Peut-on mettre fin à la relation parentale in loco parentis ?
Par Sophia Claude, Joli-Cœur Lacasse S.E.N.C.R.L.
Par Sophia Claude
Joli-Cœur Lacasse S.E.N.C.R.L.
La relation parentale in loco parentis amène son lot de décisions judiciaires et entraîne de lourdes conséquences chez les familles en raison de la particularité de cette relation.
Dans l’affaire Droit de la famille – 151766, 2015 QCCS 3342, le demandeur cherche à mettre fin à la pension alimentaire qu’il paie pour la fille désormais majeure de son ancienne épouse à titre de parent in loco parentis.
Contexte
Lorsque les parties se sont rencontrées en 2000, la défenderesse avait une fille âgée de trois ans issue d’une union précédente dont le père biologique était complètement absent. Tout au long de la relation, le demandeur a agi comme s’il était le père de la jeune fille. À cet effet, plusieurs photos, lettres et témoignages confirment cet état de fait. Trois années suivant leur rencontre, les parties ont décidé de se marier. L’année subséquente, la défenderesse donnait naissance à un petit garçon. La famille s’est toujours comportée comme si les deux enfants étaient frère et sœur. À la suite, notamment, de plusieurs déménagements dus à l’emploi du demandeur, les parties ont décidé de se divorcer et un jugement a été rendu en ce sens en 2013. Le jugement en question prévoyait notamment que le demandeur verserait une pension alimentaire pour les deux enfants à la défenderesse. Quoiqu’elle ne demeure pas avec son père, la jeune fille continue d’avoir certains contacts avec le demandeur, particulièrement par l’entremise de sa mère.
Décision
La Cour réitère le fait qu’il est non-équivoque que le demandeur a agi à titre de parent in loco parentis pendant au moins 12 ans. D’ailleurs, le demandeur a accepté de verser volontairement une pension pour l’enfant au moment du divorce survenu entre les parties. La Cour rappelle les principes énoncés dans l’arrêt Chartier de la Cour suprême du Canada, à savoir que la Loi sur le divorce met l’accent sur l’intérêt des enfants à charges et non sur la situation juridique de ceux-ci. Cela vise à protéger tous les enfants, peu importe leur situation de fait. De plus, on rappelle qu’une situation in loco parentis ne peut pas prendre fin par décision unilatérale du débiteur alimentaire. Soulignant des décisions dans lesquelles on en vient à la conclusion que la relation in loco parentis est terminée, la Cour établit des distinctions avec celles-ci pour conclure qu’en l’espèce, la relation subsiste bel et bien. De fait, il existe toujours une intention de continuer cette relation entre la jeune fille et le demandeur. On cite, à titre d’exemple, le fait que la jeune fille souhaitait ardemment fêter Pâques avec son père, tout comme elle sollicitait sa présence dans le cadre de son bal des finissants. La Cour met en parallèle deux éléments ; d’une part, le fait que le demandeur et la jeune fille ont vécu une relation in loco parentis pendant 12 ans qui sont, de surcroît, les années déterminantes dans le développement de l’enfant. D’autre part, elle retient le fait qu’il s’est écoulé huit mois et demi depuis leurs derniers contacts. Au final, on conclut que cette période n’est pas suffisamment significative pour mettre un terme au paiement de la pension alimentaire :
« [76] Entre ce dernier contact entre X et le demandeur, et la signification de sa requête il ne s’est écoulée qu’une période de 8 ½ mois, pas assez significative de l’avis du soussigné d’une rupture bilatérale et finale des relations entre X et le demandeur, surtout en tenant compte du fait que celui-ci a agi tout de même comme son père pendant une très longue période, c’est-à-dire pendant au moins 12 ans, et durant une période cruciale pour le développement d’un enfant, c’est-à-dire son enfance et son adolescence. »
La requête est donc rejetée.
En conclusion, la Cour réitère le principe voulant que les enfants soient protégées en tout temps, peu importe quelle est leur filiation. Ce principe cardinal a un poids considérable lorsque les tribunaux soupèsent les arguments des parties au litige, et ce, malgré les conséquences que le débiteur alimentaire doive supporter.
La décision intégrale est disponible ici.
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