Levée de la suspension des procédures à l’égard d’un débiteur solidaire
Par Pierre-Luc Beauchesne
Gowling
Lafleur Henderson s.e.n.c.r.l.,
s.r.l.
L’article
69.4 de la Loi sur la faillite et
l’insolvabilité permet à un créancier de demander la levée de la suspension
des procédures à l’égard de son débiteur. Le tribunal peut autoriser la levée,
avec les réserves qu’il estime indiquées, s’il est convaincu que la suspension
causera vraisemblablement au créancier un préjudice sérieux ou encore qu’il
serait, pour d’autres motifs, équitable de rendre pareille décision. Dans Lacerte c. Mayer, 2015 QCCA 1295, la Cour d’appel a infirmé la décision de
première instance et a accueilli la requête d’un créancier pour être autorisé à
continuer les procédures. La Cour a conclu que la suspension des procédures
causerait un préjudice sérieux par le maintien d’une situation inéquitable
entre des débiteurs solidaires, même si ces derniers ont été complices de déclarations
frauduleuses auprès d’autorités gouvernementales.
Contexte
L’appelant
et l’intimée ont déposé de concert des déclarations frauduleuses auprès du
Ministère de l’Emploi et de la Sécurité sociale. Le Ministère a par la suite
réclamé solidairement à l’appelant et l’intimée la somme de
43 513,74 $ que l’appelant a payée. Le 25 janvier 2013, l’appelant a
déposé en Cour du Québec une requête introductive d’instance réclamant à
l’intimée la somme de 21 756,87 $, soit la moitié de la somme payée au
Ministère. L’intimée ayant fait cession de ses biens le 2 novembre 2009, le
syndic a déposé au dossier un avis de surseoir le 4 février 2013.
Le juge de
première instance a rejeté la requête en levée de la suspension des procédures
de l’appelant étant d’avis que le tribunal ne pouvait devenir complice de la
supercherie des parties qui ont fait des représentations fausses et
frauduleuses pour obtenir les bénéfices de prestations.
Analyse
que la levée de la suspension des procédures doit être ordonnée, car le recours
de l’appelant vise uniquement à partager équitablement entre les complices le
fardeau de la réparation :
« [5] Avec les plus grands égards, la juge a confondu la nature des
rapports entre les parties (fausses déclarations concertées) avec leurs
obligations solidaires envers le Ministère (remboursement des sommes fraudées).
En l’espèce, la réclamation de
l’appelant contre l’intimée ne cherche pas à perpétuer une fraude ou à obtenir
le secours des tribunaux pour en favoriser l’exécution. Au contraire, le
recours de l’appelant s’inscrit dans le prolongement d’un processus légitime
d’indemnisation de la victime pour les préjudices causés en raison de la fraude
des parties et vise uniquement à partager équitablement entre les complices le
fardeau de la réparation.
[6] En vertu de la
loi, l’appelant et l’intimée sont tenus solidairement au paiement des sommes
correspondant aux prestations qui leur ont été indûment versées[4]. L’appelant
a payé en totalité le Ministère incluant la part de l’intimée. Partant, il a
été légalement subrogé dans les droits de ce créancier (art. 1656, al. 3º
C.c.Q.). Il peut, en raison de son exécution complète de l’obligation des
parties, répéter contre l’intimée jusqu’à concurrence de sa part dans la
créance du Ministère (art. 1536 C.c.Q.).
[7] En dépit de sa faillite et de sa libération, l’intimée n’était pas à
l’abri d’une éventuelle demande de dédommagement de la part du Ministère pour
les prestations frauduleusement perçues par elle. Elle ne l’est pas davantage maintenant que
l’appelant a été légalement subrogé dans les droits de ce créancier.
[8] Cela dit, la suspension des procédures en Cour du Québec
occasionnerait vraisemblablement un préjudice sérieux par le maintien d’une
situation inéquitable entre des débiteurs solidaires du fait que seul
l’appelant serait appelé à réparer un tort que la juge a pourtant estimé avoir
été causé par les deux parties. »
Le texte
intégral de la décision de la Cour d’appel est disponible ici.
Le
texte intégral de la décision de la Cour supérieure est disponible ici.
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