjudice irréparable, la Cour soulève que le fait qu’il y a cinq cautions ou une hypothèque ne vient pas minimiser l’importance du préjudice :
« [7] Le préjudice irréparable de la demanderesse découle de l’accumulation du loyer. Le montant qui serait dû aujourd’hui est de 90 000 $, mais dans un an ce montant sera rendu à 450 000 $. Il n’est pas suffisant de dire qu’il y a cinq cautions ou une hypothèque. L’absence de revenu pendant le litige et le risque de ne pas se faire payer à la fin du litige résultent en un préjudice sérieux à la demanderesse qui pourrait s’avérer irréparable. Ces mêmes arguments expliquent l’urgence.
[8] La balance des inconvénients penche en faveur de faire quelque chose. Si le Tribunal ne fait rien, la demanderesse risque de subir un préjudice irréparable. Si le Tribunal rend l’ordonnance demandée par la demanderesse, c’est-à-dire le paiement du plein montant du loyer, la défenderesse risque de faire défaut, parce que ses revenus ne sont pas ce qui était prévu, et de se faire expulser. Il faut trouver une solution entre les deux positions. »
Usant de sa large discrétion, le Tribunal, ordonne au Locataire de transférer dans le compte en fidéicommis des procureurs du Locateur la somme de 45 000 $, représentant la moitié des arrérages de loyer, et de verser la moitié du prochain loyer à échoir. Le Tribunal ajoute que sa décision ne doit pas être interprétée comme une réduction du loyer, mais plutôt comme une mesure de sauvegarde afin de conserver un certain équilibre entre les parties pendant le litige :
« [9] En conséquence, dans l’exercice de sa large discrétion, le Tribunal ordonne à la défenderesse de verser la somme de 45 000 $, qui correspond à la moitié des arrérages pour septembre, octobre et novembre, dans le compte en fidéicommis de l’avocat de la demanderesse, et de verser 15 000 $, représentant la moitié du loyer de décembre, dans son compte le 1er décembre 2014. Ceci ne doit pas être interprété comme une réduction du loyer, question qui sera tranchée par le juge saisi du fond du dossier, mais plutôt comme une mesure de sauvegarde pour maintenir un certain équilibre entre les parties pendant le litige. »
Le Tribunal limite également la durée de l’ordonnance à 30 jours afin de permettre au Locataire de déposer sa défense et demande reconventionnelle et remet ainsi la présentation de la requête au 5 décembre 2014.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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