par
Sophie Lecomte
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19 Jan 2017

Demande de modification de la pension alimentaire pour un enfant : une interprétation stricte du paragraphe 17 (4) de la Loi sur le divorce

Par Sophie Lecomte, avocate


Par Sophie Lecomte
Avocate

Dans son arrêt Droit
de la famille – 1713
, 2017 QCCS 14, la Cour supérieure rappelle l’interprétation
stricte du paragraphe 17
(4) de la Loi sur le divorce, les aliments étant un droit à l’enfant.

  

Faits

Le 13 septembre 2012, un jugement de divorce a été prononcé entre
les parties. Le juge a déterminé la pension alimentaire pour les enfants sur
une base de 25 000 $ pour le Père, nonobstant qu’il ait alors déclaré
un revenu de 9 500 $, et sur une base d’un revenu nul pour la Mère,
qui était alors aux études.

Depuis 2014, la Mère travaille et déclare un revenu de 40 000 $.
Quant au Père, il soutient que son revenu se situe autour de 10 000 $.

Jusqu’au 1er mai 2016, le Père a respecté son
obligation de verser une pension alimentaire. 

Il demande au Tribunal d’annuler la pension alimentaire payable
pour les enfants rétroactivement à cette date.

Le Père rencontre-t-il les critères du paragraphe 17 (4) de
la Loi sur le divorce?

Décision et analyse

[16] Le Tribunal peut rendre une telle ordonnance en se basant sur
la Section 17 de la Loi sur le divorce et en particulier sur les Sections 17
(1) et 17 (4) qui prévoit ce qui suit :

17 (4) Avant de rendre une ordonnance modificative de l’ordonnance
alimentaire au profit d’un enfant, le
tribunal s’assure qu’il est survenu un changement de situation
, selon les
lignes directrices applicables, depuis que cette ordonnance ou la dernière
ordonnance modificative de celle-ci a été rendue.

En l’espèce, la Cour se demande si la controverse
jurisprudentielle née depuis l’arrêt de la Cour suprême Willick c. Willick, [1994] 3
RCS 670 est toujours applicable, malgré la modification du paragraphe 17 (4) de
la Loi sur le divorce.

En effet, compte tenu du niveau alarmant de
pauvreté chez les enfants vivant notamment dans les familles monoparentales et
des disparités importantes entre le calcul des prestations alimentaires pour
enfants et le coût véritable de leur entretien, l’arrêt Willick est venu consacrer une stricte
interprétation du paragraphe 17 (4) de la Loi sur le divorce.

L’arrêt Willick énonce qu’il faut établir l’existence
d’un changement important pour justifier la modification. Une fois l’existence
d’un tel changement, le tribunal devra déterminer la mesure dans laquelle il
réexaminera les circonstances et le fondement de l’ordonnance alimentaire. 

Ainsi, bien que l’instance en modification
ne soit ni un appel ni un procès de novo, le ou les changements
allégués devront être d’une nature ou d’une ampleur telle qu’ils rendent
l’ordonnance initiale non pertinente ou périmée.

En l’espèce, la Cour abonde dans le sens de l’arrêt Willick et précise que c’est le demandeur qui
a le fardeau de la preuve de convaincre le Tribunal qu’il a subi une réduction
de son revenu :

[17] Le Tribunal est d’avis qu’une demande pour une modification
de pension alimentaire pour enfant fondée sur le paragraphe 17 (4) doit être un
changement ‘’important’’ au sens de Willick et il doit aussi être
défini selon les lignes directrices applicables comme le précise ce paragraphe.

Le Père soulève les motifs suivants à l’appui de sa demande :

Depuis le divorce, il a subi une grande diminution de revenus :

[19] Le Tribunal souligne que le Père a le fardeau de la preuve de
le convaincre qu’il a subi une réduction de son revenu. Malheureusement, le
Père a toujours prétendu que son revenu se situait autour de 10,000$. Son
Annexe I daté du 7 septembre 2011 indique clairement que son revenu est de
9,500$ soit un revenu en dessous de l’aide sociale. Son Avis de cotisation de
2009 indique que son revenu total est de 11,970$. Son Avis de cotisation révisé
indique un revenu total de 12,900$. Le revenu déclaré par le Père à son Annexe
I en appui à sa demande en modification indique un revenu de 13,900$ par année. Dans les circonstances, il est
extrêmement difficile pour le Tribunal de retenir les prétentions du Père à
l’effet qu’il a subi une réduction de ses revenus. La preuve et les documents
présentés sous serment indiquent en fait une augmentation de revenu même avec
l’arrivée d’Uber
.

(Nous soulignons)

Il a un autre enfant à charge d’une première union :

[20] Le Tribunal ne
retient pas non l’argument du Père qu’il a la responsabilité d’un deuxième
enfant.
 Lors du jugement de
divorce, la preuve révèle que l’enfant réside avec le Père.

(Nous soulignons)

Depuis le 1er mai
2016, le Père accumule des dettes d’environ 8 000 $ :

[21] Le Tribunal
ne retient pas non plus les prétentions du Père qu’il a accumulé des dettes
substantielles
 depuis le 1ier
mai 2015. La preuve révèle que les prêts que le Père a obtenus l’ont été pour
des fins extraordinaires, par exemple, 3,000$ pour un voyage en Haïti pour
aller chercher son fils et 8,000$ pour des traitements de gencives.

(Nous soulignons)

La Mère travaille comme infirmière et elle gagne des revenus d’au
moins 40 000 $ par année :

[23] La preuve révèle que la Mère travaille depuis 2014 comme
infirmière. Elle a gagné 37,043$ en 2014, 42,460$ en 2015 et ses revenus
projetés pour 2016 sont de 43,230$.

[24] Quant aux
changements survenus dans les revenus de la Mère depuis le 12 septembre 2011,
le Tribunal conclut qu’il s’agit d’un changement important au sens des critères
préliminaires du paragraphe 17 (4) de la Loi sur le divorce qui justifie une
modification de la pension alimentaire payable par le Père
.

(Nous soulignons)

En l’espèce, le jugement sur la requête en modification des
mesures accessoires est rendu séance tenante et accorde au Père l’annulation de
la pension alimentaire rétroactivement à la date du 1er mai 2016, en vertu du paragraphe 17
(4) de la Loi sur le divorce :

[25] En fixant le montant de la pension alimentaire payable par le
Père, le Tribunal doit prendre en considération qu’il assume seul tous les
frais reliés au soccer de X au montant de 1,100$ par année. Le Père explique
que l’enfant joue au soccer depuis son enfance et il est doué dans ce sport.
Dans les circonstances, il est important que le Tribunal s’assure que l’enfant
sera capable d’y participer à l’avenir.

[26] La pension alimentaire pour les enfants était établie sur le
Règlement de fixation des pensions alimentaires pour enfants sur une base de
revenus du Père à 25,000$ et de la Mère à 43,230$ et en tenant compte de
l’engagement du Père de continuer à défrayer les frais de soccer de X.

Le texte de la décision intégrale se trouve ici.

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