FAILLITE ET INSOLVABILITÉ: La clause de l’ordonnance initiale qui porte sur le pouvoir de révision du tribunal («come back clause») sert principalement à corriger des situations survenues après que l’ordonnance eut été rendue, et non à déposer, deux ans plus tard, un appel déguisé à l’encontre de celle-ci, ce que tente manifestement de faire la requérante en l’espèce.
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
2015EXP-2207
Intitulé : Montréal, Maine & Atlantique Canada Cie (Arrangement relatif à), 2015 QCCS 3236
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Saint-François (Sherbrooke), 450-11-000167-134
Décision de : Juge Gaétan Dumas
Date : 13 juillet 2015
Références : SOQUIJ AZ-51194565, 2015EXP-2207, J.E. 2015-1231 (40 pages)
Résumé
FAILLITE ET INSOLVABILITÉ — arrangements avec les créanciers — moyen déclinatoire — compétence — Cour supérieure — compétence inhérente — approche hiérarchisée — interprétation de «compagnie de chemin de fer» — compétence fédérale — Cour fédérale — ordonnance initiale — pouvoir de révision — clause de retour («come back clause») — appel déguisé — chose jugée — fin de non-recevoir — intention du législateur — déréglementation de l’industrie ferroviaire.
Requête en exception déclinatoire et en révision de l’ordonnance initiale. Rejetée.
La Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique soutient que la Cour supérieure n’avait pas compétence pour rendre l’ordonnance initiale, en août 2013, et qu’elle n’a pas compétence, à l’heure actuelle, pour approuver le plan d’arrangement intervenu entre la débitrice et ses créanciers. En effet, selon elle, il est expressément établi à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies qu’elle ne s’applique pas aux compagnies de chemin de fer, lesquelles relèveraient plutôt de la Cour fédérale. À cet égard, la requérante reproche notamment au juge ayant accordé à la débitrice la protection de la loi d’avoir bonifié sa décision initiale par des motifs additionnels et d’avoir fait en sorte que sa compétence inhérente prime les termes de la loi, contrairement à l’approche hiérarchisée préconisée par la Cour suprême.
Décision
La démarche entreprise par la requérante constitue une tentative peu subtile de faire avorter un plan d’arrangement prévoyant des indemnités de 430 millions de dollars pour les victimes de la tragédie ferroviaire survenue à Lac-Mégantic.
D’une part, et de manière générale, la requérante a activement participé au dossier depuis le début et les arguments qu’elle propose ont tous été traités par le juge autorisateur, dont la décision bénéficie maintenant de l’autorité de la chose jugée. À cet égard, et à la lumière des précédents rendus relativement à l’article 187 (5) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, la clause de l’ordonnance initiale qui porte sur le pouvoir de révision du tribunal («come back clause») sert à corriger des situations survenues après sa délivrance et non à déposer, deux ans plus tard, un appel déguisé à l’encontre de celle-ci, ce que tente manifestement de faire la requérante en l’espèce. De plus, la question des quittances en faveur de tiers a été abordée à de nombreuses reprises au cours du processus et la conduite de la requérante à cet égard justifie qu’une fin de non-recevoir lui soit opposée aujourd’hui. Il faut également ajouter que la clause de retour ne doit pas donner ouverture à une modification rétroactive ayant un effet préjudiciable sur des tiers de bonne foi (White Birch Paper Holding Company (Arrangement relatif à), (C.S., 2012-04-20), 2012 QCCS 1679, SOQUIJ AZ-50850416, 2012EXP-1832, 2012EXPT-1006, J.E. 2012-969, D.T.E. 2012T-346, [2012] R.J.Q. 1063).
D’autre part, de façon plus précise, la présente requête est sans objet puisque la débitrice n’est plus une compagnie de chemin fer. Ainsi, tout renvoi du dossier à la Cour fédérale pour ce motif n’aurait d’autre utilité que de compliquer la procédure. Ensuite, le fait que le juge autorisateur ait rendu une décision sommaire, qu’il a plus tard enrichie de motifs additionnels, n’est d’aucune conséquence, constituant même une pratique répandue dans le domaine de l’insolvabilité. Enfin, quant à sa décision de recourir à la compétence inhérente de la Cour supérieure pour trancher la question de l’applicabilité de la loi à la débitrice, il aurait vraisemblablement pu arriver au même résultat au moyen de l’approche hiérarchisée, en restreignant la notion de «compagnie de chemin de fer» aux seules compagnies constituées en vertu d’une loi spéciale et ayant pour unique objet d’exploiter un chemin de fer (ce qui n’est pas le cas de la débitrice en l’espèce), tenant ainsi compte de l’historique législatif, et plus particulièrement de la volonté du législateur de déréglementer l’industrie ferroviaire.
Instance précédente : Juge Martin Castonguay, C.S., Saint-François (Sherbrooke), 450-11-000167-134, 2013-08-08.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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