par
Alessandra Ionata
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07 Sep 2016

Action collective : interrogatoire d’un représentant d’un groupe, en vertu de l’article 574 du Code de procédure civile

Par Alessandra Ionata

par Alessandra Ionata

Avocate

Dans la décision Michaud c. Sanofi-Aventis
Canada inc.
, 2016 QCCS 3977, la Cour supérieure se prononce sur deux (2)
demandes formulées par Sanofi-Aventis Canada Inc. (ci-après, « Sanofi ») et Meditative Technologies
LLC (ci-après, « Meditative »). Ces
compagnies souhaitent être autorisées à interroger le représentant d’un groupe
qui aimerait déposer une action collective, au sens de l’article 574 C.p.c.


Faits




François Michaud (ci-après « Michaud ») institue une Demande pour être autorisé d’exercer une
action collective et être nommé représentant
(ci-après « Demande »). Il demande notamment d’être
autorisé à représenter les membres du groupe, ci-après décrit :

« All persons in Canada who, on or after December 11th, 2012, purchased or ingested “Allerject”, also known as “Auvi-Q”, including DIN02382059/0.15mg/0.15mL epenephrine and DIN02382067/0.3mg/0.3mL epinephrine (”Allerject”) »

L’Allerject est un auto-injecteur utilisé en
cas d’une réaction allergique sévère.

Le 28 octobre 2015, Sanofi procède à un
rappel généralisé de tous les produits Allerject.

En décembre 2014, Michaud achète de
l’Allerject.

Bien que Michaud n’ait personnellement pas
vécu de réaction allergique sévère nécessitant l’utilisation de l’Allerject, il
allègue avoir été alarmé d’apprendre que ce produit puisse être inefficace en
cas d’allergie.

Considérant qu’il est d’avis que l’Allerject
est affecté d’un vice, Michaud demande à être autorisé à instituer une action
en dommages en vertu de la Loi sur la
protection du consommateur
(R.L.R.Q., c. P-40.1).

Analyse

Bien que les demandes présentées par Sanofi et Meditative ne soient pas
contestées par Michaud, l’honorable Micheline Perrault, J.C.S., procède à une
analyse détaillée des principes applicables en la matière.

D’abord, une action collective ne peut être instituée qu’avec
l’autorisation préalable du tribunal. Les critères prévus à l’article 575
C.p.c. doivent être satisfaits pour que le tribunal puisse autoriser l’exercice
de l’action collective. Nous reproduisons ci-après le contenu de cet article :

« [l]e
tribunal autorise l’exercice de l’action collective et attribue le statut de
représentant au membre qu’il désigne s’il est d’avis que :
1° les
demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques,
similaires ou connexes;
2° les
faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;
3° la
composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des règles
sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction
d’instance;
4° le
membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure
d’assurer une représentation adéquate des membres ».

Ainsi, le tribunal jouit d’une grande discrétion
dans l’appréciation des critères énumérés à l’article 575 C.p.c. Cette
discrétion doit toutefois être exercée en tenant compte du principe de la
proportionnalité prévue à l’article 18 C.p.c.

Demande présentée par Sanofi

Sanofi demande d’être autorisée à interroger
Michaud pour les motifs ci-après énumérés :

  1. Les faits allégués par
    Michaud sont vagues et contradictoires;
  2. L’action personnelle intentée
    par Michaud ne satisfait pas aux critères prévus à l’article 575 C.p.c., alors
    que Michaud n’a pas souffert de réels dommages;
  3. Les allégations concernant l’utilisation
    de l’Allerject par Michaud sont contradictoires : bien que Michaud prétende
    n’avoir jamais utilisé l’Allerject, il réclame tout de même des
    dommages-intérêts suite à son utilisation;
  4. Michaud omet de fournir des
    détails concernant la composition du groupe.

Le Tribunal autorise Sanofi à interroger
Michaud, dans le but d’obtenir de l’information concernant l’achat et l’utilisation
du produit, de même que la nature et l’étendue des prétendus dommages subis.

Michaud allègue que 492 000 unités
d’Allerject ont été vendus au Canada.

Pour qu’une personne soit attribuée le titre
de membre d’une action collective, trois critères doivent être réunis :

  1. l’intérêt d’agir;
  2. la capacité; et
  3. l’absence de conflit avec
    les autres membres du groupe.

Considérant que le Tribunal devra éventuellement
déterminer si le groupe rencontre les critères prévus à l’article 575(3)
C.p.c., le Tribunal permet à Sanofi d’interroger Michaud sur les étapes
franchies pour évaluer le nombre de membres du groupe, de même que ses
caractéristiques. Sanofi est également autorisée à interroger Michaud sur sa
capacité à représenter le groupe.

Demande présentée par Meditative

Quant à la demande pour interroger formulée
par Meditative, cet interrogatoire vise à lui fournir les informations suivantes
:

  1. Déterminer si l’Allerject
    acheté par Michaud était défectueux et déterminer quelle est la nature des
    troubles dont il a prétendument souffert;
  2. Quand et comment Michaud a-t-il
    été mis au courant des faits allégués dans la Demande;
  3. La nature et l’étendue des
    recherches effectuées par Michaud avant d’instituer la Demande;
  4. La nature et l’étendue des
    communications entre Michaud et les membres du groupe;
  5. La capacité de Michaud
    d’agir en tant que représentant du groupe.

D’ailleurs, Meditative procède à un examen de
chaque paragraphe de l’article 575 C.p.c, pour démontrer l’utilité de la
demande d’interrogatoire :

[31] Meditative submits that the relevance and usefulness of the
examination of the Petitioner with respect to each of the criteria of article
575 CCP is as follows:
2.2.1. The criterion of Article 575 (1) CCP
[32] The examination of the Petitioner will assist this Court in
determining:
a) Whether the Petitioner’s situation is unique or raises issues and
questions of law or fact that are common with the proposed class;
b) Whether the class definition is appropriate.
2.2.2. The criterion of Article 575 (2) CCP
[33] The examination of the Petitioner will assist this Court in
determining:
a) Whether the Petitioner has a personal cause of action;
b) Whether the Petitioner suffered harm in relation to the facts alleged
in the Motion for Authorization.
2.2.3. The criterion of Article 575 (3) CCP
[34] The examination of the Petitioner will assist this Court in
determining:
a) Whether the Petitioner communicated or attempted to communicate with
other proposed class members before the institution of the action;
b) Whether the Petitioner conducted any inquiry before the institution
of the action;
c) Whether the Petitioner has information on the size and
characteristics of the proposed class.
2.2.4. The criterion of Article 575 (4) CCP
[35] Finally, the examination of the Petitioner will assist this Court
in determining whether the Petitioner would be in a position to properly
represent the proposed class members.
a) Whether the Petitioner has the required legal interest to institute
this class action and act as adequate representative for the class;
b) Whether the Petitioner has the capacity to act as the class
representative;
c) Whether the Petitioner has a true and genuine interest in the
proposed class action.
(Nous soulignons)

Considérant ce qui précède, le Tribunal autorise
également à Meditative d’interroger Michaud sur les éléments susmentionnés.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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