par
Sophie Lecomte
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18 Avr 2017

Exercice illégal de la profession d’avocat : une infraction de responsabilité stricte

Par Sophie Lecomte, avocate


Par Sophie Lecomte
Avocate

Dans Barreau
de Montréal c.
Lavertu, 2017
QCCQ 2781, le Barreau du Québec poursuit pour exercice illégal de la
profession le défendeur, qui s’annonce sur LinkedIn comme avocat membre du
Barreau du Québec alors qu’il ne l’est pas, en violation des articles 132, 133c) et 136a) de la Loi sur le
Barreau
 et à l’article 188
du Code des professions.

Décision
et analyse

[18]    La Loi
sur le Barreau
 est une loi d’ordre public
stipulant que la
profession d’avocat est d’exercice exclusif et bénéficie d’un titre réservé.
Dans sa mission de protection du public, le Barreau a notamment la
responsabilité de dénoncer l’utilisation illégale du titre d’avocat.

[19]    Dans le présent dossier, le poursuivant doit
faire la preuve hors de tout doute raisonnable qu’en s’affichant comme avocat
sur le site Linkedln
, monsieur Lavertu a agi de manière à donner lieu de
croire qu’il est autorisé à remplir les fonctions d’avocat ou à en poser les
actes à Montréal.

[20]    Cependant, puisqu’il s’agit ici d’une
infraction de responsabilité stricte, le Poursuivant n’a pas à faire la
preuve d’une intention particulière ni à démontrer que des personnes ont
effectivement été trompées par le Défendeur.
Lorsque le poursuivant fait la
preuve des éléments matériels de l’infraction, le défendeur a le fardeau de
démontrer, selon la balance des probabilités, qu’il a soit commis une erreur de
fait raisonnable ou agi avec diligence raisonnable pour éviter la commission de
l’infraction.

[21]    Pour déterminer si monsieur Lavertu a agi de
manière à donner lieu de croire qu’il est autorisé à remplir ici les fonctions
d’avocat, le Tribunal doit procéder à une évaluation objective et considérer la
perception du public.

[22]    Plus particulièrement, le Tribunal doit se
demander quelle serait la perception d’une personne dotée d’un quotient
intellectuel convenable en prenant connaissance de l’information contenue sur
le profil d’affaires Linkedln du défendeur
.

(Nous soulignons)

–     En s’annonçant de la sorte sur LinkedIn, le défendeur a-t-il agi de manière
à laisser croire qu’il est avocat?

La Cour répond par la positive.

En l’espèce, le Barreau du Québec a apporté la preuve hors de tout doute
raisonnable qu’en s’affichant comme avocat sur le site Linkedln, le défendeur a
agi de manière à donner lieu de croire qu’il est autorisé à remplir les
fonctions d’avocat ou à en poser les actes à Montréal.

La Cour établit qu’ :

[24]    Il est de notoriété publique que le site
Linkedln requiert une inscription de la part d’une personne qui désire s’y
afficher. Le Défendeur ne nie pas s’y être inscrit. Le public en général peut y
avoir accès. Il ne fait aucun doute dans l’esprit du Tribunal qu’en
s’inscrivant sur ce site avec les mentions « avocat » et
« Montréal », monsieur Lavertu a agi de manière à laisser croire
qu’il est avocat à Montréal.

–     Dans l’affirmative, les explications du défendeur constituent-elles une
défense valide en droit?

La Cour répond par la négative.

En effet, même si le défendeur a des lacunes en informatique tel qu’il
l’invoque, il aurait dû prendre les moyens pour y remédier.

–     S’agit-il d’une infraction continue ?

La Cour répond par l’affirmative.

Effectivement, le défendeur pouvait choisir d’y mettre fin en se conformant
à la Loi.

[27]     La Cour d’appel, sous la plume du juge
Proulx, souligne que l’infraction continue se distingue de l’infraction
unique par la possibilité pour le contrevenant de mettre fin à ce que l’on peut
appeler l’« état d’infraction » dans lequel il se retrouve.

[28]    En l’espèce, le Tribunal fait siens les propos
de l’honorable juge Dumas dans une affaire similaire:

[…]

[31]    Le Tribunal estime que l’infraction ne saurait
être complétée et cesser dès la première parution de l’annonce sur le site
Internet.  En effet, comment concevoir que la publication d’une annonce
puisse être interdite un jour et ne plus l’être le lendemain, alors que tous
les éléments constitutifs de l’infraction demeurent réunis. 
Il s’agit
pourtant de la même annonce contenant les mêmes informations erronées.

(Nous soulignons)

–     Si oui, s’agit-il d’un cas permettant au Tribunal de ne pas imposer une
peine pour chaque jour d’infraction en vertu de l’article 230 du Code de
procédure pénale ?

[32]    Or, toute poursuite pénale débute au moment
de la signification du constat d’infraction[9]. Le constat d’infraction a été signifié
au Défendeur seulement le 23 novembre 2016
.

[33]    Si la poursuite pénale avait été intentée
dès le moment de la connaissance de l’infraction par le Poursuivant, il est
possible que monsieur Lavertu, considérant le sérieux de la chose, ait mis fin
plus rapidement à la situation qui lui est reprochée
, au lieu d’attendre
jusqu’au 23 septembre 2016.

[34]    Le Barreau était au courant de la situation
depuis au moins novembre 2015, tel qu’en fait foi la correspondance produite au
dossier (P-2). Dans ce contexte,
une audition pour représentations sur la peine s’impose
.

(Nous soulignons)

La
décision intégrale se trouve ici.

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