L’abandon est essentiel pour rendre admissible un enfant à l’adoption
Par Rachel Rioux-Risi
Par Rachel Rioux-Risi
Avocate
Dans la décision Adoption — 173, 2017 QCCQ 60, la Cour
d’appel se penche sur l’appel de la mère d’un enfant ayant été déclaré
admissible à l’adoption par la Cour du Québec.
Décision
La mère conteste la décision
de première instance, car elle est d’avis que le juge ne s’est prononcé sur la
notion d’abandon, laquelle est, selon elle, au cœur des articles 559 et 561 du
Code civil du Québec. Ces dispositions se lisent comme suit :
559. Peut être
judiciairement déclaré admissible à l’adoption :
1° L’enfant de plus
de trois mois dont ni la filiation paternelle ni la filiation maternelle ne
sont établies;
2° L’enfant dont ni
les père et mère ni le tuteur n’ont assumé de fait le soin, l’entretien ou
l’éducation depuis au moins six mois;
3° L’enfant dont
les père et mère sont déchus de l’autorité parentale, s’il n’est pas pourvu
d’un tuteur;
4° L’enfant orphelin
de père et de mère, s’il n’est pas pourvu d’un tuteur.
561. L’enfant ne peut
être déclaré admissible à l’adoption que s’il est improbable que son père, sa
mère ou son tuteur en reprenne la garde et en assume le soin, l’entretien ou
l’éducation. Cette improbabilité est présumée.
Abordant la jurisprudence
ayant appliqué les articles susmentionnés, en l’absence d’un consentement des
parents, la Cour d’appel rappelle les trois étapes qui doivent être suivies pour
qu’un enfant soit déclaré admissible à l’adoption.
C’est ainsi que, dans un
premier temps, il faut déterminer si les parents ont assumé ou non le soin, l’entretien
ou l’éducation de l’enfant et ce, depuis au moins 6 mois. Si tel n’est pas le
cas, la cour doit déterminer s’il est improbable que les parents reprennent la
garde de l’enfant et en assume les soins. Pour terminer, si cela est
improbable, la décision de rendre admissible un enfant doit être prise dans ses
meilleurs intérêts.
La notion d’abandon intervient
à la première et seconde étape. Le juge doit analyser le passé et le futur de l’enfant.
La Cour d’appel souligne l’importance
des trois étapes et que celles-ci doivent être suivies en tout temps. Elle
reproche à la juge de première instance d’avoir escamoté la première étape et
de ne pas avoir tranché cette question.
[15] La juge de première
instance traite ici de la première étape de la démarche analytique, mais sans
trancher. Voici ce qu’elle écrit :
[35] Le cheminement de la mère
au cours de la dernière année est impressionnant. Elle a mis fin à sa consommation,
maintient sa sobriété et est stable affectivement. Les perspectives de mettre
fin à la tutelle sont positives compte tenu de l’autonomie qu’elle développe
actuellement. La mère est partie de très loin et, de toute évidence, elle n’est
plus la femme qu’elle était lors de l’intervention initiale du Directeur.
[36] Dans la marge de manœuvre
dont elle disposait quant à ses responsabilités parentales en raison des
restrictions d’accès à son fils, elle a posé des gestes concrets permettant de
croire qu’elle souhaitait modifier ses habitudes de vie dans l’objectif de
reprendre X auprès d’elle. Dans l’espace résiduel de ses responsabilités
parentales, elle a fait tout ce qu’elle pouvait pour mettre fin aux motifs de
compromission.
[37] Son cheminement et la
stabilité acquise lui permettent d’être en mesure de s’occuper d’elle-même,
bien qu’elle soit toujours dans un processus d’acquisition d’autonomie.
[16] Ces conclusions sont
fidèles à la preuve. Au cours de la période de référence de six mois, soit
du 26 mai au 26 novembre 2015 (date de la signification de la procédure en
déclaration d’admissibilité à l’adoption), l’appelante – qui était sous le coup
d’une interdiction de tout contact avec son fils depuis le 25 mars 2015 – a
communiqué régulièrement avec l’intervenante au dossier pour obtenir des
nouvelles de X. Elle a complété avec succès un suivi pour régler son problème
de dépendance à l’alcool et aux drogues. Elle a versé sa contribution
parentale. Elle a offert à X des cadeaux et, à plusieurs reprises, des
vêtements.
[17] Avec égards, la juge
commet une erreur de droit lorsque, malgré le constat posé aux paragraphes [35]
à [37] de ses motifs, elle omet de conclure et passe aux deux autres étapes de
la démarche analytique. Cette façon de procéder a faussé sa lecture de la
preuve, l’analyse de la deuxième, puis de la troisième étape, déteignant sur
celle de la première.
(nous soulignons)
La Cour d’appel est d’avis que
la preuve n’aurait pas dû permettre à la juge de première instance de conclure
à l’abandon. Bien au contraire.
[19] Or, l’appelante
a posé des gestes concrets pour témoigner de son intérêt pour le développement de
l’enfant et le respect de ses besoins, affectifs et matériels. Elle a
généralement bien collaboré avec les intervenants sociaux. Elle a entrepris et
réussi des démarches pour régler ses problèmes personnels, tant et si bien que
son psychiatre traitant appuie maintenant sa demande de mettre un terme au
régime de protection en place depuis l’été 2008. Ce sont là autant de faits
objectifs dont il faut prendre compte. Ils témoignent de l’intérêt que
l’appelante porte envers son fils, de sa collaboration avec les intervenants
sociaux et du sérieux qu’elle met à remédier aux problèmes à l’origine du
placement.
(nous soulignons)
La décision est disponible ici.
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