par
Audrey-Anne Guay
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31 Août 2015

L’interprétation contractuelle : une histoire de contexte

Par Audrey-Anne Guay

Par Audrey-Anne Guay

Dans l’affaire Gilbert c. Bolduc, 2015 QCCS 3725, le Tribunal élabore en matière d’interprétation des contrats lorsqu’il doit analyser une Convention établie entre les parties. L’Honorable Simon Ruel reprend les grandes lignes guidant l’interprétation contractuelle dans cette requête en jugement déclaratoire et en homologation d’une Convention.

Le contexte
Les parties possèdent des lots sur le territoire de la Ville de Thetford Mines qui sont desservis par un réseau d’aqueduc privé. Une Convention conclue entre toutes les parties établie les règles à respecter en ce qui a trait à cette conduite. 

La Demanderesse veut éventuellement raccorder un de ses terrains vacants à la conduite d’égouts municipale. Pour ce faire, la conduite d’égouts devra passer sous la ligne de la conduite d’aqueduc situé sur le terrain de la Demanderesse.

Le Défendeur s’y oppose et s’appuie sur l’article 8 de la convention. Cet article 8 se lit comme suit : 

« [8] […]
8. Chacune des parties aux présentes s’engage donc à n’effectuer aucune construction, ouvrage ou plantation permanente sur une lisière de dix (10) pieds (soit 5 pieds de chaque côté du tuyau d’aqueduc) où est situé le tuyau circulant sur son immeuble et approvisionnant sa résidence et/ou la résidence d’autres parties à la présente convention, le cas échéant, à l’exception d’un tuyau de réseau privé d’aqueduc qui pourrait en longer ou en traverser un autre; »

 
La Demanderesse prétend que l’objectif visé par les parties lors de l’adoption de l’article 8 de la Convention était d’empêcher les constructions et ouvrages qui étaient susceptibles d’entraver la réparation et l’entretien de la conduite d’aqueduc privé. Le raccordement qu’elle souhaite faire consiste en une opération temporaire qui ne nuirait pas du tout à l’entretien ou la réparation future du réseau privé.

L’analyse
Le Tribunal doit se positionner sur l’intention des parties. Pour ce faire, il rappelle les règles d’interprétation contractuelle en spécifiant qu’il doit regarder ce contrat dans son ensemble.

« [14]  Comme en matière d’interprétation des lois, l’interprétation des contrats est contextuelle.

[15] Au-delà du texte précis d’une disposition contractuelle, le Tribunal doit s’attarder à l’intention commune des parties. Dans cet esprit, le Tribunal doit tenir compte de la nature du contrat et des circonstances dans lesquelles il a été conclu.

[16] Également, en interprétant une disposition contractuelle, il faut considérer l’ensemble du contrat, puisque ses clauses s’interprètent nécessairement les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune un sens qui s’harmonise avec l’ensemble.

[17] Or, selon le Tribunal, il est manifeste, à la lecture de l’ensemble des dispositions de la Convention, que l’article 8 vise les constructions et ouvrages entravant ou empêchant de manière permanente l’entretien, la réparation ou le renouvellement des tuyaux du réseau d’aqueduc, par exemple, l’installation de structures ou l’érection d’obstacles.

[18] En effet, le huitième ATTENDU de la Convention précise que l’objet principal de la Convention est de préciser les droits des propriétaires de terrains qui sont approvisionnés par le réseau d’aqueduc privé «en regard des frais d’entretien, de réparation et de renouvellement des tuyaux du réseau d’aqueduc».

[19] L’article 4 de la Convention prévoit que les frais relatifs à l’entretien, à la réparation et au renouvellement des tuyaux de la portion commune du réseau d’aqueduc seront partagés à parts égales entre les parties.

[20] Selon l’article 5 de la Convention, l’entretien, la réparation et le renouvellement des tuyaux qui partent de la portion commune du réseau d’aqueduc jusqu’aux lots approvisionnés seront partagés entre les parties bénéficiant de ce tronçon d’approvisionnement.

[21] L’article 6 de la Convention prévoit que chacune des parties reconnaît aux autres le droit d’effectuer des travaux sur son immeuble en vue d’entretenir, de réparer ou de renouveler les tuyaux de l’aqueduc privé. L’article 7 indique que les frais de remise en état du terrain, le cas échéant, seront établis selon les modalités prévues aux articles 4 et 5 de la Convention.

[22] Comme indiqué, l’article 8 prévoit que chacune des parties «s’engage donc à n’effectuer aucune construction, ouvrage ou plantation permanente» sur une lisière de cinq pieds de chaque côté du tuyau d’aqueduc privé circulant sur son immeuble.

[23] Il est donc manifeste, à la lecture même des dispositions de la Convention, dans leur globalité, que les «construction[s], ouvrage[s] ou plantation[s]» mentionnées à l’article 8 visent les constructions, ouvrages ou plantations permanents qui entravent ou empêchent l’entretien, la réparation ou le renouvellement des tuyaux de l’aqueduc privé.

[24] De l’avis du Tribunal, le raccordement de la conduite d’égouts sur le lot numéro 4 385 592 appartenant à Mme Gilbert, qui doit être fait en passant sous la ligne d’aqueduc privé qui circule sur ce lot, constitue une réalisation temporaire qui, dans la mesure où elle est correctement effectuée, devrait n’avoir aucun impact sur la possibilité future d’entretien, de réparation ou de renouvellement des tuyaux de l’aqueduc privé. » [Références omises]

La Cour supérieure accueille donc la requête de la Demanderesse et déclare que les installations du réseau d’égouts ne sont pas des constructions ou ouvrages visés par l’article 8 de la Convention.

Le texte intégral de la décision se retrouve ici.

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