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SOQUIJ
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16 Sep 2016

Sélection SOQUIJ | PÉNAL (DROIT) – Ruest c. R., 2016 QCCS 4104

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

PÉNAL
(DROIT) : La Cour rend jugement dans le dossier type concernant la
divulgation de la preuve en matière d’alcootest à la suite de l’arrêt de la
Cour suprême R. c. St-Onge Lamoureux (C.S. Can., 2012-11-02),
2012 CSC 57, SOQUIJ AZ-50908040, 2012EXP-3884, J.E. 2012-2079, [2012] 3 R.C.S.
187.







2016EXP-2886

Intitulé
Ruest c. R., 2016 QCCS 4104
Juridiction
Cour supérieure (C.S.),
100-36-000328-155
Décision
de : 
Juge Raymond W. Pronovost
Date
16 août 2016
Références
SOQUIJ AZ-51318534, 2016EXP-2886,
J.E. 2016-1564 (39 pages)

Résumé

PÉNAL
(DROIT) — infraction — infractions routières — alcoolémie — alcoolémie
supérieure à la limite permise — alcootest — divulgation de la preuve —
obligation de la poursuite — communication de la preuve — alcoolémie supérieure
à la limite permise — documents relatifs à l’alcootest — fruits de l’enquête —
document en la possession d’un tiers — demande de type O’Connor — pertinence —
fardeau de la preuve — application de R. c. St-Onge Lamoureux (C.S.
Can., 2012-11-02), 2012 CSC 57, SOQUIJ AZ-50908040, 2012EXP-3884, J.E.
2012-2079, [2012] 3 R.C.S. 187 — présomption légale
(art. 258 (1) c) C.Cr.) — présomption d’exactitude et d’identité
— preuve contraire — mauvais fonctionnement ou utilisation incorrecte de
l’appareil — fiabilité des résultats — preuve d’expert — inspection de
l’appareil — moyen de défense — éructation — non-respect de la période
d’observation précédant la prise de tests.

PÉNAL
(DROIT) — preuve pénale — divulgation de la preuve — obligation de la poursuite
— communication de la preuve — alcoolémie supérieure à la limite permise —
documents relatifs à l’alcootest — fruits de l’enquête — document en la
possession d’un tiers — demande de type O’Connor — pertinence — fardeau de la
preuve — doute réel — application de R. c. St-Onge Lamoureux (C.S.
Can., 2012-11-02), 2012 CSC 57, SOQUIJ AZ-50908040, 2012EXP-3884, J.E.
2012-2079, [2012] 3 R.C.S. 187 — présomption légale
(art. 258 (1) c) C.Cr.) — présomption d’exactitude et d’identité
— preuve contraire — mauvais fonctionnement ou utilisation incorrecte de
l’appareil — preuve contraire — fiabilité des résultats — preuve d’experts —
inspection de l’appareil — moyen de défense — éructation — non-respect de la
période d’observation précédant la prise de tests.

Appel d’une déclaration de culpabilité. Rejeté.

L’appelant a été reconnu coupable de conduite avec
une alcoolémie supérieure à la limite permise. Son dossier est une cause type
relativement à la divulgation de la preuve en matière d’alcootest à la suite
de R. c. St-Onge Lamoureux (C.S. Can., 2012-11-02), 2012 CSC
57, SOQUIJ AZ-50908040, 2012EXP-3884, J.E. 2012-2079, [2012] 3 R.C.S. 187. Il a
présenté une requête en divulgation de la preuve afin que la poursuite lui
communique différents renseignements et documents, allant de la facture d’achat
de l’alcootest à la carte attestant la qualification du technicien. Le juge a
conclu que les fruits de l’enquête n’étaient pas restreints aux seuls éléments
entourant l’arrestation et la prise d’échantillons d’haleine de l’accusé. En ce
qui concerne la mémoire vive de l’alcootest, après avoir entendu les témoins
experts de la défense, le juge a retenu que la preuve ne lui permettait pas de
conclure que les données internes de l’appareil étaient raisonnablement
disponibles. D’autres demandes de l’appelant ont été rejetées. Quant au fond,
la preuve de la poursuite s’appuyait principalement sur le certificat d’analyse
des échantillons d’haleine et sur les présomptions d’exactitude et d’identité
prévues à l’article 258 (1) c) du Code criminel (C.Cr.).
La défense prétend avoir réussi à réfuter ces présomptions en présentant une
preuve tendant à démontrer le mauvais fonctionnement ou une utilisation
incorrecte de l’appareil et, pour ce faire, elle s’appuie sur deux éléments,
soit: 1) l’alcooltest utilisé et ses accessoires n’ont pas été inspectés
depuis plusieurs années, ce qui équivaut à une utilisation incorrecte et
2) les policiers n’ont pas respecté les normes et les procédures en
omettant d’observer l’accusé, de manière efficace, durant la période requise de
15 minutes ayant précédé chacun des tests, ce qui équivaut à une
utilisation incorrecte de l’alcootest. La défense a également demandé au
tribunal d’admettre en preuve une défense de type Carter. Le juge de première
instance a souligné que, pour réfuter la présomption d’exactitude, la preuve
contraire devait démontrer le mauvais fonctionnement ou une utilisation
incorrecte de l’alcootest et, citant St-Onge Lamoureux, il a conclu
qu’il revenait à l’appelant non pas de présenter une possibilité d’inférence,
mais bien de soulever un doute réel sur le fonctionnement et l’utilisation
correcte de l’appareil. Enfin, le juge fait une différence entre l’inspection
et l’entretien de l’appareil et retient que ce n’est pas parce qu’un instrument
n’a pas été inspecté qu’il a été mal entretenu et que c’est l’omission
d’entretenir et de réparer l’instrument qui risque d’avoir des répercussions
sur son fonctionnement. Quant à la période d’observation, il a retenu que, bien
que cette période puisse constituer l’une des mesures de contrôle de la qualité
des analyses, elle ne fait pas partie des éléments que doit prouver la
poursuite aux termes de l’article 258 (1) c) C.Cr. Il a rejeté la
position de la défense selon laquelle le non-respect des recommandations
relatives à la période d’observation pouvait être suffisant pour soulever un
doute en soi.
Décision


1) Le refus du juge d’ordonner la divulgation de la mémoire de
l’appareil:
 

Ce n’est pas le critère de l’élément de preuve
raisonnablement disponible qui doit s’appliquer mais celui de l’élément de
preuve raisonnablement susceptible d’être pertinent, tel que le prévoit R.
c. Carosella
 (C.S. Can., 1997-02-06), SOQUIJ AZ-97111012, J.E. 97-358,
[1997] 1 R.C.S. 80, et repris dans St-Onge Lamoureux. Ce n’est pas
à l’accusé de démontrer que des documents sont raisonnablement disponibles mais
à la poursuite de démontrer le contraire. En l’espèce, le juge de première
instance n’a pas prétendu que l’accusé n’avait pas établi la preuve que le
document était raisonnablement disponible. Il a précisé de quelle manière on
pouvait obtenir copie de la mémoire de l’appareil et c’est pour cette raison
qu’il a conclu qu’elle n’était pas raisonnablement disponible. Quant à
l’utilité de la mémoire pour démontrer le mauvais fonctionnement ou
l’utilisation incorrecte de l’appareil, c’est avec raison que le juge a retenu
que les témoignages des experts de l’appelant portaient sur la fiabilité à long
terme de l’appareil et non sur la fiabilité des tests. Or, la divulgation de la
preuve doit permettre de vérifier la fiabilité des tests. Par ailleurs, la Cour
suprême, dans St-Onge Lamoureux, ne parle pas d’une inspection
régulière mais bien d’entretien et de réparations. Or, l’appelant a démontré
par sa preuve d’expert que, si la Sûreté du Québec (SQ) n’inspecte pas régulièrement
ses appareils, comme le fabricant le recommande, c’est la fiabilité à long
terme qui pourrait être diminuée. Ce manque d’inspections ne démontre pas que
les résultats des tests de l’appelant ne sont pas fiables. 


2) Les
présomptions telles qu’elles sont précisées dans 
St-Onge Lamoureux et
l’exigence d’un lien entre le défaut d’entretien des alcootests et les
résultats obtenus:
 

Le juge de première instance a bien
interprété St-Onge Lamoureux. C’est l’obligation pour un accusé de
prouver que son alcoolémie était inférieure à la limite permise après avoir
prouvé la défaillance de l’appareil ou une mauvaise utilisation qui a été
déclarée inconstitutionnelle. C’est à tort que l’appelant prétend que le juge a
imposé un autre fardeau que celui du doute raisonnable. Tant la Cour suprême
que le juge de première instance, lorsqu’ils parlent de doute réel, parlent
d’un doute par opposition à une possibilité. Le doute réel est un doute
raisonnable. Ce que doit soulever l’accusé, c’est un doute raisonnable ou un
doute réel par opposition à des possibilités. Par ailleurs, c’est à tort que
l’appelant prétend que la preuve était suffisante pour réfuter la présomption
d’exactitude prévue à de l’article 258 (1) c) C.Cr. en s’appuyant
notamment sur le fait que les «Normes et procédures recommandées par la Société
canadienne des sciences judiciaires — Comité des analyses d’alcool»
préconisent une inspection annuelle des instruments approuvés tels que
l’alcootest et le simulateur, sa preuve d’experts etRodrigues c. Desaulniers (C.S.,
2015-04-01), 2015 QCCS 1395, SOQUIJ AZ-51164941, 2015EXP-1291, J.E.
2015-717. St-Onge Lamoureux parle d’une preuve qui soulève un
doute raisonnable quant aux défaillances liées à l’entretien des instruments ou
à l’utilisation incorrecte des appareils et non aux inspections régulières. La
Cour suprême discute les normes recommandées par la Société canadienne des
sciences judiciaires (SCSJ), mais la loi n’y fait pas référence, et la Cour
suprême ne les a pas établies comme une obligation ou des recommandations à
respecter. Les experts de l’appelant n’ont pas réussi à prouver au juge que, si
les recommandations n’étaient pas suivies, cela pouvait causer des résultats
insatisfaisants. Quant à la mémoire de l’alcootest, les experts n’ont pas réussi
à démontrer que les rapports auraient été d’une quelconque utilité pour
vérifier la fiabilité de l’appareil. En effet, la mémoire ne comporte que les
résultats des tests et le moment où ils ont été faits. D’autre part, c’est à
bon droit que le juge n’a pas admis la défense de type Carter. Ainsi que
l’enseigne St-Onge Lamoureux, cette défense ne subsiste que pour
contrer la deuxième présomption d’identité prévue à l’article
258 (1) d.01) C.Cr. et écarte clairement toute possibilité d’avoir
recours à celle-ci. Comme le juge de première instance en est venu à la
conclusion, avec raison, que les experts de l’appelant n’avaient pas réussi à
prouver que le manque d’inspection et l’omission de respecter les normes de la
SCSJ avaient un lien avec la défaillance de l’appareil, la défense de type
Carter n’était pas recevable.
3) Le renversement du fardeau de preuve obligeant l’appelant à
démontrer qu’il avait éructé durant la période d’observation:
 

L’appelant
a témoigné et n’a jamais fait mention du fait qu’il avait éructé ni du fait
qu’il avait consommé de l’alcool dans les 15 ou 20  minutes ayant précédé
le test. Or, lorsque la poursuite fait la preuve hors de tout doute raisonnable
que l’accusé a une alcoolémie supérieure à la limite permise, c’est à la défense
de prouver la défaillance dans le résultat des tests. Il ne s’agit pas d’un
fardeau supplémentaire, mais d’un moyen de défense. Par ailleurs, la période de
15 minutes n’est pas une obligation légale. En outre, le Code
criminel
prévoit que les tests doivent être effectués dès qu’il est
matériellement possible de le faire.4) Conclusion: Depuis la
décision rendue par le juge de première instance en février 2014, la Cour
d’appel de l’Ontario s’est prononcée sur la divulgation de la preuve dans R.
v. Jackson
 (C.A. (Ont.), 2015-12-02), 2015 ONCA 832, SOQUIJ
AZ-51235129. Le présent tribunal fait sienne la conclusion voulant que les
fruits de l’enquête soient limités à tout ce qui se rattache à l’accusé,
conformément à R. c. Stinchcombe (C.S. Can., 1991-11-07),
SOQUIJ AZ-91111102, J.E. 91-1713, [1991] 3 R.C.S. 326. Ainsi, ceux-ci sont
limités à ce que produit l’enquête relative à l’infraction que l’on reproche à
l’accusé. En l’espèce, les documents demandés sont en la possession de la SQ ou
du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale. L’information
demandée par la défense n’a pas été créée, produite ou même générée pendant
l’enquête de l’accusé. Il ne s’agit donc pas des fruits de l’enquête. Ces
documents sont l’historique de l’appareil, qui comprend des données n’ayant
aucun rapport avec l’appelant. Or, à la lumière de Jackson, si
l’appelant avait besoin de ces documents pour appuyer sa défense, il devait le
faire valoir conformément à R. c. O’Connor (C.S. Can.,
1995-12-14), SOQUIJ AZ-96111001, J.E. 96-64, [1995] 4 R.C.S. 411. Il fallait
donc qu’il établisse un doute réel que ces renseignements étaient utiles pour
démontrer une défaillance de l’appareil ou sa mauvaise utilisation et non une
simple possibilité. Or, tel n’est pas le cas en ce qui concerne la mémoire de
l’appareil. Les experts de l’appelant n’ont allégué que des possibilités
d’utilité de cette preuve.


Instance
précédente : 
Juge
Richard Côté, C.Q., Chambre criminelle et pénale, Rimouski, 100-01-015428-119,
2015-08-28, 2015 QCCQ 7835 (jugement rectifié le 2015-09-03), SOQUIJ
AZ-51212168.


Réf. ant
(C.Q., 2015-08-28 (jugement
rectifié le 2015-09-03)), 2015 QCCQ 7835, SOQUIJ AZ-51212168.

Le texte
intégral de la décision est disponible ici

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