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SOQUIJ
Intelligence juridique
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05 Avr 2019

Sélection SOQUIJ – MUNICIPAL : Road to Home Rescue Support c. Ville de Montréal, 2019 QCCS 1042

Par SOQUIJ, Intelligence juridique

MUNICIPAL (DROIT) :
Le pourvoi en contrôle judiciaire visant à attaquer la légalité et la validité
de la décision de l’arrondissement de Montréal-Nord ayant déclaré dangereux un
chien de type pitbull qui a mordu 4 enfants et 2 adultes et ayant
ordonné son euthanasie est rejeté.









2019EXP-906

Intitulé : Road to Home Rescue
Support c. Ville de Montréal, 2019 QCCS 1042 *
Juridiction : Cour supérieure
(C.S.), Montréal, 500-17-105390-184
Décision de : Juge Lukasz
Granosik
Date : 26 mars 2019
Références : SOQUIJ AZ-51580660,
2019EXP-906 (15 pages)

Résumé
MUNICIPAL (DROIT) —
règlement — règlement 16-060 sur le contrôle des animaux — validité — chien
dangereux — morsure — interprétation de «éliminer» (art. 63 de la Loi
sur les compétences municipales
) — ordonnance d’euthanasie — chien de type
pitbull — hiérarchie des sources de droit — compatibilité du règlement avec la
législation provinciale — Loi sur le bien-être et la sécurité de
l’animal
 — article 898.1 C.C.Q. — équité procédurale — droit d’être
entendu — recours en nullité — contrôle judiciaire — intérêt juridique —
tardiveté du recours — délai déraisonnable (7 mois).

ADMINISTRATIF
(DROIT) — contrôle judiciaire — cas d’application — droit municipal — règlement
municipal — règlement 16-060 sur le contrôle des animaux — chien dangereux —
ordonnance d’euthanasie — recours en nullité — tardiveté du recours — délai
déraisonnable (7 mois) — norme de contrôle — décision correcte.

INTERPRÉTATION DES
LOIS — conflit de lois — intention du législateur — prépondérance de la Loi
sur le bien-être et la sécurité de l’animal
 — application des
dispositions du Code civil du Québec — article 898.1 C.C.Q. —
droit supplétif — règlement municipal — règlement 16-060 sur le contrôle des
animaux — compatibilité du règlement avec la législation provinciale.

BIENS ET PROPRIÉTÉ
— nature et distinction des biens — animal — objet de droit — ordonnance
d’euthanasie — validité — chien dangereux — règlement 16-060 sur le contrôle
des animaux — Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal —
compatibilité du règlement avec la législation provinciale.

PROCÉDURE CIVILE —
dispositions générales — intérêt juridique — organisme américain — refuge pour
animaux — contrôle judiciaire — recours en nullité — règlement municipal —
règlement 16-060 sur le contrôle des animaux — qualité pour agir dans l’intérêt
public — question justiciable sérieuse — intérêt réel — pouvoir
discrétionnaire.

ADMINISTRATIF
(DROIT) — contrôle judiciaire — justice naturelle — droit d’être entendu —
équité procédurale — municipalité — règlement 16-060 sur le contrôle des
animaux — ordonnance — euthanasie.

PROCÉDURE CIVILE —
nouveau Code de procédure civile.
Pourvoi en contrôle
judiciaire. Rejeté.
Le 19 août
2018, un chien de type pitbull appelé Shotta a mordu 4 enfants et 2 adultes
sur le territoire de la Ville de Montréal (arrondissement de Montréal-Nord). Au
moment de ces événements, la propriétaire du chien, Frineau, avait confié
celui-ci à Richardson. Compte tenu de la gravité de l’incident, et sur la foi
notamment du rapport de police, en application de l’article 32 du règlement
16-060 sur le contrôle des animaux, la direction de l’arrondissement de
Montréal-Nord a décidé, le 22 août suivant, que Shotta était un chien
dangereux et qu’il devait être euthanasié au plus tard le 31 août. En sa
qualité de gardienne du chien, Richardson a été avisée par écrit de cette
décision. Dans le contexte de l’enquête policière en lien avec ces cas de
morsures, un mandat de perquisition a ordonné que le chien soit détenu à la
Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux de Montréal. Ce
mandat a eu comme effet de suspendre toute euthanasie de l’animal. Le
2 novembre, la demanderesse Road to Home Rescue Support (RHRS) a entrepris
le présent pourvoi, au soutien duquel elle allègue être un refuge pour animaux
situé aux États-Unis et s’engage à adopter Shotta et à s’en occuper. Le
19 mars 2019, Frineau est intervenue à la procédure à titre de
codemanderesse. Le lendemain, à la suite de la décision des autorités de ne pas
porter des accusations criminelles contre Richardson, une juge de paix a
ordonné la remise du chien à l’arrondissement de Montréal-Nord, qui en est
devenu le «possesseur légitime».

Décision
Le Code de procédure civile (C.P.C.) prescrit que tout recours
en contrôle judiciaire doit être introduit dans un délai raisonnable à partir
du jugement ou de la décision attaquée. En l’espèce, il n’existe aucune
justification valable au délai de 7 mois mis par Frineau pour se porter
partie demanderesse dans le présent pourvoi. En conséquence, elle ne peut
attaquer en contrôle judiciaire la décision du 22 août 2018 ayant déclaré
Shotta chien dangereux et ayant ordonné son euthanasie. Quant à RHRS, elle ne
possède pas la qualité juridique pour agir au sens de l’article 85 C.P.C.
D’ailleurs, une personne qui possède de plein droit la qualité pour agir sera
généralement préférée à titre de partie demanderesse. En l’espèce, Frineau est
une telle personne, tout comme le seraient les citoyens montréalais touchés
directement par le règlement 16-060 sur le contrôle des animaux.

Quant à la validité de ce règlement, les articles 62 et 63 de la Loi
sur les compétences municipales
 n’empêchent pas la Ville de Montréal
de promulguer des règlements prévoyant l’euthanasie des animaux dangereux.
Quoique le verbe «éliminer» possède plusieurs significations, il comprend, tant
en anglais qu’en français, selon les définitions soumises, les notions de
«mettre fin à la vie» d’une entité vivante ou de la «tuer». On ne peut donc
interpréter ce mot comme excluant la mise à mort d’un animal. D’autre part, ni
l’article 898.1 du Code civil du Québec (C.C.Q.), ni la Loi
sur le bien-être et la sécurité de l’animal
, ni aucun précédent
jurisprudentiel n’empêchent l’euthanasie d’un animal, et encore moins celle
d’un animal dangereux. La qualification d’un animal, désormais hybride en droit
québécois, ne prescrit aucune procédure à cet égard, à l’exception de celle de
la mise à mort elle-même, laquelle doit remplir certaines exigences. Par
ailleurs, il n’y a pas lieu de donner à la Loi sur le bien-être et la
sécurité de l’animal
 le statut juridique d’une «charte des droits» de
l’animal (un animal demeure un objet de droit); cette loi n’a aucune portée
supralégislative. Quant à la théorie de la hiérarchie des normes, elle est ici
respectée puisque ni cette loi ni le code ne constituent des normes
immédiatement supérieures à la réglementation municipale. En outre, la demande
ne signale aucun article de la Loi sur le bien-être et la sécurité de
l’animal
 ou de son règlement qui créerait un droit ou une obligation
entraînant un conflit opérationnel ou d’application avec le règlement
municipal.

Enfin, les mots «le cas échéant» mentionnés à l’article 31 du règlement 16-060
sur le contrôle des animaux accorde un pouvoir discrétionnaire au décideur,
soit l’arrondissement, d’informer ou non le gardien (le propriétaire) et
d’évaluer ou non le chien. Bien que l’utilisation de l’expression «le cas
échéant» soit ambiguë, il faut constater que le règlement prévoit tout de même
une mesure d’équité procédurale en faveur du propriétaire du chien et que, de
ce fait, les articles à l’étude ne peuvent être déclarés inopérants ou
invalides. Au surplus, à l’intérieur du spectre des cas de comportement, allant
d’une situation où l’autorité publique abat un animal sur-le-champ alors qu’il
est en train d’attaquer des humains ou de mordre d’autres animaux jusqu’à celle
où il y a un malentendu sur un geste ou une action de l’animal, lequel
malentendu serait facilement dissipé par une expertise, le tribunal estime que
l’on se trouve en l’espèce devant une situation analogue au premier cas. Dans
une telle éventualité, il est possible de se passer à la fois d’une expertise
et d’un avis au propriétaire. Cette interprétation et cette application par la
ville défenderesse de son règlement ne sont pas incorrectes.

Suivi : Requête pour
permission d’appeler, déclaration d’appel et requête pour suspendre l’exécution
du jugement, 2019-04-02 (C.A.), 500-09-028213-197.

Le
texte intégral de la décision est disponible ici

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