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SOQUIJ
Intelligence juridique
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26 Fév 2016

ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) : Au stade du dépôt de la requête introductive d’instance, le demandeur n’est pas tenu de détenir une preuve d’experts mais, pour avoir gain de cause, il devra en déposer une, ce qui est d’ailleurs l’intention de ses avocats; en conséquence, il n’y a pas lieu de rejeter le recours collectif pour ce motif.

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

2016EXP-614
Intitulé : Lepage c. Société de l’assurance automobile du Québec, 2016 QCCS 131
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Québec, 200-06-000172-141
Décision de : Juge Alain Bolduc
Date : 20 janvier 2016
Références : SOQUIJ AZ-51246956, 2016EXP-614, J.E. 2016-336 (15 pages)

Résumé
 
ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) — procédure — moyens préliminaires — rejet de procédures — requête introductive d’instance — recours manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire — abus de procédure — Société de l’assurance automobile du Québec — demande d’un nouveau permis — conduite avec facultés affaiblies — système d’évaluation — recommandation défavorable — recours en dommages-intérêts — preuve d’expert — sphère politique ou opérationnelle — immunité relative — suffisance des allégations — atteinte aux droits fondamentaux — véhicule procédural — Tribunal administratif du Québec — épuisement des recours — stabilité des jugements — absence de chose jugée.
 
DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — divers — applicabilité de l’article 11 d) de la Charte canadienne des droits et libertés — applicabilité de l’article 33 de la Charte des droits et libertés de la personne — Société de l’assurance automobile du Québec — demande d’un nouveau permis — conduite avec facultés affaiblies — système d’évaluation — procédure de nature administrative — absence de conséquence pénale — recours collectif — rejet de procédures — ordonnance — production d’une requête introductive d’instance amendée.
 
ADMINISTRATIF (DROIT) — actes de l’Administration — licence et permis — permis de conduire — révocation — conduite avec facultés affaiblies — demande d’un nouveau permis — système d’évaluation — recommandation défavorable — recours en dommages-intérêts — Société de l’assurance automobile du Québec — recours collectif — véhicule procédural — rejet de procédures — épuisement des recours — Tribunal administratif du Québec.
 
PROCÉDURE CIVILE — rejet de procédures — requête introductive d’instance — recours en dommages-intérêts — recours collectif — recours manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire — abus de procédure — Société de l’assurance automobile du Québec — demande d’un nouveau permis — conduite avec facultés affaiblies — système d’évaluation — recommandation défavorable — preuve d’expert — sphère politique ou opérationnelle — immunité relative — suffisance des allégations — atteinte aux droits fondamentaux — véhicule procédural — Tribunal administratif du Québec — épuisement des recours — stabilité des jugements — absence de chose jugée.
 
Requête en rejet d’un recours collectif (art. 54.1 et ss. du Code de procédure civile (C.P.C)). Accueillie en partie.
Le demandeur a été autorisé à exercer un recours collectif au nom de toutes les personnes dont le permis de conduire a été révoqué ou dont le droit d’en obtenir un a été suspendu par la défenderesse, la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), à la suite d’une arrestation pour l’une des infractions au Code criminel visées par l’article 180 du Code de la sécurité routière relative à la conduite d’un véhicule routier avec les capacités affaiblies et à qui la SAAQ a refusé de délivrer un permis de conduire (depuis le 27 janvier 2011 jusqu’à la date du jugement à intervenir) après une évaluation dont la recommandation était non favorable. Les défendeurs, la SAAQ, l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (ACRDQ), les centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux et les centres intégrés de santé et de services sociaux, présentent une requête en rejet de ce recours en vertu des articles 54.1 et ss. C.P.C. Ils soutiennent que la requête introductive d’instance du demandeur est manifestement mal fondée, qu’elle est frivole et que ce dernier utilise la procédure de manière excessive ou déraisonnable.
 
Décision

Tout d’abord, la requête introductive d’instance du demandeur contient des allégations quant aux fautes reprochées aux défendeurs. Celui-ci invoque des faits indiquant que la SAAQ a commis des fautes en refusant de délivrer de nouveaux permis de conduire aux membres du groupe sur la base des recommandations non favorables formulées par les évaluateurs des centres de réadaptation en dépendance (CRD), en concevant le système d’évaluation et en omettant de respecter les dispositions de la Loi sur la justice administrative. En ce qui concerne l’ACRDQ et les CRD, il invoque des faits indiquant qu’ils ont commis des fautes en appliquant le système d’évaluation de la SAAQ. Ensuite, en matière de responsabilité civile extracontractuelle, il est reconnu qu’un organisme public ne peut être tenu responsable d’un acte fautif qui relève d’une décision politique s’il n’a pas agi de manière irrationnelle ou de mauvaise foi. À l’opposé, il peut être tenu responsable d’un tel acte dans les mêmes circonstances si la décision entre dans la sphère opérationnelle, soit au stade de l’exécution de la décision politique. Étant donné qu’il n’est pas évident que la faute reprochée à la SAAQ touche la sphère politique ou opérationnelle de sa décision, cette question devra être tranchée au fond. D’autre part, à ce stade, il n’est pas nécessaire que le demandeur détienne les expertises supportant ses allégations portant sur la contestation du système d’évaluation de la SAAQ et de son application. Toutefois, pour avoir gain de cause, il devra déposer une telle preuve, ce qui est d’ailleurs l’intention de ses avocats. Par ailleurs, les moyens invoqués par les défendeurs selon lesquels la requête du demandeur ne contient pas d’allégation démontrant que l’un des droits des membres du groupe protégés par l’article 4 de la Charte des droits et libertés de la personne a été violé et que ces derniers ont fait l’objet de discrimination suivant l’article 10 de la charte et en vertu de l’article 15 (1) de la Charte canadienne des droits et libertés sont rejetés. Par contre, la procédure prévue au Code de la sécurité routière pour évaluer si le comportement d’un conducteur représente un risque par rapport à l’alcool ou aux drogues est de nature administrative; celle-ci ne crée aucune infraction publique comportant des sanctions punitives. En conséquence, il y a lieu de conclure que les moyens invoqués par le demandeur sont abusifs puisque les conducteurs qui doivent subir une évaluation ne sont pas des inculpés suivant l’article 11 d) de la charte canadienne ni des accusés au sens de l’article 33 de la charte québécoise. Dans ces circonstances, il est ordonné au demandeur de signifier et de produire une requête introductive d’instance amendée dans laquelle il aura supprimé toutes les allégations portant sur la violation de ces dispositions.

Enfin, les membres du groupe ne doivent pas épuiser leurs recours devant le Tribunal administratif du Québec (TAQ) pour faire valoir que les dispositions de la Loi sur la justice administrative et celles des chartes n’ont pas été respectées avant de pouvoir réclamer une indemnisation devant la Cour supérieure, dans le contexte d’un recours collectif, au motif que les mêmes dispositions ont été violées. En effet, le TAQ n’a pas une compétence exclusive à l’égard de l’application et de l’interprétation des dispositions de cette loi et des chartes. En outre, suivant le principe de l’accès à la justice, le demandeur qui cherche uniquement à se faire indemniser au regard des pertes qu’il aurait subies en raison d’une décision de l’Administration a le droit d’intenter un recours en dommages-intérêts contre elle devant la Cour supérieure (Canada (Procureur général) c. TeleZone Inc. (C.S. Can., 2010-12-23), 2010 CSC 62, SOQUIJ AZ-50703926, 2011EXP-42, J.E. 2011-18, [2010] 3 R.C.S. 585). Quant au principe de la stabilité des jugements, l’autorité de la chose jugée énoncée à l’article 2848 du Code civil du Québec ne s’applique pas en l’espèce, car il n’y a pas identité de cause et d’objet.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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