Sélection SOQUIJ – Road to Home Rescue Support c. Ville de Montréal, 2019 QCCA 2187
Par SOQUIJ, Intelligence juridique
MUNICIPAL (DROIT) :
La réglementation municipale contestée, qui permet l’euthanasie d’un chien
dangereux, n’enfreint ni l’article 898.1 C.C.Q. ni la Loi sur le
bien-être et la sécurité de l’animal.
2020EXP-36
Intitulé : Road to Home Rescue Support c. Ville de Montréal, 2019 QCCA 2187
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Marie-France Bich, Manon Savard et Jocelyn F. Rancourt
Date : 20 décembre 2019
Références : SOQUIJ AZ-51655419, 2020EXP-36 (37 pages)
MUNICIPAL (DROIT) :
La réglementation municipale contestée, qui permet l’euthanasie d’un chien
dangereux, n’enfreint ni l’article 898.1 C.C.Q. ni la Loi sur le
bien-être et la sécurité de l’animal.
Résumé
MUNICIPAL (DROIT) —
règlement — règlement 16-060 sur le contrôle des animaux — règlement 18-042 sur
l’encadrement des animaux domestiques — validité — euthanasie — chien dangereux
— chien de type pitbull — compatibilité — législation provinciale — Loi
sur le bien-être et la sécurité de l’animal — article 898.1 C.C.Q. —
équité procédurale — recours en nullité — contrôle judiciaire — intérêt
juridique — tardiveté du recours — délai raisonnable (7 mois) — permission
d’appel — appel.
ADMINISTRATIF
(DROIT) — contrôle judiciaire — cas d’application — droit municipal — règlement
municipal — règlement 16-060 sur le contrôle des animaux — règlement 18-042 sur
l’encadrement des animaux domestiques — chien dangereux — ordonnance —
euthanasie — recours en nullité — tardiveté du recours — délai déraisonnable
(7 mois).
BIENS ET PROPRIÉTÉ
— nature et distinction des biens — animal — article 898.1 C.C.Q. — ordonnance
— euthanasie — validité — chien dangereux — règlement 16-060 sur le contrôle
des animaux — règlement 18-042 sur l’encadrement des animaux domestiques
— Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal —
compatibilité.
PROCÉDURE CIVILE —
dispositions générales — intérêt juridique — organisme américain — refuge pour
animaux — contrôle judiciaire — recours en nullité — règlement municipal —
règlement 16-060 sur le contrôle des animaux — règlement 18-042 sur
l’encadrement des animaux domestiques — qualité pour agir dans l’intérêt public
— question justiciable sérieuse — intérêt réel.
ADMINISTRATIF
(DROIT) — contrôle judiciaire — justice naturelle — équité procédurale —
municipalité — règlement 16-060 sur le contrôle des animaux — règlement 18-042
sur l’encadrement des animaux domestiques — ordonnance — euthanasie.
PROCÉDURE CIVILE —
appel — permission d’appel — décision administrative — droit municipal —
ordonnance d’euthanasie — droit d’appel.
Appel d’un jugement de la Cour
supérieure ayant rejeté un pourvoi en contrôle judiciaire. Rejeté. Requête pour
permission d’interjeter appel. Accueillie.
Le 19 août 2018, Shotta, un
chien de type pitbull, a mordu 4 enfants et 2 adultes sur le
territoire de la Ville de Montréal. Celle-ci l’a déclaré immédiatement chien
dangereux et a prononcé à son endroit un ordre d’euthanasie. Frineau, la
propriétaire du chien, et Road to Home Rescue Support (RHRS), un refuge
américain, ont demandé que Shotta soit confié à ce refuge plutôt que mis à
mort, invoquant la légalité et la validité de la décision de la Ville et de la
réglementation municipale.
Le juge de première instance a conclu que RHRS n’avait ni la qualité ni
l’intérêt juridique nécessaires pour présenter son pourvoi et que Frineau, qui
possédait la qualité et l’intérêt requis, n’avait pas présenté sa demande dans
le délai raisonnable prévu à l’article 529 alinéa 3 du Code de
procédure civile (C.P.C.). En outre, la réglementation en cause
n’outrepassait pas les limites fixées par la Loi sur les compétences
municipales, n’enfreignait ni l’article 898.1 du Code civil du
Québec (C.C.Q.) ni la Loi sur le bien-être et la sécurité de
l’animal et son application, en l’espèce, ne contrevenait pas aux
règles de l’équité procédurale.
Décision
Mme la juge Bich: Les appelantes contestent une
décision administrative de la Ville, entité sujette au pouvoir de surveillance
et de contrôle de la Cour supérieure, l’invalidité alléguée de la
réglementation n’étant que l’un des moyens invoqués au soutien de la
contestation de cette décision. L’appel d’un tel jugement requiert une
permission préalable, laquelle sera accordée.
RHRS n’a ni la qualité ni l’intérêt juridique requis pour ester en justice et
contester la décision prise à propos de Shotta ou la validité de la
réglementation municipale. Ses droits ne sont pas au coeur du litige et il
existe un moyen efficace de contester la validité de la réglementation municipale,
soit par l’entremise de Frineau. Cette dernière n’a toutefois pas agi à
l’intérieur d’un délai raisonnable, conformément à l’article 529 alinéa 3
C.P.C., ayant attendu plus de 6 mois avant de se joindre à l’action
intentée par RHRS.
La réglementation municipale applicable est valide. D’une part, l’article 63 de
la Loi sur les compétences municipales permet expressément à
l’intimée de veiller à l’élimination de tout animal dangereux. D’autre part, la
réglementation n’enfreint pas la législation applicable. En ce qui concerne
l’article 898.1 C.C.Q., le fait que les animaux sont des êtres doués de
sensibilité n’empêche pas qu’ils puissent occasionnellement constituer une
nuisance ou un danger et faire l’objet de mesures destinées à y remédier, de
façon temporaire ou définitive. L’article 898.1 C.C.Q. n’interdit d’ailleurs
pas, en soi, l’abattage ou l’euthanasie d’un animal constituant une nuisance ou
présentant un danger indu. Quant à la Loi sur le bien-être et la
sécurité de l’animal et à son application, son article 6, qui
interdit la maltraitance des animaux, lu à la lumière de l’ensemble des
dispositions de la loi elle-même, ne permet pas de conclure que cette
disposition empêche d’euthanasier ou d’abattre un animal. Ce qui est visé dans
cette disposition est la maltraitance menant à la mort.
La décision prise par le conseil d’arrondissement n’est pas conforme à l’équité
procédurale ni aux exigences processuelles de la réglementation municipale
applicable, vu l’absence d’un préavis officiel quant à ses intentions et
l’absence d’une évaluation comportementale préalable à laquelle il aurait dû se
livrer. Cela dit, la tardiveté du recours de Frineau couvre les manquements de
l’intimée et ne lui permet plus de les invoquer.
Instance précédente : Juge Lukasz Granosik, C.S., Montréal, 500-17-105390-184, 2019-03-26,
2019 QCCS 1042, SOQUIJ AZ-51580660.
Réf. ant : (C.S., 2019-03-26), 2019 QCCS 1042, SOQUIJ AZ-51580660, 2019EXP-906;
(C.A., 2019-04-09), 2019 QCCA 653, SOQUIJ AZ-51585867; (C.A., 2019-05-31), 2019
QCCA 1237, SOQUIJ AZ-51611291.
Le texte
intégral de la décision est disponible ici
Cette décision a d'ailleurs été commentée dans Michaël Lessard et Romane Bonenfant, « Euthanasie, abattage et mise à mort d’animaux : comment interpréter la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal? Commentaire sur Road to Home Rescue Support c Ville de Montréal » 50 Revue générale de droit 319 (2020), en ligne: https://ssrn.com/abstract=3691172