Déchéance de l’autorité parentale : la cour d’appel confirme certains principes
Par Sophia Claude, Joli-Cœur Lacasse S.E.N.C.R.L.
Par Sophia Claude
Joli-Coeur Lacasse S.E.N.C.R.L.
Dans la récente décision Droit de la famille — 161130, 2016 QCCA 814, la Cour d’appel devait
se pencher sur un jugement de première instance dans lequel la Cour supérieure
avait refusé la demande de déchéance de l’autorité parentale présentée par
Madame, mais avait néanmoins retiré à Monsieur l’exercice de la quasi totalité
de ses attributs parentaux
La Cour d’appel vient avaliser le juge de première instance
et rappeler que la déchéance de l’autorité parentale demeure un cas
d’exception.
Contexte
Les parties se sont rencontrées en 2003. À l’époque,
Madame avait 17 ans et Monsieur 26 ans. Le couple a deux enfants au moment du
mariage en 2009 et un troisième enfant naît en 2010. En février 2011, les
parties cessent de faire vie commune suite à un épisode de violence conjugale. Le
divorce est prononcé le 21 octobre 2011, alors que Monsieur fait défaut de
comparaître, et ce jugement accorde la garde exclusive des trois enfants à
Madame.
Par ailleurs, Madame témoigne, lors de la première
instance de cette affaire, avoir été violée par Monsieur en 2007 après qu’il
soit sorti de prison, en plus d’avoir subi de la violence psychologique durant la
vie commune. De plus, elle mentionne que Monsieur ne s’est jamais occupé des trois
enfants et que la dernière rencontre qu’il a eu avec ceux-ci remonte à l’été
2011 et qu’elle n’avait duré qu’une heure.
De son côté, Monsieur affirme en première instance que,
bien qu’il n’ait effectivement pas revu ses enfants depuis 2011, il a néanmoins
tenté de leur parler au téléphone à deux ou trois occasions. Puis, il reconnaît
que Madame est la meilleure personne pour prendre soin des enfants. Dernier
fait important à mentionner, il consent à ce que lui soit retiré l’exercice des
attributs parentaux relatifs à l’éducation, aux soins de santé, aux voyages et
aux passeports des trois enfants des parties.
Analyse
La Cour d’appel réitère les deux critères qui furent
appréciés en première instance de cette affaire et qui doivent être pris en
compte afin de déterminer s’il convient de prononcer ou non la déchéance de
l’autorité parentale de Monsieur. Il s’agit de la présence de motifs graves et de
l’intérêt des enfants. En ce qui a trait au premier critère, la Cour rappelle
que l’abandon peut constituer un motif grave selon la jurisprudence s’il est
d’une durée d’au moins 4 ou 5 ans. Or, dans le cas présent, il est de 3 ans et
demi.
Puis, après avoir souligné que Monsieur souhaitait
reprendre contact progressivement avec ses enfants depuis les deux dernières
années, facteur qui avait d’ailleurs fait pencher le juge de première instance
en faveur d’un rejet de la demande de déchéance, la Cour d’appel réitère
le premier jugement rendu au dossier :
[9] La déchéance d’autorité
parentale demeure une mesure extrême, un remède radical, exceptionnel. Le
juge a vu et entendu les parties. Il a cru l’intimé sur son changement de
conduite. Il a, peut-on dire, confiance en lui, tout en rappelant qu’il a une «
sévère côte à remonter » pour regagner la confiance de ses enfants. En
somme, absence de motifs suffisamment graves selon le juge, même si la
situation est sérieuse.
[10] Il est vrai, comme le
plaide l’appelante, que, dans Droit de la famille – 112845, 2011
QCCA 1646 (CanLII), et dans d’autres arrêts, la Cour souligne que
l’exercice de détermination de ce qu’est un motif grave n’est pas qu’une pure
question de fait et qu’il s’agit plutôt d’une question de qualification,
sujette au contrôle de la Cour. Par contre, il faut préciser que, dans Droit
de la famille – 112845, la situation ne se comparaît pas à la présente […]
[11] S’il est vrai que la Cour
peut intervenir en ce qui a trait à la qualification de la situation, cela ne
signifie pas qu’elle puisse le faire ici. Il reste qu’il y a en l’espèce une
dimension hautement factuelle à la conclusion du juge.
[12] Il a vu et entendu les
parties et a estimé que l’intimé, en qui il a une certaine confiance, a fait
des efforts suffisants pour refuser la demande de l’appelante, tout en étant
conscient des difficultés qui l’attendent s’il veut revoir ses enfants. La
Cour ne voit pas d’erreur révisable dans ce constat.
(Nous soulignons)
En conclusion, la Cour d’appel rejette l’appel de Madame
quant à sa demande de déchéance de l’autorité parentale à l’égard de Monsieur
et maintien la décision de première instance laquelle, rappelons-le, rejetait
également la demande de Madame, mais prononçait néanmoins le retrait d’exercice
de la grande majorité des attributs parentaux de Monsieur.
Comme on le voit dans cette affaire, seuls des cas
exceptionnels justifieront le prononcé par le tribunal de la déchéance de
l’autorité parentale et les tribunaux d’appel feront preuve d’une réserve dans
l’évaluation des conclusions de première instance à cet égard.
Le texte de la décision se trouve ici.
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