30 Avr 2018

L’argument de taux d’intérêt élevé d’un prêt hypothécaire n’est pas accepté par la Cour

Par Bin Zeng, Gowling WLG

Par Bin Zeng

Avocat
Dentons

Dans l’affaire Westboro Mortgage Investment c.
9080-9013 Québec Inc.
, la Cour Supérieure se penche sur le taux d’intérêt d’un
prêt hypothécaire et conclut que les prestations de chaque partie aux termes du
contrat de prêt garanti par des hypothèques mobilières et immobilières
n’étaient pas disproportionnées.

Contexte

Dans cette affaire, 9080-9013 Québec Inc.
(ci-après, la « Société »)
contracte un prêt auprès de Westboro Mortgage Investment Corp. (ci-après,
« Westboro »), qui offre
des services de prêts privés. Ce prêt est garanti par une hypothèque sur
l’immeuble de la Société ainsi que par une hypothèque mobilière qui porte sur
l’ensemble des biens et des droits de la Société. Le prêt porte un taux
d’intérêt de 9% par année calculé semi annuellement. Des difficultés
financières surviennent au sein de la Société, faisant en sorte qu’elle est en
défaut d’effectuer les versements mensuels. La Société reconnaît être endettée
envers Westboro LP, cessionnaire des droits de Westboro. Elle invoque
toutefois, à titre de défense, que le prêt est lésionnaire et que le Tribunal
devrait exercer sa discrétion pour en modifier les modalités.

Décision
et analyse

Le premier argument invoqué par la Société est le taux d’intérêt élevé
(9% par année calculé semi annuellement) et les frais exorbitants du prêt
(10 500$ payé lors du déboursé). La Cour constate que :

[20] Lorsqu’un taux élevé d’intérêt est
invoqué comme élément de disproportion, la partie qui allègue la lésion doit
démontrer que le taux prévu au contrat de prêt est beaucoup trop élevé lorsque
comparé aux taux du marché dans un contexte comparable. […]

En l’espèce, la Cour rejette l’argument de la Société pour la raison
suivante :

[24] [l]a Société n’a pas établi que ce taux
est un taux d’intérêt exagéré pour le type de prêt consenti. Il ne faut pas
oublier que Westboro est un prêteur privé qui se spécialise dans les prêts qui
présentent un certain risque et qui s’adressent à des emprunteurs qui n’ont pas
été en mesure d’obtenir un prêt auprès d’une institution financière. […]

De plus, la Société plaide que les
circonstances entourant la signature de l’engagement hypothécaire et du contrat
de prêt doivent entrer en ligne de compte. Dans ce cas-ci, notamment, la
représentante de la Société ne comprend pas bien l’anglais et il n’y a pas eu
de communication directe entre Westboro et la Société pour s’assurer qu’elle
comprenait bien toutes les conditions rattachées au prêt. La Cour souligne que
la Société était accompagnée dans ses démarches de recherches de financement par
un professionnel et que les conditions du prêt ont été négociées par
l’entremise d’un courtier hypothécaire. En outre, même si l’acte hypothécaire
était rédigé en anglais, les conditions essentielles du prêt ont été bel et
bien expliquées à la représentante de la Société. Concernant l’article 55 de la
Charte de la langue française invoqué par la Société, la Cour décide
ainsi :

[50] […] L’acte hypothécaire contient des clauses usuelles, mais
il ne s’agit pas d’un contrat d’adhésion. En effet les modalités essentielles
du prêt, notamment le montant prêté, le taux d’intérêt et les modalités de
remboursement, ont été négociées entre les parties par l’entremise du courtier
hypothécaire; elles n’ont pas été imposées par le prêteur. 

À titre informatif, l’article 55 de la Charte de la langue française va
comme suit :

55. Les contrats d’adhésion, les contrats
où figurent des clauses-types imprimées, ainsi que les documents qui s’y
rattachent sont rédigés en français. Ils peuvent être rédigés dans une autre
langue si telle est la volonté expresse des parties.

En conclusion, la Cour statue que la Société
n’a pas établi que le contrat de prêt garanti par des hypothèques mobilières et
immobilières était lésionnaire.

Commentaires

Il est intéressant de noter que la Cour tient
compte des différences entre un prêt d’un prêteur privé et celui d’une
institution financière. En effet, la Cour mentionne que le risque pris par le
prêteur est un facteur dont on doit tenir compte dans l’appréciation des
conditions rattachées au prêt et que l’évaluation du taux d’intérêt élevé ne
peut s’inférer sur la base d’un simple comparatif des taux offerts par les
institutions financières.

Le texte intégral de la décision est disponible
ici.

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